L’abécédaire
marchand
Le conférencier est homme de terrain. Il a été dans le premier peloton de
conseillers en négoce à l’international ayant accompagné le premier jet du
Famex. A l’heure actuelle, il est lui-même promoteur de stand dans les
salons professionnels internationaux. Il allie une formation à une
expérience pratique qui a abouti. Son itinéraire est pour le moins
conséquent. Sa communication s’intitule “Négocier à l’international, comment
éviter les écueils”. On pourrait tout aussi bien l’appeler
l’abécédaire du «marchandage» sur stand. En réalité, sans le dire, Ridha
Mahjoub a rédigé un manuel de procédures. Il y recense les bonnes pratiques,
au sens des bonnes recettes de comportements et d’échanges relationnels.
Le choc des mots, le poids des egos
La rencontre entre un vendeur et un prospect sur un stand est un moment qui
doit être réglé comme du papier à musique. C’est une partition qu’il faut
roder au préalable pour qu’elle soit fin prête le jour J.
Ce moment est une rencontre entre deux individualités qui peuvent parfois
représenter deux cultures que tout éloigne. Dans cet échange s’interposent
la communication, la stratégie autant que la tactique. Il y a donc à bien
peser les mots et ménager les egos toujours avec pour objectif, finaliser
une vente.
Le conférencier a formalisé un cadre pour y faire figurer toutes les
contraintes des aires culturelles, des techniques d’échange et de com’, des
paliers de concession. Une série de consignes leur font face de sorte à
déjouer les pièges et autres écueils pour s’acheminer vers un accord final.
L’importance du flash émotif
Dans une rencontre entre deux personnes qui se découvrent, les 20 premières
secondes ont autant d’importance que les 20 premiers mots de même que les 20
premiers gestes, c’est ce laps de temps qui va lancer la négociation. C’est
un moment qu’il faut préparer avec minutie.
Un grand pilote de course racontait que pour gagner en Formule 1, il faut
être celui sui se trompe le moins. La messe est dite. Se tromper revient à
improviser ou répondre de manière cavalière. Ce peut être l’usage d’un
stéréotype culturel choquant provenant de l’ignorance de l’univers de
l’autre. Ce peut être une maladresse de présentation. Ce qu’il faut garder à
l’esprit, c’est que le non-verbal transmet 70% environ de notre statut,
selon les experts, à la personne qui est en face. D’où l’intérêt de bien
soigner les détails.
L’art de la négociation : les consignes de base
Avant de s’engager dans une négociation, veiller à repérer la personne clé.
C’est elle qu’il faut entourer d’attention car c’est elle qui signe en bout
de course. Pour ne pas s’éparpiller, se souvenir qu’une personne subit la
hiérarchie des paliers ergonomiques. Elle ne retient que 10% de ce qu’elle
lit, 20% de ce qu’elle entend et 30% de ce qu’elle voit mais va jusqu’à 90%
de ce qu’elle explique en faisant. Alors, au moment de faire l’article,
associer le prospect à la démo’, de la sorte il percevra le plus de votre
message et en saura le plus sur votre produit.
Écouter de manière active et tolérer l’objection
Prêter l’oreille et répondre à propos est une attitude d’intelligence, dite
écoute active. Il est recommandé, quand on est hors de sa sphère de
proximité régionale et linguistique, de recourir aux services d’un
interprète du pays «native» pour éviter les pièges de langue et de langage.
Il faut comprendre où l’autre veut en venir ou parfois ses priorités et ses
centres d’intérêt. Cela, en général, dissipe les malentendus. C’est cette
écoute active qui fait que l’on sait exactement quoi concéder et à quel
moment.
L’accord final, le sens de l’instant
La négociation doit s’acheminer vers l’accord final. On y va sans trop
forcer et cela vient à travers les récapitulations et la reformulation des
propos du client. Quand l’instant se présente, il faut savoir le détecter.
C’est un sens qui se cultive. Quand le client est prêt à signer, il ne sert
à rien de continuer à palabrer. Il faut être prompt à le forcer à passer
commande et point final.
Ce moment ne doit pas être un instant d’euphorie car un excès de joie
pourrait laisser le client penser qu’il s’est fait avoir. Et le conférencier
d’éveiller au syndrome du «one short deal». Un contrat qu’on ne renouvelle
pas par ce genre de frivolités.
Se faire conseiller
Le conseil à l’export s’inscrit dans l’immatériel. C’est du métier. Le
conférencier s’emploiera à prouver que le conseil est un input non
négligeable, on veut négocier pour aboutir à vendre. Opérer sur un stand
nécessite un training ad hoc. Ridha Mahjoub est catégorique: tout se
prépare, tout se scénarise sur un stand.
Ridha Mahjoub : «Négocier à l’international ne s’improvise pas, ça
s’apprend»
Quel est le message de votre communication ?
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’une négociation à l’international est avant
tout une technique. Elle doit, par conséquent, être bien rodée et bien
assimilée. Négocier à l’international ne s’improvise pas. C’est une
préparation et une assimilation des codes et rites culturels de la partie
avec laquelle on négocie.
