La cérémonie d’investiture du nouveau président mauritanien, Mohamed Ould
Abdelaziz, s’est déroulée le 5 août 2009. Juste après son élection, il a accordé
une longue interview à Hichem Ben Yaïche, Rédacteur en chef de New African, qui
a bien voulu donner la primeur de cet entretien qui sera publié dans le numéro
de septembre-octobre prochain. Même si le président mauritanien évoque tous les
grands axes de ce qu’il compte faire pour son pays et pour ses compatriotes,
ligne éditoriale oblige, nous n’avons pris que des passages ayant trait à
l’économie.
En effet, à la question «quels seront vos grands chantiers pour les premiers 100
jours, et vos priorités pour la Mauritanie ?», M. Mohamed Ould Abdelaziz répond
sans ambages : «J’ai un programme que j’estime être la meilleure voie pour
sortir le pays de cette situation. Il s’agit essentiellement d’améliorer les
conditions de vie des citoyens en les faisant bénéficier des ressources de leur
pays». Et ce d’autant plus que «nous sommes un pays riche », avec une superficie
d’un million de km2, pour seulement trois millions d’habitants. Et d’ajouter :
«Nos ressources sont extrêmement nombreuses, il suffit de ne pas les dilapider,
de lutter contre la corruption et le gaspillage. Il faut faire profiter les
Mauritaniens de ces ressources d’une manière juste, équitable et judicieuse,
encourager les investisseurs en instaurant une justice indépendante».
Concrètement, cela passera par «l’amélioration des conditions de vie par la
création des infrastructures nécessaires. Le développement de l’éducation, d’une
formation professionnelle adaptée à nos besoins actuels, ce qui se répercutera
sur la santé. Nous avons des médecins, mais nous manquons d’équipements ».
A la question : «On dit que vous êtes le «président des pauvres», est-ce une
façon de jouer le peuple contre une certaine élite ?», le nouveau chef d’Etat
mauritanien se défend : «Je ne joue pas le peuple contre une certaine élite. Je
ne manipule pas le peuple. Ma politique n’est pas populiste. Nous avons
énormément de pauvres dans ce pays et des laissés-pour-compte. Il suffit d’aller
vers ces gens et de régler ce qui peut l’être immédiatement. Vivant à
Nouakchott, je connais la situation depuis longtemps. Même lorsque j’étais dans
les allées de la présidence, je savais ce qui se passait et ce qui devait être
fait.
Concernant les raisons qui expliquent que le pays soit tombé dans «une culture
de corruption, népotisme, détournements d’argent, trafics en tout genre», et
comment son «rôle de redresseur de situation» risquait «de susciter l’hostilité
des lobbies financiers qui ont déjà joué contre vous», Mohamed Ould Abdelaziz ne
promet pas des miracles mais estime qu’il est possible d’enrayer ce fléau :
«Effectivement, cela peut les déranger. Mais, en définitive, ils comprendront
que c’est aussi une manière de leur rendre service. Parce que cette situation
peut conduire à l’insécurité et à l’éclatement du pays. Vivre dans un pays où la
grande majorité des Mauritaniens se trouve sous le seuil de pauvreté, dans la
misère, alors qu’une infime minorité dispose de toutes les richesses, est
moralement inacceptable, dangereux et peut les conduire à perdre tout ce qu’ils
ont accumulé pendant des années. Je crois qu’eux-mêmes savent qu’ils sont en
tort. Répartir les richesses de manière équitable, aider les pauvres, améliorer
leurs conditions de vie est en fait un gage de stabilité et de sécurité pour
tout le monde, y compris pour ceux-là même qui sont habitués à se servir des
ressources du pays. Je crois que la force du peuple est plus importante que
toute autre. L’ensemble des Mauritaniens a opté pour le changement. Les autres
suivront».
Toujours dans le même ordre d’idées, quand on lui pose la question : «
Nouakchott frappe par son manque d’infrastructures. Qu’est-ce qui explique cette
réalité, alors que le pays a des ressources : or, fer, pétrole, pêche,
tourisme?», le chef nouveau chef d’Etat souligne que «cette situation est le
fait de la classe politique qui a régné sur le pays depuis plusieurs décennies.
Voilà ce qu’est son bilan ! Elle a pratiqué un pillage systématique de tous les
biens et le résultat final est nul. Nous avons effectivement des mines de fer,
d’or, de cuivre, du pétrole, nous avons les ressources halieutiques probablement
les plus importantes de la région. Nous exportons tous ces produits à
l’étranger. Malheureusement, cela n’a servi que les intérêts personnels d’une
poignée d’individus. C’est pourquoi le pays n’a pas progressé».
Alors, on lui demande, concernant les opportunités d’affaires, s’il y aura des
critères pour accéder au marché mauritanien, et auquel cas s’il pense «faire
jouer la concurrence entre les entreprises», sa réponse est ‘’nettement’’
diplomatique. «Le pays est assez grand pour accueillir tout le monde. On a
besoin de tous : Chinois, Américains ou Russes». L’objectif essentiel, pour
nous, étant l’intérêt du pays et l’amélioration des conditions de vie des
citoyens, dans la transparence et la clarté».
Et puisqu’il s’agit de diplomatie, «quelles seront les principales orientations»
du pays?… il répond : «Nous devons tout d’abord améliorer, renforcer et
diversifier les relations avec tous les pays voisins et frères : les pays du
Maghreb Arabe et les pays membres de Organisation de la mise en valeur du fleuve
Sénégal (OMVS). Nous entretenons déjà de bonnes relations avec ces pays,
cependant je voudrais à l’avenir –car il y va de l’intérêt de tous– les
consolider».