à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno) |
[16/09/2009 16:03:07] TOKYO (AFP) Un ex-syndicaliste à l’Industrie, un vieux pourfendeur du “capitalisme débridé” aux Services financiers, un vétéran de 77 ans aux Finances : l’équipe économique du nouveau Premier ministre japonais Yukio Hatoyama apparaît clairement marquée à gauche.
Le pilier de cette équipe économique sera le ministre des Finances Hirohisa Fujii, 77 ans, dont la principale tâche sera d’éliminer les gaspillages budgétaires pour financer les généreuses promesses du gouvernement.
M. Fujii, qui a travaillé 23 ans au Trésor et a déjà été ministre des Finances dans les années 1990, a vraisemblablement été choisi pour sa connaissance de la puissante bureaucratie nippone, que M. Hatoyama a juré de mettre au pas. Il devrait ainsi jouer le rôle d’intermédiaire.
Le Parti Démocrate du Japon (PDJ, centre-gauche) de M. Hatoyama a triomphé aux élections du 30 août sur la base d’un vaste programme social, notamment des allocations familiales et des aides aux chômeurs et aux retraités, qu’il compte financer en éliminant les travaux publics clientélistes, les subventions à l’utilité douteuse et autres dépenses “inutiles”.
“Si l’on veut vraiment débusquer les dépenses superflues, il faut quelqu’un qui connaisse les tenants et les aboutissants du processus”, résume Richard Jerram, économiste chez Macquarie Securities à Tokyo. Selon lui, l’âge avancé du nouveau ministre ne constitue pas un problème.
“Nous sommes habitués à voir une bande de vieillards diriger le pays. Je ne crois pas que cela ait beaucoup d’importance”, estime M. Jerram.
“Je pense qu’en tant qu’ancien bureaucrate, il apporte une sensation de stabilité et qu’il est bien au point sur les questions financières et budgétaires”, juge Hiromichi Shirakawa, économiste au Crédit Suisse.
Pour le ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (Meti), M. Hatoyama a choisi un ancien syndicaliste de 63 ans, Masayuki Naoshima.
M. Naoshima, qui fut dirigeant syndical chez Toyota, sera chargé de faire accepter les politiques du PDJ aux grands industriels. Ces derniers sont déjà furieux de l’objectif de M. Hatoyama de réduire de 25% les émissions de gaz à effet de serre du Japon en 2020 par rapport à leur niveau de 1990.
En nommant M. Naoshima, “M. Hatoyama montre qu’il va être loyal avec ses idées de base et qu’il ne va pas prendre de gants avec les entreprises”, estime Noriko Hama, économiste à la Doshisha Business School de Kyoto.
La nomination la plus surprenante a été celle de Shizuka Kamei, 72 ans, au portefeuille des Services financiers et postaux. Ancien policier antiterroriste chargé de traquer l’Armée rouge japonaise, M. Kamei est aussi un admirateur de la Révolution cubaine et un pourfendeur du “capitalisme débridé mené par les Etats-Unis”. Il sera le grand régulateur des banques au Japon.
Ce cacique au caractère bien trempé, qui accueille les internautes sur son site en chantant une chanson folklorique (www.kamei-shizuka.net), sera aussi chargé de réviser le processus de privatisation de la poste, entamé en 2005 par le Premier ministre libéral Junichiro Koizumi.
M. Kamei fut un des adversaires les plus acharnés de ce projet, allant même jusqu’à affirmer que M. Koizumi était “pire que Hitler”.
“Je ferai tout mon possible pour reconstruire le Japon, qui a été ruiné par les fondamentalistes du marché”, a affirmé M. Kamei après sa nomination, ajoutant qu’il envisageait un moratoire de trois ou quatre ans sur le remboursement des dettes des petites entreprises.
Son arrivée au gouvernement “marque le rejet des années Koizumi. Mais l’arrêt de la privatisation de la poste est aussi quelque chose pour laquelle l’aile gauche du PDJ milite avec ferveur”, explique Mme Hama.