«Vous allez interviewer mon patron ? Vous savez que c’est un
homme extraordinaire, je l’aime beaucoup». Il n’est pas d’usage, lors d’un
entretien, que l’assistante du «big boss» vous introduise dans son bureau en
lançant pareille réflexion. C’est arrivé et c’est avec Chakib Nouira.
Il faut dire que lorsque l’on cite le nom de Chakib Nouira dans le milieu
entrepreneurial tunisien, il y a consensus quant aux qualités de l’homme.
Exceptionnel ? Il l’est en quelque sorte dans la mesure où il figure parmi les
rares personnes qui échappent aux jugements de valeur gratuits et aux critiques
acides et dénigrements acerbes parfois infondés de la part de personnes qui ont
plus tendance à voir chez les autres ce qu’ils ont de pire que de meilleur.
Chakib Nouira est aussi un homme d’affaires avisé qui a réussi à faire de son
groupe l’un des meilleurs et des plus grands de la place. Sa formation de
banquier y est pour beaucoup, il ne rate pas une occasion pour le dire.
Entretien.
Webmanagercenter
: Pour commencer, une question personnelle, être le fils du grand homme Hédi
Nouira, est-ce un cadeau ou un fardeau ?
Chekib Nouira : Je ne le vois pas du tout comme ça. Il est vrai qu’au début,
il est très difficile de se faire son propre nom, mais ce n’est pas du tout
un fardeau, tout au contraire. C’est plutôt une fierté, d’ailleurs vous avez
décrit mon défunt père de grand homme, cette reconnaissance exprimée par
beaucoup de Tunisiens à mon père est un motif de fierté pour moi. En dehors
de l’amour filial que je ressens, j’ai voulu me faire ma propre place, j’ai
donc suivi des études financières et j’ai démarré ma carrière à l’étranger.
Je voulais me faire mon propre nom. Je ne sais pas si j’y ai réussi.
Justement, quand on parcourt votre curriculum vitae, on a l’impression que
vous avez passé beaucoup plus de temps à diriger des banques ou des
directions de banques qu’à diriger vos affaires ou votre héritage. Qu’est-ce
que ça vous fait maintenant d’avoir quitté l’univers bancaire ?
Vous savez, il faut savoir partir quand il le faut et laisser les autres
travailler tranquillement. J’ai décidé de quitter l’univers bancaire très
naturellement et dans les meilleures conditions qui soient.
En douceur…
En douceur et en amitié. La vie est ainsi, elle est faite de départs et de
recommencements. Pour ma part, j’ai été formé à être banquier -et je dis
peut-être une bêtise- comme on forme quelqu’un à être plombier ou
électricien, j’ai terminé mes études de banquier pour y faire carrière et
c’est un métier passionnant.
Ca vous manque tant ?
J’ai fait ma formation pour être banquier et je suis passé par l’un des
centres de formation les plus prestigieux qui soit, celui de la Chase
Manhattan Bank. J’ai travaillé aux Etats-Unis et y ai fait mes premières
preuves. Ensuite, je suis rentré en Tunisie où j’ai dirigé une banque
publique. Au bout d’un moment, j’ai quitté la BDET qui est une grande école
dans le secteur bancaire. Beaucoup de personnes, aujourd’hui, gérant des
banques importantes et des entreprises prestigieuses, faisaient partie de
mes collaborateurs à l’époque où je la dirigeais.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à partir ?
Je devais m’occuper d’affaires familiales, dont celles de mon épouse. Mon
premier départ du secteur bancaire était très dur car j’ai dû quitter un
métier que j’aime. Je me suis investi dans les affaires familiales, sans
jamais me départir de ma rigueur de banquier et c’est ce qui m’a aidé à les
développer convenablement. J’ai su bien gérer et prendre des risques
calculés.
Un jour, un collègue opérant dans le secteur des textiles est venu me
prévenir quant à l’option que j’ai faite, en investissant dans la filature.
A l’époque, je venais d’investir dans le renouvellement de la filature de «Hajeb
Layoun» qui a exigé des investissements très lourds. On me prenait pour un
fou, Hajeb Layoun est à 250 km de Tunis et j’étais obligé de m’y trouver.
Aujourd’hui, c’est un projet qui a réussi et je ne regrette pas du tout mon
choix.