Cela exige beaucoup d’intelligence des deux parties. J’entends une
intelligence au sens réel et une intelligence économique. Il faut de la
préparation pour disposer de l’information et préparer l’entretien dans
toutes ses étapes. La façon avec laquelle on ouvre la négociation, avec
laquelle on négocie et la façon avec laquelle on choisit le moment pour
clôturer. Et en clôturant, comment ménager une issue pour qu’en cas où les
choses ne se réalisent pas, on puisse rattraper la situation.
Découvrir la culture des autres est nécessaire?
La découverte d’un partenaire est un préalable nécessaire. Il faut manipuler
les clichés avec beaucoup de précaution car ils peuvent induire en erreurs.
S’appliquer à trouver les objectifs et les priorités du partenaire. Et,
surtout s’adapter à sa culture. Il est hors de question de se ramener avec
le même modèle de vente vis-à-vis de clients qui sont de cultures
différentes.
La démonstration sur stand est importante ?
On est en plein dans le cas de figure du «learning by doing». La meilleure
façon d’apprendre c’est de faire. On peut expliquer de mille façons verbales
avec la gestuelle, c’est jamais assez. La meilleure façon, techniquement,
c’est de mettre le produit entre les mains du client et qu’il essaie ça.
Les 20 premiers faits et gestes sont déterminants ?
La négociation est semblable à une pièce de théâtre. Les meilleurs acteurs
répètent à satiété jusqu’à maîtriser le speech et le gestuel et ils les
assortissent ensemble pour produire le meilleur effet. Il ne faut pas
laisser cela à l’improviste.
Se toucher, c’est à ce point gênant ?
Là encore il faut s’imprégner de la culture de l’autre. Il y a des pays où
il faut se toucher et d’autres ou il faut garder ses distances. Ce sont les
contraintes du relationnel. En Méditerranée, c’est d’usage. Ailleurs, ce
peut-être prohibé.
Bien régler la com’, c’est pour éviter les malentendus ?
Reprendre les propos est la meilleure façon de vérifier que la personne a
bien assimilé votre message. A chaque étape s’assurer que la personne en
face de vous a bien compris. Grace à cette technique, on visualise le chemin
parcouru, étape par étape. Et on obtient l’adhésion de l’interlocuteur.
Vous recourez à un jargon martial, pourquoi ?
La vente se vit comme une bataille. C’est quelque chose de martial, par
nature. On a toujours tendance à faire attention à ce qu’on achète et le
vendeur a toujours tendance à «arracher» des contrats. On parle de
résistance à l’achat. Tous ces mots nous renvoient aux termes d’une guerre.
Gagner une guerre est un moment d’effusion. Pourquoi rester discret sur un
stand?
Justement, il faut penser à l’avenir et ne pas heurter la personne en face
de vous pour perpétuer la relation commerciale. Il y a une joie démesurée,
le partenaire penserait à une «arnaque».
Se faire aider par un interprète, c’est utile dites-vous ?
On se ménage deux choses en recourant à un interprète. On peut mieux
réfléchir à la réponse que l’on donne et en prenant un «natif» du pays, on
évite les problèmes d’interprétation qui portent à confusion parce qu’il y a
des choses que l’on ne peut pas traduire dans une langue.
Repérer le décisionnaire, pour ne pas se tromper de guerre ?
Parfois les décisionnaires, par calcul tactique, se cachent. Bien les
repérer pour éviter une désillusion. Le décisionnaire c’est la personne sur
laquelle il faut focaliser.
Pourquoi préparer les concessions, à l’avance?
Dans toutes négociations il y a certainement des concessions. Il faut
toujours donner le sentiment à votre interlocuteur que vous avez accepté de
lui concéder quelque chose.
Qu’est-ce que l’écoute active, au juste ?
L’écoute doit être active. Se taire vaut parfois mieux que de prendre la
parole.
Disposer des outils d’aide à la vente sur un stand, c’est élémentaire ?
Ça peut paraître élémentaire mais c’est extraordinaire le nombre de fois où
les gens se ramènent encore une fois avec les mêmes catalogues négligeant
les us et coutumes du pays. Avoir de catalogues avec des photos de femmes
dans un pays puritain où se genre de choses n’est pas accepté.
Accepter l’objection. Comment ça facilite la vente ?
Beaucoup de gens ne sont pas prêts à l’objection. Quand l’interlocuteur
soulève une objection, toute leur stratégie tombe à l’eau alors que
l’objection est un élément très intéressant dans une conversation, car elle
nourrit la suite de la négociation. Un bon négociateur sait utiliser une
objection en sa faveur. Mettre en place un environnement de confiance est
rassurant pour l’acheteur.
L’accord final peut être explicite ou implicite ?
Oui dans une négociation dans certaines cultures, l’accord verbal, la
poignée de mains suffit, et on s’y tient. Dans d’autres cultures, une
poignée de mains est bonne mais ne dispense pas d’un contrat en bonne et due
forme.
L’accord final peut ne pas être définitif ?
Oui, encore une fois, dans certains pays, l’accord final est revisité en vue
de reprendre un peu de marge.
Le spectre du “one short deal” ?
L’accord final n’est pas une raison pour parader. Ce n’est que le début
d’une histoire commerciale qu’il faut pérenniser, alors il faut faire
attention.