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: Est-ce l’impact néfaste de la séance unique sur la productivité qui a poussé
Poulina à garder le rythme du travail continu ?
Karim Ammar : Absolument. Pendant les deux mois de l’été (si ce n’est les trois
mois) tout le monde prend du retard sur son travail sans oublier les congés. Par
conséquent, toutes les défaillances de la productivité se font ressentir durant
cette période. Et le pire, c’est qu’au retour de la séance normale, nous perdons
encore du temps à récupérer les retards des deux mois précédents. C’en est trop
! Aujourd’hui, grâce au maintien de la double séance, tout le travail se fait au
même rythme et au même niveau. Plus encore, il est un peu plus relax puisque les
administrations ne travaillant pas l’après midi, cela permet à celui qui a du
retard de le rattraper.
Donc prendre le prétexte de la séance unique comme remède à la baisse de la
productivité en été, ne se justifie pas ?
Chacun a sa propre appréciation de la séance unique, toujours est-il que nous
sommes presque le seul pays au monde à la pratiquer l’été. Sauf les Caraïbes où
j’ai vécu pendant un moment. Ils commencent à travailler à 7h du matin et
terminent à 15h30 tous les jours 12 mois sur 12. C’est un choix de société mais
ç’est le peuple le moins productif du monde. Il est loin d’être une référence.
Pour ma part, je préfère avoir pour référence un pays à forte productivité comme
les Etats-Unis.
Pour revenir à une question désormais classique, comment le groupe a réagi à la
crise au national et à l’international ?
Le dernier trimestre de 2008, a été très dur parce que nous avons, comme tout le
monde, été surpris par la crise. Nous aurions dû être capables de l’éviter et je
pense qu’il faut que nous fassions notre autocritique, car faute de ne pas voir
su l’éviter, nous l’avons subi. De nouvelles habitudes de consommation ont été
engendrées par la crise, les consommateurs sont devenus plus prudents, ils
révisent leurs choix et diffèrent leurs décisions d’achats pour plus tard.
L’Europe étant en récession, nous avons décidé de renforcer notre présence
ailleurs, tout près de chez nous en Libye et en Algérie. Les conditions étaient
favorables, cela coïncidait avec l’abaissement des barrières douanières avec
l’Algérie. Nous avons donc tout fait basculer sur l’Algérie. Un marché qui a
tout absorbé, aujourd’hui nous y sommes surbookés. A partir du mois de janvier
2009, le développement du marché agroalimentaire a permis de remettre à flot nos
sociétés et récupérer nos pertes. Il faut tout de même reconnaître que depuis le
mois de mai, tout va pour le mieux.
Quelles sont les activités qui vous ont fait courir le plus de risques ?
Par exemple, les importations de céréales. L’Etat a exigé une réserve
stratégique de deux mois, c’est ce que nous avons fais pour garantir
l’approvisionnement du marché en maïs et en blé surtout en temps de crise pour
préserver le pouvoir d’achat des consommateurs. Malheureusement d’autres importateurs ont bradé le marché
et même si c’est nous qui avions perdu nous maintiendrons toujours nos stocks stratégiques.
Pour vous, il fallait que tout le monde respecte la consigne…
Exactement. En ce nous concerne et à l’avenir nous serons plus prudents tant
que le cahier des charges ne sera pas respecté par tout le monde, et puis il y a
eu l’acier c’est aussi un secteur qui a régressé de près de 70%, avec le
ralentissement de l’activité du bâtiment.
Nos entreprises qui disposaient de stocks importants ont du les brader pour
pouvoir les écouler sur le marché. Pendant près de 6 mois, elles ont vendu à
perte. Ceci dit, la diversification du groupe représente pour nous un atout de
taille, puisque certaines activités soutiennent d’autres lorsqu’elles sont en
difficultés.
Pour ce qui est de votre redéploiement sur le marché algérien, comment
réagissez-vous aux dernières mesures prises par l’Algérie concernant les
sociétés commerciales et industrielles étrangères ?
Tout d’abord, j’aimerais préciser qu’indépendamment de tout, nous sommes deux
pays très proches culturellement, même s’il existe des différences, elles ne
sont pas fondamentales et ce que se soit avec l’Algérie ou la Libye. Je préfère
aller travailler en Libye, un marché potentiel pratiquement vierge et où on a
tout à donner tant au niveau de la compétence que de la culture industrielle,
qu’ailleurs. Pareil pour l’Algérie.
La nouvelle loi ne changera donc rien à votre position sur ce marché ?
Elle n’y changera rien en effet et de toutes les façons, nous avons des usines
qui démarrent incessamment leurs productions sur place.
Et la rétroactivité de la loi pour les projets industriels ?
Pour l’industrie je ne pense pas qu’elle est rétroactive mais pour les activités
commerciales, elle l’est.
On prétend que la Libye va dans la même direction que l’Algérie.
Le partenariat est obligatoire en général en Libye, sinon on ne peut y créer une
entreprise.
Et les taxes imposées aujourd’hui sur les véhicules qui se déplacent vers la
Libye ?
Elles ne sont pas dramatiques, et puis qui pourrait savoir de quoi seront faits
les lendemains libyens ?
Vous n’avez pas peur pour les projets que vous réalisez à la «Jamahiriya» ?
Non avons une dizaine de projets sur place, il y’en qui fonctionnent à merveille
et d’autres qui entrent en production bientôt.
Ils touchent à quelles activités ?
Il y en a dans l’acier, dans la céramique, dans l’emballage, la glace, le
bâtiment, les travaux publics et les routes.
Vous mettez en place des projets intégrés qui se complètent..
