La finance islamique, encouragée par l’Etat, reste embryonnaire en France

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à Paris (Photo : Benoit Tessier)

[02/09/2009 08:36:55] PARIS (AFP) La finance islamique occupe une place encore confidentielle en France, malgré le soutien de la ministre de l’Economie Christine Lagarde et la mise en place d’aménagements fiscaux pour favoriser son essor.

Signe cependant de l’intérêt croissant pour le secteur, la prestigieuse université Paris-Dauphine ouvre à la rentrée un nouveau cursus dédié à la finance islamique. Il y a un an, l’université de Strasbourg avait ouvert la première formation de ce type en France.

La finance islamique s’appuie sur la charia (loi islamique), dont les principes interviennent dans la définition des produits d’investissement et de financement. Elle interdit notamment la pratique des intérêts.

“En ces temps de crise, nous souhaitons l’accueillir à bras ouverts sur notre sol”, avait déclaré Mme Lagarde à l’ouverture d’un forum sur la finance islamique organisé par la chambre de commerce franco-arabe en 2008.

Depuis, elle a annoncé des “instructions fiscales” pour permettre le développement de nouveaux produits d’investissements islamiques.

Elle a aussi annoncé début juillet une réforme législative, à l’automne, destinée à permettre les émissions de “sukuk”, des obligations islamiques. L’objectif affiché de l’Etat est de capter une partie des réserves financières du Moyen-Orient et d’Asie pour des investissements en France, afin de concurrencer Londres.

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à Jakarta en février 2009 (Photo : Adek Berry)

La France pourrait espérer collecter jusqu’à 120 milliards d’euros d’encours à l’horizon 2020, selon une étude des économistes Elyès Jouini et Olivier Pastré.

Les investissements étrangers pourraient représenter 113 milliards d’euros et les activités de banque pour les particuliers sept milliards, la France abritant la plus grosse communauté musulmane d’Europe, estimée à 5 millions de personnes. Seul frein, l’apathie des banques françaises, estime M. Pastré, qui compte sur l’arrivée de nouveaux acteurs pour débloquer la situation.

Plusieurs banques islamiques auraient d’ailleurs fait des demandes d’agrément auprès de la Commission bancaire.

Evaluer ce marché n’a pourtant rien d’évident, selon Mohamed Damak, analyste chez Standard and Poor’s, pour qui “la demande pour ces produits aujourd’hui semble limitée”.

La première tentative française de fonds islamique, lancée en 2008 à la Réunion par une filiale de la Société Générale, s’est soldée par un échec : il a fermé en avril dernier, faute de dégager un rendement suffisant, après avoir collecté 15 millions d’euros de dépôts.

Malgré des rumeurs, il n’y a pas eu non plus pour l’instant d’annonce d’émission de “sukuk” par une entreprise française, pas plus à l’étranger qu’en France.

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ège de la banque “Bank Islam Malaysia” à Kuala Lumpur, en novembre 2008 (Photo : Saeed Khan)

Dov Ogien, professeur de finance à l’école de commerce ESG, et opposé au principe de la finance islamique qu’il décrit comme “une supercherie”, va jusqu’à affirmer “qu’il n’y a aucun marché” islamique.

Les investisseurs du Golfe “vont là où ils ont envie d’investir. Ils ne sont pas gênés pour acheter de l’immobilier sur les Champs Elysées et sur la Côte d’Azur”, fait-il valoir.

Le partenariat noué en mai entre le fonds d’investissement de l’émirat pétrolier d’Abou Dhabi Mubadala et le Fonds stratégique d’investissement (FSI), tend à montrer que les investisseurs du Golfe n’ont pas attendu que la France modifie sa réglementation pour venir y investir.