Il est vrai que pour un citadin, il n’est pas facile de vivre loin de la
capitale…
C’est ce qu’il m’a dit. Selon lui, c’était ma première erreur car j’aurais
dû monter mon projet à Tunis. Ma deuxième erreur serait, paraît-il d’avoir
recruté 14 ingénieurs. «Vous savez, m’a-t-il dit, le secteur textile c’est
une industrie pauvre, et vous n’allez pas tenir avec 14 ingénieurs», et je
lui ai rétorqué que je pensais tout au contraire que sont ceux qui n’avaient
pas de capacité technique et technologique qui n’allaient pas tenir.
Aujourd’hui, je crois que nous sommes une des rares filatures de la région
qui existent encore et nous avons remboursé tous nos crédits. Et c’est grâce
non seulement aux ingénieurs mais à tous les cadres et à tous les ouvriers
qui ont suivi des formations à des niveaux élevés. Pour ma part, je suis
fier des performances réalisées par cette filature.
La BIAT, comment c’est arrivé ?
J’étais membre du conseil d’administration de la BIAT, Si Mokhtar Fakhfakh a
décidé de se retirer parce qu’il avait atteint l’âge respectable où il était
en droit de se reposer et de ralentir son rythme de travail, les
actionnaires m’ont sollicité pour occuper le poste. J’étais l’un des plus
jeunes membres du conseil d’Administration de la BIAT, cela faisait 30 ans
que je l’étais. J’avais 29 ans et j’étais directeur général de la BDET, qui
était également fondateur de la BIAT.
Quelle est la conclusion que vous tirez au bout de vos 7 années d’exercice à
la tête de la BIAT ?
C’était magnifique, la BIAT est une institution extraordinaire.
Vous y avez développé la communication…
J’espère ne pas avoir uniquement développé la communication. Nous y avons
mené une politique d’assainissement du portefeuille, jamais on n’avait
autant provisionné que ces années là. La BIAT était devenue la première
banque de la place en dépôts, elle est aujourd’hui la 1ère banque de la
place. Peu de gens le savent mais la BIAT possède le plus haut taux
d’encadrement des institutions financières du pays. 52% d’universitaires
travaillent à la banque et c’est exceptionnel. Les coûts sont élevés par
rapport aux autres mais les revenus aussi parce qu’on ne voit que les coûts
mais il faut s’intéresser au niveau atteint par cette banque, c’est celle
qui a le PNB le plus élevé du marché parce qu’il y a de la créativité, de la
technicité et de l’innovation, il y a de la valeur ajoutée.
On reproche également aux PDG de la BIAT d’être excessivement rémunérés…
Disons, relativement pour un pays comme la Tunisie. Ma seule réponse est que
mon salaire équivalait à celui de Mokhtar Fakhfakh. Lorsque j’ai quitté la
BIAT en 2008, mon salaire était au même niveau de celui que mon prédécesseur
recevait en 1999.
Inflation comprise…
Ce qui implique que si on prenait en compte le facteur inflation, voulait
dire que je gagnais moins. Ceci dit, je tiens quand même à préciser que je
n’ai rien demandé et lorsqu’on a fait l’opération de l’augmentation du
capital de la BIAT en 2007, j’ai déclaré mon salaire sur le prospectus je
crois que j’étais le seul à l’avoir fait. Le salaire de Chekib Nouira
n’était pas un secret.
Vous avez été des deux côtés de la barrière, celle de l’entreprenariat et
celle de la banque. Lorsqu’on vous lit en tant que banquier, on n’a pas
l’impression que vous êtes gentil avec les entrepreneurs ? Vous les
critiquez très souvent…
Parce qu’ils en ont besoin. J’étais président de l’Institut Arabe des Chefs
d’Entreprises quand j’étais banquier. Pour avancer, pour se développer, il
faut oser dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas et surtout, il
faut reconnaître l’existence de certains problèmes. Pour avancer, il faut se
dire, nous avons une difficulté, que devons-nous faire pour la solutionner.
Que faire pour rectifier le tir ? Il faut admettre nos carences et faire en
sorte d’y remédier, une fois que nous en aurions déterminé les causes. C’est
ainsi qu’on se corrige. On ne peut pas tout le temps reprocher aux autres
nos insuffisances… Il faut que les chefs d’entreprise s’investissent plus
dans l’amélioration de leur taux d’encadrement et s’attachent à être aussi
transparents que possibles pour donner l’exemple à leurs cadres.
