Les Etats redoublent d’efforts pour récupérer la manne de l’évasion fiscale

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ée de la banque suisse UBS, le 19 août 2009 à New York (Photo : Chris Hondros)

[22/08/2009 08:50:33] PARIS (AFP) A l’heure où le secret bancaire se fissure, les Etats se démènent pour rapatrier les milliards perdus du fait de l’évasion fiscale, en utilisant parfois la manière forte mais surtout en engageant des démarches de conciliation avec les fraudeurs.

A côté des procédures judiciaires — comme celle ayant opposé l’Etat américain à la banque suisse UBS –, plusieurs gouvernements ont ouvert des guichets de régularisation (ou “Voluntary Compliance Programs”) pour faire sortir certains contribuables du bois.

Le mécanisme est simple: offrir à un fraudeur la possibilité de voir ses pénalités réduites et d’échapper aux poursuites pénales s’il se déclare spontanément à l’administration et s’il s’acquitte de tout ou partie des impôts dus sur les sommes dissimulées.

“Il y a toujours eu des guichets informels mais on passe désormais à une démarche organisée et d’une plus grande ampleur. On assiste à un mouvement généralisé lié à l’offensive contre les paradis fiscaux”, se réjouit Pascal Saint-Amans, expert à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni, Irlande, France, la liste des pays concernés est longue et inclut même Singapour, pourtant classé sur la liste “grise” des paradis fiscaux. Cas isolé, l’Italie s’apprête, elle, à décréter une véritable amnistie fiscale.

Ce mouvement généralisé tient “à un changement d’état d’esprit” lié à la crise, selon John Christensen du réseau d’ONG Tax Justice Network (TJN). “La pression publique contre l’évasion fiscale s’est considérablement intensifiée.”

Etranglés par les déficits, les Etats ne peuvent par ailleurs pas se permettre de faire une croix sur une manne qui s’élèverait, selon TJN, à 250 milliards de dollars par an.

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Logo de l’OCDE (Photo : Jean Ayissi)

Ces guichets volontaires trouveront-ils preneurs? “Il y a toujours de fortes réticences. Quand vous révélez des éléments de fortune, on ne sait jamais jusqu’où l’administration ira fouiller”, répond Bernard Castagnede, professeur de droit fiscal à Paris-I.

De précédentes expériences s’étaient pourtant révélées fructueuses. En 2003, les Etats-Unis avaient récupéré 270 millions de dollars (189 millions d’euros) tandis que l’Irlande avait collecté 856 millions d’euros en 2004, selon un rapport de l’OCDE.

Le contexte actuel est porteur. L’offensive contre les paradis fiscaux et la levée partielle du secret bancaire pourraient bien convaincre les fraudeurs que leur anonymat ne tient qu’à un fil et qu’ils n’ont ont plus d’autre choix que de coopérer.

“Ils peuvent être poussés par le sentiment qu’il n’y aura plus d’endroit sûr où placer leur argent sauf à se risquer dans des destinations exotiques”, estime Alain Maillot, avocat fiscaliste chez Darrois Villey Maillot Brochier. S’agissant plus précisément de la France, “la pression se fait ressentir chez les contribuables notamment depuis que le gouvernement a commencé à signer des accords d’échange d’informations” avec certains paradis fiscaux, assure Stéphanie Auferil, avocate chez Baker & McKenzie.

Ces dispositifs soulèvent toutefois des réserves. “Ils ne peuvent être efficaces que s’ils sont limités dans le temps et s’ils sont accompagnés d’une grande sévérité pour ceux qui refusent de coopérer”, juge Vincent Drezet, du Syndicat national unifié des impôts (SNUII).

Quant aux fraudeurs, ils s’en tirent à bon compte, estime John Christensen, puisqu’ils échappent à la fois aux poursuites pénales et à l’opprobre publique.

“En Grande-Bretagne, ceux qui fraudent les aides sociales ne reçoivent pas le même traitement: ils sont poursuivis en justice et mis à l’index dans les journaux alors que ce sont souvent des gens défavorisés”, souligne M. Christensen.