ège de la banque Morgan Stanley le 9 juin 2009 à New York (Photo : Mario Tama) |
[24/07/2009 07:52:38] NEW YORK (AFP) Des grandes banques américaines ont recommencé à verser de copieuses primes à leurs dirigeants moins d’un an après le début de la crise financière, au risque de démontrer qu’elles n’ont rien appris de la débandade de septembre 2008.
Goldman Sachs, qui a annoncé la semaine dernière des bénéfices record, a fait savoir qu’il avait mis de côté au premier semestre pas moins de 11,4 milliards de dollars pour la rémunération de ses dirigeants. Son concurrent Morgan Stanley a suivi le mouvement mercredi en annonçant une enveloppe de 3,9 milliards — en dépit d’un troisième trimestre consécutif de pertes.
Pour certains, le retour de primes mirifiques est le signe de la guérison de Wall Street, où l’indice Dow Jones est repassé jeudi au-dessus de la barre des 9.000 points pour la première fois depuis huit mois.
Goldman Sachs et Morgan Stanley ont remboursé à l’Etat les fonds qui leur avaient été avancés au plus fort de la crise et peuvent donc s’affranchir des pressions politiques.
Mais pour d’autres observateurs, ces énormes budgets destinés aux cadres prouvent que le monde de la finance retombe dans l’arrogance et l’absence de responsabilité qui ont conduit à la catastrophe: les grosses primes inciteraient les dirigeants à prendre des risques sans se soucier des conséquences à long terme pour leur société, leur vieux jours étant largement assurés.
Après les centaines de milliards déboursés pour sauver le secteur, le président Barack Obama n’apprécie guère la prospérité retrouvée de certains banquiers.
“On n’a pas l’impression que les gens de Wall Street ressentent le moindre remords d’avoir pris tous ces risques. On n’a pas l’impression qu’il y ait eu un changement de culture ou de comportement malgré tout ce qui s’est passé”, a-t-il déclaré lundi à la chaîne de télévision PBS.
En France, la ministre des Finances, Christine Lagarde, a qualifié de “honte absolue” les bonus garantis sur plusieurs années que certaines banques recommencent selon elle à verser. Dans un entretien au Financial Times, elle a appelé mercredi les pays du G20 à se saisir de la question lors de leur sommet en septembre à Pittsburgh (est des Etats-Unis).
A Washington, le président de la commission des Finances de la Chambre des représentants, le démocrate Barney Frank, cherche à faire adopter une loi qui permettrait aux actionnaires de se prononcer sur la rémunération des dirigeants.
Actuellement, les émoluments des grands patrons sont fixés par leur conseil d’administration dans un mélange des genres malsains, selon le député. “Ce sont des potes”, dénonce-t-il. “Les actionnaires doivent pouvoir voter”.
De leur côté, les banques dénoncent un débat populiste et expliquent qu’elles n’ont guère le choix si elles veulent conserver leurs meilleurs éléments.
D’accord pour que l’Etat fixe les règles du jeu, Alan Johnson, qui dirige un cabinet spécialisé dans les rémunérations, doute cependant que des actionnaires soient à même de se saisir du dossier. Ce qui compte, selon lui, c’est d’encourager la “bonne” prise de risques.
“Si un dirigeant d’entreprise prend des risques calculés, qu’il emploie beaucoup de salariés et paie beaucoup d’impôts, ça ne me pose pas de problème”, explique-t-il.
Son confrère John Challenger souligne que les Etats-Unis se doivent de conserver des banques dynamiques, à même de survivre dans un environnement difficile.
“Il n’est pas facile de justifier les rémunérations démesurées, mais les banques sont en situation de concurrence”, observe-t-il. “L’administration américaine ne veut pas que tous leurs talents s’en aillent”.