La vérité blesse parfois…
Nous avons toujours prôné l’autocritique. Il faut dire la vérité tout crue
aux chefs d’entreprise. Même lorsque cela fait mal pour les pousser à se
corriger. On vient parfois me dire pourquoi telle entreprise réussit à
merveille et réalise des progrès, et d’autres non et ceci en période de
crise où le marché est en baisse. La réponse est simple, parce que le taux
d’encadrement y est élevé, parce qu’on y veille à former régulièrement les
cadres et ses ouvriers et on y assure des conditions de travail convenables.
Les Japonais ne plaisantaient pas en créant les cercles de qualité,
l’amélioration de la qualité et de la productivité, cela ne concerne pas que
les ingénieurs, elle concerne également et surtout les personnels
d’exécution. Lorsque parfois, dans une filature, un fil casse sur une
machine, c’est l’ouvrier qui s’adresse à l’ingénieur pour lui dire qu’on
pourrait éventuellement éviter ce genre d’incidents, si on l’utilisait
autrement. C’est ainsi que nous arrivons à améliorer la qualité de nos
produits, en formant comme il se doit les employés de nos entreprises, en
les impliquant dans leurs affaires, et en les mobilisant.
Un grand homme d’affaires tunisien m’a un jour interrogé sur ce qui rendait
mes employés aussi performants. Il m’a donné l’exemple d’un cadre qu’il
rémunérait au même salaire que j’accordais moi-même au cadre travaillant
dans mon entreprise, à la différence que chez moi on ne partait pas et que
chez lui, on finissait par partir. Ma réponse était simple, ce cadre est mon
patron parce que dans sa discipline, il sait beaucoup plus que ne j’en sais
et lorsqu’il me suggère des changements ou qu’il remet en cause des choix
que j’ai fait, je ne me sens pas vexé ou froissé, je lui accorde une oreille
attentive et je suis ses directives. Il est à la fois ridicule et
caricatural de nommer un directeur général dans une grosse entreprise et
l’obliger à venir solliciter votre signature pour un petit chèque de rien du
tout pour acheter du papier pour une photocopieuse…On fait subir ce genre de
pressions à ses collaborateurs lorsqu’on n’est pas transparent.
Lorsqu’on est transparent et que les méthodes de gestion sont saines, on n’a
pas à avoir peur. Lorsque les méthodes de contrôle de gestion sont bien
structurées également, la confiance n’excluant pas le contrôle, dans ce
genre de situation, les choses deviennent plus claires, elles sont
organisées, planifiées et réalisées comme il se doit.
Il faut apprendre à laisser les gens travailler en toute sérénité. Une fois
j’ai appelé, l’un de mes directeurs et je l’ai prié de refaire la peinture
du bâtiment abritant le siège de l’entreprise, sa réponse était d’ajourner
cette décision parce que le moment n’était pas propice pour faire de
pareilles dépenses. Vous vous rendez compte, il se souciait de l’intérêt de
l’entreprise comme si elle lui appartenait ! Et c’est ce qui est
extraordinaire lorsqu’on nourrit le sentiment d’appartenance des employés à
une entité appelée entreprise.
C’est quel genre de gestion que vous pratiquez là, à la Manhattan ou plutôt
le style IACE ?
C’est un mélange des deux et il y a la dimension de la formation bancaire
qui fait partie de mes valeurs. Dans la banque, il y a transparence,
délégation de pouvoir, contrôle régulier et gestion rigoureuse dans la
souplesse. Il faut toutefois reconnaître que nos entreprises s’améliorent de
plus en plus et qu’elles évoluent dans le bon sens. Car il faut être
conscient qu’à un certain moment, vous ne pouvez plus tout contrôler. Vous
gérez mal, vous prenez les mauvaises décisions or aujourd’hui le temps est
essentiel. En un an, une entreprise peut passer du bénéfice au déficit,
alors si un manager s’aperçoit du problème au bout de deux ou trois mois, il
a la possibilité de rectifier le tir et il est sauvé, dans le cas contraire,
il entre dans le cercle vicieux des déficits et de la marche arrière.
Vous ne reprochez rien aux banquiers ? Seraient-ils aussi parfaits que cela
dans notre pays ?
De par ma modeste expérience, je peux vous dire que ceux qu’on entend le
plus crier, critiquer les banques et les couvrir de reproches sont ceux qui
ont des difficultés, ou ceux qui soumettent un projet pour lequel ils ne
trouvent pas de financement.
Ou également les PME qui ont besoin d’être soutenues et financées par les
banques et qui se trouvent face à des portes closes…
Toujours, de par mon expérience pratique, je peux vous assurer que sur 10
cas, au moins 9 entreprises sont en difficultés à cause des gestionnaires.
