Tunisie – Echéances électorales d’octobre 2009 : Attentes d’un chef d’entreprise tunisienne

Par : Autres

Avec un réservoir impressionnant de ressources humaines fruit d’une politique
ayant misé sur l’éducation pour tous, une stabilité sociale fruit d’une
politique démographique réussie et un environnement administratif, économique et
financier en constante mutation, l’entreprise privée tunisienne bénéficie déjà
de tous ces atouts. A l’actif des 20 dernières années, en termes de politique
économique, l’entreprise a été placée au cœur du dispositif économique pour la
croissance et l’emploi.

Mais alors, quelles peuvent être les attentes des chefs d’entreprise quant aux
échéances électorales prévues au mois d’octobre 2009 ? Quels leviers actionner
en priorité au niveau national pour que l’entreprise tunisienne affronte la
nouvelle donne économique mondiale ? Ci-après quelques pistes à même de
favoriser l’émergence d’un cadre où l’entreprise tunisienne voit grand, voit
loin et voit vite…

Ancrage de l’économie de l’initiative et rôle régulateur de l’Etat

hassan-zargouni.gifD’abord, il y a les fondamentaux du débat entre l’Etat et l’entreprise : Les
chefs d’entreprise ont besoin de plus d’équité, plus de transparence et une
meilleure gouvernance à tous les niveaux de la part de l’Etat et de ses organes.
L’Etat attend des chefs d’entreprise de faire preuve de plus d’audace au niveau
de l’investissement, plus de sens citoyen sur le plan fiscal, social et en
recrutant davantage de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et plus
d’efforts sur la productivité par la généralisation des TIC, le développement
des ressources humaines, …

Mais à l’orée des échéances d’octobre prochain, trois axes paraissent
fondamentaux pour l’enrichissement des débats pour gagner les batailles de
l’entreprise de demain : L’ancrage de l’économie de l’initiative, le maintien de
la cohésion sociale et le développement durable.

Quant au premier axe, il a été noté que la crise mondiale financière, économique
et sociale actuelle a tenté plusieurs nostalgiques aux temps du tout Etat,
davantage d’intervention de la part des pouvoirs publics dans la vie économique
voire au reflexe de renationalisation de certains secteurs. Ceci peut être
justifié par les dérapages des marchés financiers où le laisser-faire et
laisser-aller de la pensée ultralibérale a fait des ravages dans la sphère dite
réelle avec les conséquences que l’on connaît sur l’emploi notamment.

Mais loin des excès, et moyennant la mise en place de systèmes de régulation et
de contrôle, l’économie de marché fondée sur l’initiative demeure le modèle le
plus viable pour créer de la valeur, de la richesse, de la croissance et donc de
l’emploi. L’entreprise a besoin d’un ‘’Etat-stratège’’ mais non entrepreneur,
animateur du développement mais non interventionniste, régulateur mais non
arbitre… Dans la stratégie, la prospective et la régulation résident en effet
toutes les formes du pouvoir : expertise, contrôle, évaluation, décision, …

Cohésion sociale garante de l’investissement et de la viabilité de l’entreprise

Un investisseur a besoin de garanties pour la pérennité de son business. La
meilleure garantie en Tunisie est l’émergence d’une classe moyenne
prépondérante, consommatrice, épargnante, apprenante, couverte socialement, et
où la femme a toute sa place… Le rôle du législateur est de préserver cette
cohésion sociale, de créer les conditions pour équilibrer la distribution de la
richesse produite en amont et non en système palliatif, susceptible de créer une
société d’assistés avec l’émergence de phénomènes nocifs tels que le
clientélisme. La solidarité entre les générations, matérialisée par la retraite
par répartition, est le bon exemple de meilleure pratique en la matière.

