Les recommandations de la récente consultation nationale sur la productivité ont
été particulièrement satisfaisantes sur un point qu’on peut qualifier de majeur
: celui d’avoir attiré l’attention sur l’enjeu de la maintenance dans
l’amélioration de la productivité. Il s’agit d’un filon de productivité qui, à
notre sens, n’a pas été réellement exploité, jusque-là par la Tunisie.
Les services de maintenance ou d’entretien, comme on a l’habitude de les appeler
en Tunisie, sont sous-considérés par l’écrasante majorité de nos entreprises,
qu’elles soient publiques ou privées.
D’ailleurs, les premiers responsables trouvent un vilain plaisir à y affecter
les agents les plus incompétents, les plus “je-m’en-foutistes”, les plus
indisciplinés… Pour résumer, des «cas sociaux» pour qui ces services sont tout
simplement une planque.
Et lorsqu’un pépin survient, les entreprises font appel à des prestataires
extérieurs. C’est le cas de ces entreprises qui comptent des dizaines
d’ingénieurs informaticiens mais dès que les problèmes surviennent, c’est à des
intervenants extérieurs qu’on recourt pour les résoudre. Parfois, ces services
sont payés en devises.
La question qui se pose dès lors est : sur quelle base, sur quels critères
objectifs ces ingénieurs et agents de maintenance sont recrutés? On n’en sait
rien ou plutôt très peu de choses là-dessus.
Le plus lésé dans cette affaire est de toute évidence le contribuable qui se
voit, ainsi et malgré lui, payer doublement un service : le salaire de
maintenanciers titularisés (une véritable rente) et des prestations onéreuses
fournies par des sous-traitants.
Pourtant, la maintenance est le créneau le plus et le mieux indiqué pour
améliorer la productivité; c’est-à-dire l’effort à fournir aux fins de comprimer
les coûts, de produire mieux et plus avec le même investissement, le même nombre
de travailleurs et les mêmes équipements.
Cet effort, pour peu qu’il soit bien mené, peut se traduire, selon les experts
du FMI, par trois points de croissance par an. Comme on le voit, l’enjeu est de
taille.
Mieux, les vertus de la maintenance ne s’arrêtent pas là. La maintenance est
certes perçue par le commun des gens comme synonyme de prévention, entretien,
réparation, dépannage, mais elle a, parallèlement, d’autres vertus pas assez
vulgarisées: la maintenance professionnelle peut aboutir à l’innovation et même
à l’invention.
Effectivement, à force d’entretenir et de réparer, le maintenancier peut,
d’abord, assimiler le mécanisme de base, détecter ensuite ses points forts et
faiblesses et y apporter, enfin, des améliorations soit en inventant soit en
innovant.
A titre indicatif, le parcours effectué par Othman Akri, inventeur d’un «testeur
de panne frigorifique», est édifiant à ce sujet.
Au commencement, ce jeune maintenancier était un simple technicien spécialisé
dans l’électrofroid dans les années 90.
Après plusieurs années d’observation et de réparation, ce réparateur de
réfrigérateur est parvenu, par ses propres moyens et sans faire appel à aucune
technologie étrangère, à inventer un appareil qui permet de détecter, en un
temps record, tout genre de panne dans les équipements de l’électrofroid.
L’exemple de ce maintenancier, devenu inventeur, devrait inciter les décideurs à
réfléchir sur les opportunités qu’offre la maintenance en matière de transfert
de technologie, d’innovation et de créativité. Les Japonais ont commencé par là.
L’idéal serait toutefois d’industrialiser les innovations et inventions. Ce
n’était pas le cas, à l’époque, d’un Othman El Akri. A méditer.