«Le Conseil du Marché Financier rappelle aux sociétés faisant appel public à
l’épargne qu’elles sont tenues (…) de déposer ou d’adresser, sur supports
papier et magnétique, au Conseil du Marché Financier et à la Bourse des
valeurs mobilières de Tunis, dans un délai de quatre mois, au plus tard, de
la clôture de l’exercice comptable et quinze jours, au moins, avant la tenue
de l’assemblée générale ordinaire, l’ordre du jour et le projet de
résolutions proposés par le conseil d’administration ou par le directoire;
les documents et les rapports prévus, selon le cas, par les articles 201 et
235 du code des sociétés commerciales et l’article 471 dudit code, les
rapports du ou des commissaires aux comptes visés, selon les cas, aux
articles 200, 269 et 472 du code des sociétés commerciales; un document
d’information établi conformément à l’annexe 3 du règlement du CMF
sus-mentionné».
Le CMF a, comme il le fait depuis quelques années, publié le 27 avril
dernier ce communiqué pour rappeler aux entreprises faisant appel public à
l’épargne leurs obligations en matière d’information financière. Ce rappel à
l’ordre –non assorti de la menace de sanctions, que la loi, d’ailleurs, ne
prévoit pas- vient périodiquement souligner que bon nombre –pour ne pas dire
la plupart- des 225 sociétés et organismes faisant appel public à l’épargne
persiste dans leur violation de la loi, comme si de rien n’était.
Mais le bas ne blesse pas qu’au niveau du respect des délais, La qualité
elle-même de l’information financière laisse à désirer dans notre pays.
Visiblement soucieux, lors de la conférence nationale sur «Transparence,
gouvernance d’entreprise et crise financière», organisée jeudi 25 juin 2009,
par la Cellule des Jeunes Membres de l’Institut Arabe des Chefs
d’Entreprise, d’éviter de «mettre les pieds dans le plat», M. Adel Grar,
président de l’Association des Intermédiaires en Bourse (A.BI.B.) et
directeur général d’Amen Invest, n’en a pas moins reconnu, du bout des
lèvres, que l’information financière distillée –au compte-gouttes- en
Tunisie est à des Années Lumières des standards internationaux.
«En Tunisie, contrairement aux prospectus d’émission, les rapports
d’activités des entreprises n’obéissent à aucune norme ou standard.
Pourtant, c’est le seul outil à la disposition de l’actionnaire. Cette
situation est étrange», note M. Grar. Qui rappelle que l’A.I.B. recommande
l’élaboration de normes pour combler cette lacune.
Procédant à une évaluation pour vérifier si les sociétés cotées en Bourse
inséraient bien certains chapitres obligatoires dans leurs communications
financières, le président de l’A.I.B. s’est aperçu que «deux ou trois parmi
elles ont un score égal à zéro».
En fait, en Tunisie «il y a d’énormes différences entre les sociétés
concernant la nature des informations divulguées, leur degré de détail, leur
intelligibilité, leur mode de présentation et le volume des rapports
d’activités» que les entreprises et organismes faisant appel public à
l’épargne publient, observe Sabri Boubaker, co-auteur avec Hatem Mansali et
un groupe d’une bonne dizaine de représentants d’entreprises cotées en
Bourse, du «Guide du rapport annuel».
Et même si elle estime que «l’information légale publiée est assez riche»,
Mme Emna Kallel, secrétaire générale de l’Association tunisienne des
analystes financiers (ATAF) n’en souhaite pas moins voir les entreprises
communiquer «plus d’informations qualitatives qui expliquent les chiffres et
leurs donnent un sens».
«Dans cette phase d’ouverture, notamment aux fonds d’investissements
étrangers, les entreprises doivent avoir des cadres capables de communiquer
et de parler à ces fonds. Or, on n’en est pas encore là», regrette Mme
Kallel.
Heureusement, dans le monde secret de l’entreprise tunisienne, il y a
quelques exceptions annonciatrices d’un début de changement des mentalités.
La première est Poulina Group Holding qui, à l’occasion de son introduction
en Bourse, «a produit un prospectus de 1.500 pages, équivalent à deux fois
l’annuaire téléphonique», plaisante Taoufik Hebaieb dont l’agence TH.Com a à
son actif la production d’une vingtaine de ces ouvrages.
La seconde est «Alkimia», dont l’ancien p-d.g., Ali Ben Ali, «a démontré que
même la divulgation d’informations négatives peut être utile», fait
remarquer Férid Ben Brahim, président de l’ATAF.
Toutefois, «tout dire, à tout le monde et à tout moment peut être périlleux
pour l’entreprise», met en garde Taoufik Hebaieb.