Un homme surfe sur internet (Photo : Kazuhiro Nogi) |
[11/09/2009 17:03:23] PARIS (AFP) La mésaventure de Brice Hortefeux illustre le piège tendu par internet aux responsables politiques, sous la menace permanente d’une oreille ou d’un oeil indiscret, prompt à jeter en pâture un propos imprudent.
Au raout estival de l’UMP, dans l’ambiance décontractée de la station balnéaire de Seignosse (Landes), le ministre de l’Intérieur n’imaginait pas que sa réflexion devant un jeune militant UMP beur lui reviendrait en boomerang sur une vidéo en ligne.
“Internet a complètement changé la donne pour l’image politique. Les personnalités les plus en vue ne peuvent plus comme avant séparer la sphère privée de la sphère publique”, explique à l’AFP le politologue Frédéric Dabi.
Les dirigeants “doivent maintenant rester sur leurs gardes et offrir un visage non plus naturel mais en cohérence avec leur position, afin de ne pas tomber dans le piège”, poursuit-il, en soulignant la “curiosité croissante des Français pour l’intimité de leurs dirigeants”.
Diffusée sur le site Dailymotion, la vidéo d’Hortefeux a connu d’emblée un immense succès avec plus de 130.000 connexions enregistrées en à peine deux heures.
“La moindre plaisanterie de potache, lorsqu’elle est captée puis diffusée, change de statut et subit une métamorphose politique, au risque de devenir un vrai scandale public”, explique à l’AFP le spécialiste des médias, Jean-Louis Missika.
La violente polémique incite d’ailleurs à la réflexion la classe politique, toujours plus invitée à donner une image décontractée.
“C’est nul mais en même temps c’est de la déconne, comme on peut en faire à n’importe quelle occasion. Là, cela prend de l’ampleur parce que c’est le ministre de l’Intérieur”, souligne-t-on dans l’entourage de Jean-François Copé, le chef des députés UMP, qui figure aussi sur la vidéo controversée.
Pour le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, cet exemple “doit nous interpeller tous sur la capacité qu’il y a, tout d’un coup, à monter en épingle des bribes de séquences sur internet sorties de leur contexte”.
“Une remarque qui n’est pas vécue sur le terrain et qu’on reprend après, vous permet de faire dire n’importe quoi à n’importe qui”, déplore le secrétaire général de l’UMP Xavier Bertrand.
La polémique n’est pourtant pas la première du genre.
En octobre 2006, la vidéo clandestine d’une réunion à huis clos de Ségolène Royal a failli torpiller sa campagne présidentielle: on y entendait la candidate socialiste fustiger les professeurs du public qui donnaient des “cours privés”.
Un an plus tard, c’est au tour de Patrick Devedjian d’être épinglé par une vidéo sur le net, lorsqu’il traite de “salope” l’ancienne députée du MoDem, Anne-Marie Camparini, lors d’une discussion sur le trottoir devant l’Assemblée nationale.
“Les hommes politiques n’ont pas encore pris conscience que tous leurs faits et gestes pouvaient être saisis, même quand ils ne s’en aperçoivent pas”, insiste M. Missika, qui craint un “retour de la langue de bois”, face à la prolifération des portables et mini-caméras.
“Ca rend le métier politique de plus en plus complexe. Si à chaque fois qu’ils décompressent, il y a une caméra pour le capter, ca va devenir compliqué”, estime-t-il, en rappelant le “casse toi, pauvre con”, lancé par le président Nicolas Sarkozy lors du salon de l’Agriculture en 2008.
Bien avant l’ère d’internet, son prédécesseur Valéry Giscard d’Estaing avait eu une prémonition sur les dangers de la proximité. Après avoir laissé le cinéaste Raymond Depardon tourner des images intimes de sa campagne en 1974, il n’avait autorisé la diffusion de film que trente ans plus tard.