“Tadjik Jimmy”, star en Russie

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ïmourat Allaberiev alias “Tadjik Jimmy” à St. Petersburg le 5 avril 2009 (Photo : Viktor Kotov)

[14/06/2009 09:07:53] KOLOMNA, Russie (AFP) Après avoir gardé des moutons et récolté du coton, Baïmourat Allaberiev alias “Tadjik Jimmy” est devenu un chanteur qui a su conquérir le public russe en faisant un tabac sur internet.

Une vidéo le montrant en train d’interpréter en solo la chanson “Jimmy Jimmy Jimmy Aaja”, s’inspirant de “Disco Dancer”, un succès de Bollywood en 1983, a été regardée plus de 400.000 fois sur le site internet YouTube.

Allaberiev — connu sous le nom de “Tadjik Jimmy” bien qu’il ait des origines ouzbèkes — a signé récemment un contrat avec une maison de disques et donné des concerts à Moscou et Saint-Pétersbourg.

Le chanteur se plaît à raconter la manière dont son talent a été remarqué lorsqu’il est arrivé en Russie en 2008 pour la construction d’un centre commercial dans la région de Moscou.

“Quand j’étais sur le chantier, je chantais des chansons pour moi. Ensuite, les collègues — russes, ouzbeks, tadjiks — s’approchaient et me filmaient”, raconte à l’AFP Allaberiev, qui paraît bien plus que ses 37 ans.

“Et ils disaient : Jimmy, on va mettre ça sur internet. Après, beaucoup de gens ont téléchargé mes chansons et les ont écoutées. C’est comme cela que je suis devenu une star”, affirme-t-il.

En dépit d’une carrière musicale prometteuse, Allaberiev a conservé son emploi d’ouvrier qualifié au centre commercial Rio à Kolomna, à une centaine de kilomètres au sud-est de Moscou, son talent de chanteur ne suffisant visiblement pas à le faire vivre.

“Je ne peux pas abandonner ce travail. Mais si quelqu’un me demande de faire un concert, j’y vais et je joue”, dit-il.

Né d’une famille de dix enfants au Tadjikistan, près de la frontière avec l’Afghanistan, Allaberiev a été encouragé, enfant, à prendre des cours de musique après l’école.

“Mon oncle jouait de la batterie et il me disait : quand tu seras plus grand, je t’achèterai une batterie et un synthétiseur”, raconte-t-il.

Mais les choses ne se sont pas passées exactement comme il l’entendait, en raison de la guerre civile au Tadjikistan au lendemain de la chute de l’URSS et de l’accès du pays à l’indépendance.

Allaberiev s’est alors retrouvé à garder des troupeaux de moutons, avant de récolter du coton au Kazakhstan, autre ex-république soviétique d’Asie centrale.

Dans les années 1990, il chantait pour des amis et animait des mariages. L’ouvrier est devenu un chanteur populaire après qu’un journaliste russe l’a présenté à un producteur de musique, Ilia Bortniouk, directeur de la société Light Music à Saint-Pétersbourg.

Celui-ci a proposé à “Tadjik Jimmy” de se produire en première partie du groupe de musique électronique alternative britannique Asian Dub Foundation en avril à Saint-Pétersbourg.

M. Bortniouk a été tellement impressionné par la prestation d’Allaberiev qu’il a signé avec lui un contrat le soir même. “C’est quelqu’un qui a beaucoup de talent”, a confié le producteur à l’AFP.

En dépit de son succès, Allaberiev est exposé aux mêmes risques de discrimination que les autres ressortissants d’Asie centrale à l’encontre desquels les agressions racistes sont fréquentes en Russie.

Un soir d’avril, non loin de Moscou, il a été agressé “sans raison” dans un train par des inconnus et a perdu deux dents de devant.

“Tadjik Jimmy” assure toutefois se sentir en sécurité et affirme que sa célébrité lui permet désormais d’éviter un autre problème auxquels sont confrontés nombre d’immigrés en Russie : le harcèlement policier.

“A la police tout le monde me connaît”, affirme Allaberiev. “Ils me disent: Jimmy, vous êtes un si bon chanteur, vous êtes notre star. Et ils me laissent partir”, assure-t-il.