L’Office National de l’Assainissement (ONAS), structure qui s’est forgé la
réputation de nous faire payer individuellement -et au prix fort, par le
biais de la facture de la SONEDE- un service qu’elle ne fournit pas
toujours, vient d’être épinglé par un rapport accablant de la Banque
mondiale, institution connue pour être pourtant un des principaux
partenaires de la Tunisie.
Intitulé «réflexion stratégique sur l’eau potable et l’assainissement en
Tunisie», le rapport (disponible sur Internet) égrène les insuffisances
structurelles dont souffre cet Office dont on se rappelle les carences
(fragilité des infrastructures et équipements) lors des inondations de Tunis
(septembre 2003 et 2007 particulièrement).
Première insuffisance relevée, l’ONAS, 34 ans depuis sa création,
n’est pas parvenu à couvrir la totalité des périmètres communaux et les
zones de développement touristique. Jusqu’à fin 2006, sur une population
urbaine totale de 6,7 millions d’habitants le périmètre de l’ONAS ne compte
que 5,8 millions d’habitants (57,6% de la population totale et 87,8% de la
population urbaine.
Faut-il rappeler ici que l’Office n’a pas vocation de prendre en charge les
communautés non urbaines ? Du coup, une population de 813.000 habitants
répartie sur 109 communes «Non ONAS» a un niveau d’assainissement très
faible, soit 4,9% contre 86,6% dans les zones ONAS.
Deuxième insuffisance, l’ONAS, qui a également pour mission de
traiter les eaux usées brutes en gestion directe ou en sous-traitance avec
des privés, reste en deçà des ratios internationaux. Selon le même rapport,
«la qualité moyenne de l’eau épurée est de 43 mg/l de DBOO5 alors que la
norme de rejet fixe ce paramètre à 30 mg/l».
Troisième insuffisance, les stations d’épuration exploitées par l’ONAS
ont généré des problèmes environnementaux. En épurant les eaux usées, ces
stations fabriquent trois produits en grandes quantités : les eaux épurées
bien sûr, mais aussi de matières polluantes telles que les boues, les gaz
nauséabonds, et accessoirement les sables, les huiles et les reflus de
dégrillage.
Toujours d’après le rapport, «dans certaines zones, la réutilisation des
eaux épurées est entravée soit par la mauvaise qualité des eaux épurées,
soit par leur salinité élevée, soit par le coût onéreux de leur transfert.
Actuellement, note le rapport, seuls 29% des volumes sont réutilisés
(irrigation de 9000 hectares dont 760 de terrains de golf et 340 d’espaces
verts).
L’ONAS, selon ce rapport, n’est pas coopératif avec les autres structures. «La
concertation, l’échange d’information entre l’ONAS, l’Agence Nationale de
protection de l’environnement (ANPE) et les services du ministère de
l’Agriculture chargés de l’irrigation sont à niveau modeste. L’intégration
des projets d’épuration et de périmètres irrigués est faible», lit-on dans
le rapport.
Idem pour les boues produites par ces stations (128.000 m3 par an), leur
utilisation en agriculture a été interdite pendant de longues années en
raison de l’absence de textes réglementaires.
Quant aux eaux industrielles usées traitées, le rapport signale leur non
réutilisation dans l’agriculture en raison de leur mauvaise qualité (couleur
de l’eau, charge de produits chimiques incompatibles avec leur réutilisation
…).
S’agissant du désagrément des mauvaises odeurs, des gaz nauséabonds se
dégagent des stations d’épuration et créant des nuisances aux alentours. La
raison est simple. Les eaux usées séjournent dans les bassins au-delà des
délais convenus. «Cette situation est très incommode pour l’ONAS, car elle
constitue, d’après le rapport, une importante source de contestation de la
part des riverains et même des usagers de la route».
Pour l’anecdote, le rapport relève l’inefficacité du recours de l’ONAS à des
palliatifs (pulvérisation de produits parfumants), pour remédier à la
situation.
Quatrième insuffisance, l’effectif de l’ONAS est pléthorique et fort
coûteux. Le rapport estime que le ratio de 4,13 agents pour 1000 abonnés est
très élevé pour une entreprise qui opère dans un seul secteur,
l’assainissement. La structure de l’effectif montre un faible taux
d’encadrement (11%) et un fort taux d’agents d’exécution (73%), soit 506
agents d’exécution.
Le personnel d’exécution technique, l’activité qui normalement demande le
plus de personnel, n’est pas assez étoffé, remarque le rapport.
Le même document impute cette carence au schéma de fonctionnement retenu par
l’ONAS. Celui-là même qui consiste, en dépit de cette armada de
fonctionnaires, à confier la plupart des études et pratiquement la totalité
des travaux au secteur privé.