Incompétence, mauvaise gestion, de bonne ou mauvaise foi. Et c’est pour cela
d’ailleurs que l’on appelle aujourd’hui à faciliter la reprise d’entreprises
dans un pays comme la Tunisie. Il y a des gens qui gèrent mal et qui mettent
en difficulté des emplois alors que si l’entreprise était reprise par
quelqu’un de compétent, les emplois seraient préservés et la production
s’améliorerait, ce qui contribuerait à améliorer l’économie du pays.
D’autre part, on ne peut pas reprocher aux banques d’avoir trop de crédits
accrochés et en même temps d’être dures ou frileuses. Les créances
accrochées sont élevées parce que les banques tout au contraire accordent
des prêts dès qu’elles ont un minimum de garanties. C’est pour cela
d’ailleurs qu’à chaque fois que nous avons des audits et que nous amenons
des experts étrangers, ils nous accusent d’avoir des filières évaluation de
risques trop molles, il faut serrer encore plus. Or, et là je vais vous
surprendre, je ne suis pas d’accord pour être plus sévère parce que le pays
en voie de développement de la région où il y a le meilleur développement et
l’un des meilleurs taux de croissance est la Tunisie. Le pays où le secteur
bancaire a le plus contribué au financement de la croissance, c’est
également la Tunisie. Alors si on a un peu de casse, c’est pas dramatique
dans le sens où dans un pays en voie de développement, on a besoin de créer
des emplois et si nous devons accorder plus de crédits qu’il n’en faut et
prendre un peu plus de risques, pour maintenir un taux croissance élevé,
c’est tant mieux.
Ce n’est pas ce genre de reproches que l’on devrait adresser aux banques.
Personnellement, en tant que banquier, je me reprocherais peut-être de ne
pas investir plus dans la formation de cadres techniques d’évaluation parce
que pour tout ce qui se rapporte aux nouvelles technologies, aux nouveaux
projets à haute valeur ajoutée, nous ne pouvons les évaluer comme il se
doit, vu notre savoir-faire limité en la matière, nous ne savons pas
évaluer, nous avons peur et nous risquons de ne pas approuver un projet
porteur, on peut reprocher pareille insuffisance aux banquiers
Il y a beaucoup à faire également au niveau des services bancaires…
Cela dépend. Je répondrais à ceux qui ne sont pas satisfaits des services de
leurs banques de changer tout simplement de banque.
Au sein des banques que j’ai connues ou dirigées, on forme les employés à
l’anglais, on les envoie suivre des stages à l’étranger, on dépense. Vous
savez la taxe professionnelle on l’utilise à 100%.
Mes successeurs à la BIAT ont créé un centre de formation, d’autres n’en ont
pas. Elles seront obligées de le faire parce qu’il y a une concurrence. Il y
a beaucoup de choses à améliorer que ce soit dans les banques ou les
entreprises.
Pour revenir au groupe de Chekib Nouira, en fait vous avez été parmi les
rares qui ont gardé une partie industrielle dans les activités du textile
mais pas seulement, vous avez également développé un label Dixit,
aujourd’hui international. Comment l’idée de labéliser vous est venue alors
qu’on ne parlait même pas de label dans notre pays ?
Cela fait quinze ans qu’on dit qu’il faut monter en gamme, qu’il faut aller
vers la valeur ajoutée, or dans le textile monter en gamme c’est intégrer.
Si vous ne fabriquez pas une partie du tissu, si vous n’assurez pas la
teinture et le finissage, si tout se fait en Asie, c’est grave. Parce que le
textile est un secteur en mouvement, si pour cette année, la mode est au
parme, l’année prochaine elle sera au violet et si vous attendez que le
tissu teint arrive de Chine, les autres ont le temps de vous bouffer 10
fois. Donc l’intégration est importante. La valeur ajoutée c’est aussi le
design, donc on doit former des stylistes, il faut aussi entrer dans la
distribution parce que ce nous fabriquons et vendons à 10 dinars se vend à
40 dinars dans les magasins. Nous avons proposé à nos partenaires de les
livrer directement et de nous charger de la partie distribution avec tous
les tracas qu’elle implique. Au début, ils étaient hésitants, après avoir
réalisé que la qualité de nos produits est bonne, que nous respectons les
délais, bref que nous assurons à tous les niveaux, ils ont fini par
accepter. C’est pour cela que l’intégration est aussi importante.