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Le fiasco du système par capitalisation exclusive à l’instar de ce qui s’est
passé pour les salariés et retraités de la General Motors aux Etats-Unis est un
excellent enseignement de ce qui ne doit pas être fait. Mais vue la
configuration démographique tunisienne, une part de capitalisation en plus du
régime général de la retraite s’avèrerait nécessaire. Ce dossier est à
approfondir en concertation avec l’entreprise tunisienne en tant que partenaire
de l’Etat, en plus de celui de l’emploi et de la productivité qui sont déjà en
chantier… L’entreprise tunisienne peut et doit être une partie prenante du débat
sur le modèle de société de demain, il en va de sa pérennité, car elle se
nourrit de cette cohésion sociale.

Le développement durable comme opportunité économique et responsabilité
historique

Les eaux fossiles, les sols, le couvert végétal, les énergies fossiles,
constituent un emprunt aux générations futures et non un héritage de nos aïeux.
La Tunisie a eu très vite conscience de la sensibilité de la détérioration de
l’environnement et de la nécessité d’adopter les principes du développement
durable. Non, il ne s’agit pas de nettoyer les rues ou embellir les villes,
tâches nobles dont il faut s’acquitter pour la qualité de la vie de nos
concitoyens, mais il est question plutôt de la gestion et la prise en charge de
l’avenir des ressources naturelles de la Tunisie.

La politique de l’eau en Tunisie est exemplaire compte tenu de la position
géographique du pays dans une zone aride et semi aride. L’économie de l’eau et
l’efficacité de sa distribution constitue les gisements les plus importants pour
préserver ce capital vital. En effet, dans l’hypothèse d’une consommation d’eau
potable moyenne quotidienne de 1 million de m3 dans le Grand Tunis et où une
déperdition de l’ordre de 20% lors de son acheminement à travers les différents
conduits, constituerait une perte annuelle équivalente à la capacité totale du
barrage de Sajnène par exemple (80 à 100 millions de m3).

L’usage des pesticides, les eaux usées industrielles mal traitées, le forage
excessif, … ce sont tout autant de risques que nous faisons courir à cette
richesse naturelle non totalement renouvelable.

Le sol est lui aussi menacé par l’érosion, l’habitat, l’agriculture sans
alternance… L’énergie renouvelable et propre, tels que le solaire et l’éolien
voire la biomasse, doit être propulsée par le législateur en rang de priorité
des priorités.

Pour l’entreprise tunisienne, toutes ces menaces constituent des opportunités
extraordinaires et qui augurent des métiers de demain : gestion de l’eau,
gestion des forêts, aménagement du territoire par les techniques informatiques
nouvelles pour faire respecter les schémas nationaux, régionaux, communaux
d’aménagement du territoire et la préservation des périmètres irriguées et les
sols.

L’illustration la plus frappante provient de l’énergie. L’Etat a fait un effort
monstre de sensibilisation à l’économie d’énergie auprès des particuliers.
Aujourd’hui, ce type de campagnes paie sur le terrain avec le développement du
chauffage solaire thermique.

L’industrie énergivore doit encore donner l’exemple : El Fouladh consomme autant
d’énergie que toute l’hôtellerie tunisienne réunie. Par ailleurs, l’Europe s’est
engagée à s’approvisionner en énergie renouvelable propre à horizon 2020 à
hauteur de 20%. Aujourd’hui le vent qui souffle en Europe et le soleil qui
rayonne sur le Vieux Continent ne permettent pas de générer plus de 5% de
l’énergie nécessaire en 2020 : la réponse viendra forcément de chez nous.
L’Europe l’a compris, d’où le projet allemand Desertec, le projet UPM ‘Plan
solaire méditerranéen’, … La maîtrise technologique en matière d’énergie
solaire, notamment la recherche appliquée et la production doivent être prises
en charge par l’entreprise tunisienne … Elle sera au rendez-vous, épaulée en
cela par un ‘’Etat-stratège’’, prospectif et développeur.

Pour conclure

Le renforcement institutionnel est une exigence pour mener une politique
économique prospective favorisant l’initiative privée contre l’économie
administrée, ayant un impact en amont sur la cohésion sociale tout en bannissant
l’assistanat et renforçant la responsabilité environnementale pour une économie
verte. L’entreprise tunisienne est désormais mature pour prendre part à ce
challenge stimulant pour la période à venir. Elle voit déjà Grand, Loin et Vite
!