Dans près de deux ans, quatre nouvelles grandes surfaces verront le jour : deux
à Tunis, une à Sousse et une à Sfax. Le marché tunisien est-il capable
d’absorber autant de méga-centres commerciaux ? Les industriels, les
distributeurs pourraient-ils y trouver leur compte ?
Peu probable, d’après les doléances exprimées par un grand nombre d’entre eux
lors du dernier conseil national de l’UTICA, ce qui a amené Hédi Djilani, maître
des céans, à déclarer qu’il irait jusqu’aux tribunaux si entre grandes surfaces,
distributeurs, commerçants et industriels, on n’arrive pas à un accord
raisonnable qui préserve les intérêts des uns et des autres : «Ceux qui ont
développé les grandes surface sont nos propres adhérents, ils font partie de
l’UTICA, mais lorsque n’importe lequel d’entre nous ne respecte pas les règles
du jeu, même si c’est le président de l’organisation, il doit être remis à sa
place», a-t-il tonné !
La courtoisie des grandes surfaces et le traitement privilégié seraient-ils du
seul tribut du consommateur, pour beaucoup le principal gagnant puisque c’est
celui qui profite le plus de la baisse des prix ? Pas si sûr, parce que si nous
pronostiquions un scénario catastrophe, selon lequel les entreprises mises en
difficulté par les grandes surfaces (et elles sont nombreuses) mettent au
chômage leurs employés, c’est le pouvoir d’achat qui en prendrait un coup et ce
sont les grandes surfaces qui seraient lésées…
Ces grandes enseignes censées s’adonner au commerce de détail, assureraient
apparemment le rôle de grossistes où détaillants et épiciers viennent
s’approvisionner, aux dépens des industriels et des distributeurs qui voient
leurs marges bénéficiaires réduites comme peau de chagrin. «Le problème se situe
au niveau des tractations et des conventions négociées entre les différentes
parties et qui mettent sérieusement en difficulté nos industriels et
commerçants. Si seulement tout le monde y gagnait, la situation ne serait pas
aussi dramatique, mais ne vous y trompez pas, car au-delà des chiffres
communiqués sur la Bourse de Tunis, si l’on comparaît chiffres d’affaires et
bénéfices nets, on réaliserait que les gains réalisés par ces centres
commerciaux sont très minimes», a affirmé le président de l’UTICA en faisant
remarquer que les grandes surfaces censées faire progresser le commerce, lui
ont, en réalité, porté un coup fatal en rognant de plus en plus sur les marges
bénéficiaires des commerçants, des distributeurs et des industriels. «Ce jeu de
massacre aux dépens des commerçants et des industriels, est inconcevable et
illogique, je ne tolérerais pas l’effondrement des circuits de distribution et
la lente mise à mort du tissu industriel dans notre pays», a-t-i fustigé,
approuvé par la salle.
L’euphorie ressentie par un grand nombre d’industriels et d’opérateurs tunisiens
dans les activités du commerce et de la distribution a rapidement viré à l’aigre
suite aux difficultés rencontrées par ces derniers dans leurs relations
commerciales avec les grandes surfaces décrites par certains comme
déséquilibrées, voraces et peu soucieuses des intérêts de l’entrepreneuriat
tunisien et des enjeux économiques du pays. “Au début, nous étions heureux
d’accueillir ces grandes surfaces parce que, pour nous, elles étaient censées
booster notre économie, valoriser nos produits et dynamiser le commerce. En
réalité, il n’en a rien été. Le gouvernement les a autorisées à exercer, à ce
titre il méritait respect, les banques leur ont accordé des prêts, à ce titre
leurs efforts devaient être estimés à leur juste valeur et les industriels se
sont conduits avec ces nouveaux arrivés en toute confiance”, a déclaré le patron
du patronat.
La réalité est malheureusement toute autre, grandes surfaces, opérateurs
industriels et grande distribution sont à couteaux tirés, et à examiner de prêt
ce jeu, pour beaucoup, dangereux, aucun n’en sortirait indemne et surtout pas
l’économie du pays souffrant déjà d’une conjoncture économique mondiale
délicate.