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Avant même d’être un pays, un territoire, une entité étatique comme tant
d’autres, un peu partout dans le monde, le Liban est tout d’abord une idée.
Ou peut-être devrais-je dire une belle synthèse d’idées, porteuses de
richesses spirituelles, de principes de partenariats, de volontés de
convergence sur l’essentiel et de visions sociétales polysémiques, reflet
d’une mosaîque de 18 communautés religieuses qui ont fait le pari, à la fin
du protectorat français en 1943, d’endosser, constitutionnellement, cette
riche succession d’appartenances et d’affiliations, en dépit de la montée, à
l’époque, au niveau de la région du Moyen-Orient, des monolithismes
politiques et des nationalismes chauvins où l’Etat se confondait, souvent,
avec les intérêts d’un groupe social sectaire, intolérant, brutal, à
caractère généralement confessionnel.
Car, sinon comment comprendre cette «libanité», cet amour de l’entreprise,
de l’édification, cette résilience économique, d’essence citoyenne, face aux
affres de la guerre civile (1975-1990), aux ingérences structurées de tous
les services de renseignements de la planète, à la furia de l’Etat hébreu,
inconsolable depuis la déconfiture de Tsahal devant les passionnés du martyr
de Karbala et à la tendance atavique d’un establishment politique
beyrouthin, enclin, hélas, depuis les tristes événements de la montagne en
1840, à lier les enjeux de la politique intérieure au gré des intérêts des
puissances régionales et internationales dont la vocation, nous dit Monsieur
Michel Eddé, Président-directeur général du journal L’Orient-Le Jour, est de
souffler sur les braises d’une formule sociétale singulière, conviviale, une
nécessité non seulement pour les Libanais mais aussi et surtout pour le
monde arabe et islamique.
En fait, envers et contre tous, «ce pays message», creuset de la diversité
linguistique et culturelle, mille fois malmené, mais toujours coriace,
entend toutefois demeurer fidèle à sa vocation ancestrale phénicienne,
fondée sur l’échange pacifique, la solidarité, la création des comptoirs de
commerce dans tous les continents et le partenariat gagnant-gagnant à la
place des rapports de domination afin de donner une réponse aux besoins des
uns et des autres, d’humaniser les relations sociales et d’administrer la
preuve, comme vient de le déclarer récemment Monsieur Riadh Salamé,
gouverneur de la Banque centrale du Liban, de l’ingéniosité et de la
vivacité du pays du Cèdre qui arrive à préserver sa croissance, à renforcer
son matelas de devises étrangères et à conserver la confiance des instances
financières internationales, en dépit de la fragilité de la situation
politique, perceptible au vu de toutes les peines qu’endure actuellement
Saâd Hariri, chef de file du courant du Futur et personnage central du bloc
du 14 mars (coalition de partis à l’origine de la révolution du Cèdre en
2005), pour former le prochain gouvernement.
Une embellie économique miraculeuse
Au cours d’un déjeuner-conférence organisé à l’hôtel Phoenicia, le 10
courant par le Conseil des hommes d’affaires belges au Liban (BBCL), Riadh
Salamé a dit s’attendre à une croissance de 6% en 2009 contre une projection
initiale de 4%, à la lumière des derniers développements politiques qui ont
vu la victoire des descendants de Rafik Hariri et de leurs alliés à
l’occasion des élections législatives du 7 juin 2009. La balance des
paiements, ajoute le gouverneur, a enregistré, en dépit de la récession
manifeste dans les principaux centres marchands du monde occidental, un
excédent de 1,65 milliard de dollars, ce qui témoigne, dit-il, de la
résilience économique du pays, de l’attachement charnel de la diaspora à la
patrie (maintien du niveau des transferts) et de la réaction contracyclique
du secteur privé face à la dégradation des échanges à l’échelle
internationale.
Et comme cerise sur le gâteau, à la fin du colloque, M. Salamé a mis en
exergue l’augmentation des dépôts bancaires de 15 milliards de dollars, au
cours des douze derniers mois, enregistrant une croissance record de 20%, le
pic des réserves en devises étrangères, évaluées à 23,5 milliards de
dollars, en juin, à la faveur des nombreuses conversions en livres et la
valeur en hausse des lingots d’or, entreposés à la Banque centrale, estimés
actuellement à 8,5 milliards de dollars, ce qui va permettre, dit-il, à la
BCL de poursuivre sa politique de stabilisation de la monnaie locale, de
contribuer efficacement au financement de l’Etat et de soutenir les
opérateurs privés dans leurs projets visant le raffermissement du statut de
Beyrouth comme plaque tournante de la finance internationale.
Par ailleurs, les services du Premier ministre sortant, Fouad Siniora, ont
mentionné des flux nets de capitaux entrants vers le Liban, durant les cinq
premiers mois de 2009, à hauteur de 1471,3 millions de dollars, en hausse de
136% par rapport à la même période de l’année dernière. Il s’agit de flux
dus à l’augmentation des dépenses des touristes, à l’accroissement des
liquidités des dépôts bancaires des non-résidents auprès des banques
commerciales locales et au retour de la confiance chez les investisseurs
originaires des pays du Golfe.