Donc vous offrez des collections toutes prêtes
C’est ce que nous faisons depuis des années. Nous avons créé notre propre
marque. C’est ce qu’il fallait faire. D’ailleurs dans notre pays, nous avons
réalisé des études stratégiques sur la nécessité de créer son label, de
s’engager dans l’intégration et de développer le design, ce qui nous fait
gagner beaucoup de terrain et nous permet de nous lancer dans la
distribution. Pourquoi notre ambition s’arrêterait-elle à livrer les grandes
marques européennes en modèles dessinés chez nous alors que nous pouvons
tout aussi bien réaliser le processus du début jusqu’à la fin ?
Que répondrez-vous à certains opérateurs qui ne prédisent pas un grand
avenir pour les textiles tunisiens ?
Je leur dirais, allez voir les étrangers installés en Tunisie, ils
réussissent tous, pourquoi? A chaque fois que nous construisons une usine,
nous exigeons des équipementiers d’avoir les meilleures machines, même si
elles sont plus chères. Parce qu’aujourd’hui même les produits textiles bon
marché sont de qualité, la différence se situe uniquement au niveau du
modèle ou de la texture, sinon concernant la qualité, elle est la même
partout. Il faut être sûr d’une chose, c’est que de nos jours, on ne peut
plus transiger sur la qualité.
Les étrangers nous disent que la Tunisie offre la même productivité qu’en
Europe, sinon meilleure. Donc en ce qui me concerne, je trouve que pour
avoir les meilleurs résultats, il faut s’en donner les moyens, ce qui nous
amène à dire qu’il faut investir dans la qualité à commencer par les
équipements et en terminant par le capital humain. Ce qui implique des
formations de haut niveau pour les personnels. On ne peut pas dispenser une
mauvaise formation et exiger la qualité. Un niveau de productivité élevé
traduit des conditions de travail convenables aux employés, un traitement
humain et respectueux et des rémunérations conséquentes. Un employé vous
donne à la hauteur de ce que vous lui offrez. Si vous êtes dans un bureau
climatisé en pleine canicule et que vos ouvriers étouffent de chaleur dans
l’usine, il faut se poser la question si on a ou pas le droit d’être
exigeants avec eux. Car c’est grâce à des relations d’estime et dans
l’équité que l’on peut réaliser le meilleur travail.
Ce genre de relation pourrait vous épargner les méfaits d’une crise ?
Il est difficile de trouver un bon client et c’est difficile pour un client
de trouver un bon fournisseur. Ce n’est pas à sens unique. Les personnes
intelligentes le savent, nos clients le disent parce qu’ils traitent avec un
fournisseur en toute confiance et n’ont pas peur que la marchandise soit de
mauvaise qualité ou que les délais ne soient pas respectés. Quand vous avez
la qualité et le prix, ce client s’en rend compte et tient à vous garder en
tant que partenaire. Et même s’il lui arrive de changer d’avis, il revient
toujours vers vous.
Quelle que soit la conjoncture ?
Auto live est un exemple éloquent. C’est une marque de ceinture de sécurité
suédoise, la n°1 mondiale et ils ont une usine à Tunis. En ces moments où
l’industrie automobile est en crise, j’ai vu le directeur et je lui ai
demandé si cela allait avoir un impact sur leur usine en Tunisie. Il m’a
répondu «La crise finira, aujourd’hui la Tunisie abrite notre unité de
production la plus productive, on n’y touchera pas». Ils comptaient employer
1.000 personnes de plus en pleine crise. L’économie, c’est être compétitif,
attentif, transparent et sérieux.
Dans quels pays européen êtes-vous implantés ?
Nous sommes implantés en France, en Espagne en Italie et en Russie. Et dans
le monde arabe, en Algérie, au Maroc, en Egypte et bientôt en Libye.
Maintenant que vous êtes implanté en Algérie donc, comment voyez-vous la
dimension maghrébine de l’entrepreneuriat ?
Nos plus grandes satisfactions aujourd’hui, au moment où je vous parle,
viennent d’Alger où la marque s’est imposée comme un label de qualité. Nous
avons été très bien acceptés par nos amis algériens, nous leur avons
toujours vendu les collections de l’année ce qu’ils apprécient énormément.
L’Algérie est pour nous un marché très important, nous sommes respectueux
des lois algériennes et des normes et de la qualité aussi de nos clients, et
ils nous le rendent bien. Nous avons une croissance magnifique dans ce pays,
la preuve, nous y ouvrons deux points de vente cette année.