L’Allemagne soulagée, les analystes sceptiques sur l’avenir d’Opel repris par Magna

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à la chancellerie à Berlin le 30 mai 2009. (Photo : Steffi Loos)

[30/05/2009 11:51:04] FRANCFORT (AFP) L’Allemagne poussait samedi un soupir de soulagement: “Opel est sauvée”. Mais nombre d’analystes étaient réservés quant aux perspectives offertes par les repreneurs, l’équipementier canadien Magna adossé à des capitaux d’Etat russes.

“Tout cela semble reposer sur des bases bien fragiles. Disons qu’il y a 60 à 70% de chances que ça ne marche pas”, tranchait Jürgen Pieper, analyste de la banque Metzler. Même son de cloche pessimiste chez Frank Schwope, de NordLB, interrogé par l’AFP: les repreneurs “vont tout tenter, et puis échouer, et Opel fera faillite… d’ici 2 ou 3 ans”.

Comment expliquer un tel contraste entre l’enthousiasme affiché des syndicalistes et de nombreux responsables politiques, notamment à gauche, et le scepticisme de certains experts du secteur automobile?

D’abord parce qu’ils divergeaient sur le scénario d’un dépôt de bilan, dans le sillage de la débâcle de la maison-mère américaine General Motors. Les salariés avaient très peur des conséquences sociales; les analystes y voyaient une chance de restructuration en profondeur.

A quatre mois des législatives, et même auprès du parti conservateur CDU, c’est la première option qui a triomphé, Berlin bouclant dans la nuit de vendredi à samedi le rachat par Magna et la banque semi-publique russe Sberbank, adossés au constructeur russe GAZ.

Il y a aussi un désaccord industriel. “L’offre de Fiat était meilleure, avec son argument du volume. C’est l’argument le plus important”, selon M. Pieper. Pour lui, comme pour Volkswagen, Toyota ou Fiat, un constructeur n’a de chances de survie que s’il devient un géant mondial.

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ège de Magna à Aurora dans l’Ontario. (Photo : Geoff Robins)

Or Magna fait un autre pari, en ciblant les nouveaux marchés émergents, grâce aux capacités de production d’Opel et celles de GAZ en Russie. La Russie “deviendra le premier marché d’Europe, le potentiel est énorme”, avançait Ferdinand Dudenhöffer, expert automobile sous le charme de Magna, vantant la très grande qualité de ses ingénieurs.

Un avis partagé par Klaus Franz, le chef du comité d’entreprise européen de GM: il rêvait récemment de voir Opel concevoir des modèles “propres”, en coopération avec les ingénieurs de Magna, et de conquérir la Russie voire l’Inde.

Mais si Magna jouit d’une bonne image, avec son profil assez rare de fabricant de pièces automobiles et de montage de voitures pour d’autres constructeurs comme BMW ou Chrysler, il n’a jamais développé seul de véhicules.

“Ils vont avoir des problèmes, avec les 2 millions de véhicules de GM Europe à produire alors que ce n’est pas leur activité principale. Et ils vont avoir des problèmes avec leurs clients constructeurs” qui pourraient annuler leurs contrats, selon M. Schwope.

Et ce n’est pas GAZ, propriété de l’oligarque Oleg Deripaska, qui va les aider. Selon les analystes, son passif s’élève à un milliard d’euros.

Reste aussi à connaître, en pleine crise économique, le détail financier du montage. En échange de 20% du capital à Magna et 35% à Sberbank, Opel doit recevoir 700 millions d’euros. Mais il s’agit essentiellement de titres de dettes, selon la presse.

Même chose pour les 300 millions demandés à la hâte par GM et apportés par Magna: ils sont garantis, mais “en dehors de l’Allemagne”.

GM et Magna n’ont pour l’instant signé qu’une lettre d’intention, ils doivent encore finaliser tous ces détails, et se mettre d’accord sur un autre point crucial: l’utilisation des brevets et des technologies d’Opel.