Nous n’inventons rien, nous nous attaquons uniquement aux projets que nous
maîtrisons et dont nous possédons la technicité. L’usine de céramique de «Agereb» est moderne et performante, nous avons exporté notre savoir faire en
Libye, pour nous c’est plus facile parce que nous sommes familiarisés avec ce
genre d’activités, par conséquent, nous démarrons facilement et rapidement.
Grâce à votre redéploiement en Algérie et en Libye, vous avez pu faire face à la
crise ?
Nos projets dataient d’avant la crise mais c’est notre stratégie commerciale
souple et réactive qui nous a permis de résister et de nous remettre à flots.
Notre redéploiement est stratégique parce que la Tunisie est un petit pays et si
on veut grandir, il faut sortir. Le gouvernement depuis 4 ans appelle les hommes
d’affaires à conquérir d’autres marchés et à s’implanter à l’international. Nous
sommes en train d’exporter la Tunisie.
Quelle est la moyenne de l’ouverture de nouvelles usines à Poulina ?
Nous avons un projet d’investissement de l’ordre de 250 millions de dinars sur
deux années. Nous allons embaucher près de 1600 personnes en Tunisie.
Quel est le chiffre d’affaires de poulina en Algérie ?
Les 5 premiers mois de l’année sont positifs et conformes à nos prévisions.
Et à part la Libye et l’Algérie, la Chine et l’Arabie saoudite ?
La Chine, d’abord, pour l’Arabie saoudite, il faut attendre la fin de l’année.
Quel est votre projet en Chine ?
Une usine d’embouteillage d’huile d’olive tunisienne.
Vous allez exporter l’huile d’olive tunisienne labellisée ou en vrac ?
En vrac, nous la labellisons sur place. Nous croyons beaucoup au marché chinois
et à son développement. Il vaudrait mieux s’y implanter aujourd’hui qu’attendre
et subir ensuite. Nous essayerons également d’en faire notre plateforme pour
l’Asie. Nous y installons notre centrale d’achat.
Les pays du Golfe ne vous intéressent pas ?
Il y a des projets de partenariat saoudiens qui n’ont pas encore abouti. En
Chine, nous commençons à produire vers la fin de l’année. Nous avons notre
local, l’usine sera prête à accueillir les machines au mois de septembre
Et l’économie verte, vous y pensez ?
L’orientation écologique de Poulina est confirmée, pour Abdelwaheb Ben Ayed,
rien ne se jette, tout se transforme. Déjà lorsqu’on sort en laissant la lumière
de nos bureaux, on est réprimandé. Dans toutes les filiales, on fait le tri des
déchets, le plastique, le bois, le verre. Chaque déchet est ramassé séparément
même l’acier. Par exemple, nous utilisons un mélange de bois et de déchets pour
produire le compostage. Tout ce qui reste des poulets et qui n’est pas
comestible, est mélangé à de la cire de bois. Au bout de 45 jours, il devient du
fumier que nous utilisons dans les fermes de Poulina.
Quelle est votre approche de l’industrie verte, comptez-vous acquérir de
nouveaux équipements moins énergivores ?
Nous nous sommes lancés dans la cogénération depuis déjà quelques années. La
cogénération est la récupération de la chaleur ou de la vapeur et sa
transformation en électricité. Nous vendons d’ailleurs, l’électricité à la STEG
et fait nouveau, nous venons de vendre notre certificat de la pollution à
l’Allemagne.
Qu’est ce qu’un certificat de pollution ?
C’est un certificat pour les pollueurs. Ceux qui polluent plus que d’autres
doivent payer autant d’argent. Ils doivent donc acheter un certificat d’un pays
non pollueur. Nous avons cette année, vendu notre certificat de non pollueur à
cinq cent mille euro. Mais ce n’est pas le plus important pour nous, car il
s’agit de rentabilité économique. Nous dépensons moins en économisant plus
l’énergie et nous préservons l’environnement.
La question à un milliard de $, pourquoi Karim Ammar en tant que successeur ?
Il faudrait peut être le demander à Si Abdelwaheb et pas à moi. Pour l’instant,
il m’implique de plus en plus dans certains dossiers, il me pousse à prendre les
décisions suivant les situations, à gérer des dossiers auxquels je ne suis pas
habitué. Gérer les relations avec le personnel également, les cadres supérieurs
et directeurs généraux, négocier avec eux leurs rémunérations, enfin tout ce qui
est sensé faire partie de mes futures attributions.
Il est donc en train de vous préparer..
Les choses doivent prendre leur temps et se faire en douceur. Le passage se fera
de manière très soft. Si Abdelwaheb veut avancer lentement et sûrement. C’est un
bâtisseur, il construit sur des bases solides et je le comprends. Le processus
doit prendre le temps qu’il faut. C’est ça l’école Poulina, dont je suis
d’ailleurs le produit.
Quelles sont les valeurs Poulina ?
A Poulina, il n y a que la compétence qui compte, pas d’intérêt particulier
parce que, que l’on soit un petit ou un grand actionnaire, il n’y a strictement
aucune différence. Nous avons été « éduqués » à conseiller les actionnaires de
la façon la plus honnête possible. Tout le monde est traité sur le même pied
d’égalité, tout le monde est pareil.
Un patron qui vous impose de lui demander des comptes à lui en tant que salarié
(exemple pointage), ça ne coure pas les rues de notre temps. Lorsqu’un patron
empreigne ses employés de ces valeurs, je peux vous dire qu’ils finissent par
être formatés à la culture de l’entreprise. C’est une appartenance à une entité
et non une allégeance à une personne, c’est comme cela qu’on doit réfléchir
lorsqu’on veut la pérennité de l’entreprise.
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