France Télécom : suicide d’un salarié, le PDG met fin au “principe de mobilité des cadres”

[29/09/2009 06:35:20] ANNECY (AFP)

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élécom Didier Lombard, le 28 septembre 2009 dans les locaux de France Télécom à Annecy (Photo : Jean Pierre Clatot)

Un salarié de France Télécom s’est jeté du haut d’un viaduc autoroutier lundi en Haute-Savoie après avoir écrit une lettre dénonçant le climat au sein de l’entreprise, frappée par une vague de plus de vingt suicides en 18 mois.

Le PDG Didier Lombard, qui s’est “immédiatement” rendu à Annecy-le-Vieux, sur le lieu de travail de l’employé, pour la première fois après un suicide — signe du caractère ultrasensible de ce sujet pour l’opérateur téléphonique — a annoncé dans la soirée, au sortir d’une réunion avec des représentants syndicaux, que l’entreprise mettait fin “au niveau national au principe de mobilité des cadres systématique tous les trois ans”.

Il a également annoncé la suspension “immédiate des objectifs individuels sur ce plateau le temps d’en améliorer les conditions matérielles”, et a assuré que l’ensemble des propositions des délégués du personnels” d’Annecy seraient prises en compte lors des négociations nationales sur le stress au travail à France Télécom.

Hué à son arrivée en fin d’après-midi, M. Lombard avait déclaré devant la centaine de salariés présents et dans une ambiance tendue: “C’est un événement dramatique qui m’émeut profondément. La famille de France Télécom est touchée”, avant de souligner qu'”à quelques jours près, on aurait pu éviter ce drame”: le salarié qui s’est donné la mort avait rendez-vous ce lundi soir avec le médecin du travail.

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élécom Didier Lombard s’entretient avec des représentants syndicaux, le 28 septembre 2009 à Annecy (Photo : Jean Pierre Clatot)

Entouré du directeur des ressources humaines de France Télécom, Olivier Barberot, et du directeur général adjoint, Louis-Pierre Wenes, sur le site d’Annecy, dans une ambiance tendue, il avait également eu une discussion très vive pendant près de trois quarts d’heure avec des employés qui l’accusaient, pêle-mêle, de “désorganiser les salariés” ou de “foutre en l’air leur vie de famille”.

A Paris, le ministre du Travail, Xavier Darcos, lui avait demandé dans l’après-midi d’accélérer les “négociations sur la prévention des risques psychosociaux” au sein de l’entreprise, après ce nouveau suicide d’un salarié.

L’homme de 51 ans, qui travaillait au sein d’une centrale d’appel à Annecy-le-Vieux, a mis fin à ses jours lundi “en se jetant d’un pont” de l’autoroute A41, près d’Alby-sur-Chéran.

Marié et père de deux enfants, il a laissé dans sa voiture une lettre à l’attention de son épouse, “évoquant sa souffrance par rapport à son contexte professionnel”, a précisé à l’AFP le procureur de la République, Philippe Drouet.

Entendue par les gendarmes, sa femme a expliqué que “son mari était très dépressif depuis plusieurs mois”, a ajouté M. Drouet.

Tarnais d’origine, le salarié habitait à Seynod (Haute-Savoie) et “avait déjà fait l’objet d’alertes (à la direction) sur sa fragilité de la part de délégués du personnel”, souligne la CGT. Il avait, de surcroît, “subi une restructuration il y a quelques jours ou quelques semaines”, selon la même source.

D’après Patrice Diochet (CFTC), l’employé travaillait auparavant dans une agence gérant les relations avec les entreprises et venait d’être muté “vers un plateau d’appels, connu depuis longtemps pour être invivable” et où “les salariés sont de la chair à pâté”.

Ce suicide est le 24e depuis février 2008 à France Télécom, une série qui a provoqué une vive émotion au sein du groupe, l’intervention de l’Etat, actionnaire principal, et l’ouverture le 18 septembre d’une négociation sur “le stress au travail”.

Pour Christian Mathorel (CGT) “ce salarié n’était pas fragile mais il a été fragilisé par des décisions de l’entreprise”. Son suicide confirme “l’urgence de prises de décision concrètes de la part de l’entreprise”.

Depuis une dizaine de jours, les syndicats réclament le gel des restructurations pour toute la durée des discussions en cours, et non jusqu’au 31 octobre comme l’a promis la direction fin août.

Cinq groupes de travail doivent plancher à partir de jeudi sur “l’organisation du travail, les conditions de travail, l’équilibre vie privée-vie professionnelle, les institutions représentatives du personnel, et les règles de mobilité”.