Traité de Lisbonne : la guerre des patrons irlandais

[02/10/2009 08:23:54] DUBLIN (AFP)

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érienne Ryanair Michael O’Leary le 29 septembre 2009 devant son panneau de campagne en faveur du “oui” au référendum sur le traité de Lisbonne (Photo : Peter Muhly)

Declan Ganley, patron aussi sophistiqué que son accent anglais, avait fait triompher le “non” à Lisbonne au premier référendum de 2008. Pour le contrecarrer, le “oui” lui oppose cette année son antithèse: Michael O’Leary, pdg de Ryanair, Irlandais “pur laine” au naturel décapant.

Le contraste ne pouvait guère être plus saisissant: Declan Ganley, cravate de soie rouge et costume impeccablement taillé, faisait face à Michael O’Leary, veston négligemment jeté sur une chemise ouverte et défraîchie.

Commence le débat, organisé récemment par la télévision RTE. Sur un ton docte, Declan Ganley se met à “apprendre” à son détracteur le traité de Lisbonne, citant des articles texte en main. Mais il est vite coupé par la gouaille toute irlandaise de Michael O’Leary: “vous n’êtes qu’un politicien raté”, répond-il en référence à l’échec de son opposant aux européennes du printemps dernier.

Declan Ganley est visiblement touché. Le héros du “non” aurait-il enfin trouvé un adversaire à sa hauteur, après le boulevard qui s’était dessiné devant lui pour aboutir aux 53% de “non” en juin 2008?

Encore inconnu quelques mois avant ce premier référendum, le camp du “oui” ne voyait aucune menace dans cet Irlandais né à Londres et handicapé par un accent anglais largement honni sur l’île.

Mais cette icône de la “success story” celtique, multimillionnaire à 41 ans après avoir fait fortune aux Etats-Unis, a su donner une respectabilité au “non”. Niant être eurosceptique, il dit vouloir sauver l’Europe de Lisbonne, un traité “antidémocratique où le président n’est pas élu”, explique-t-il à l’AFP.

Dans la foulée du triomphe de 2008, son parti Libertas présente des centaines de candidats aux européennes, mais seul le Français Philippe de Villiers est élu et Declan Ganley lui-même est sévèrement battu en Irlande.

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Declan Ganley, chef du parti Libertas en Irlande, le 29 septembre 2009 dans les rues de Dublin (Photo : Peter Muhly)

Comme il l’avait promis, il se retire alors de la vie politique… pour mieux revenir sur la scène en septembre. “Je n’en pouvais plus de voir les gens du oui mentir”, se justifie-t-il.

Mais cette fois-ci, il trouve face à lui Michael O’Leary.

Né et élevé en Irlande, le pdg de la compagnie aérienne Ryanair y entretient ses racines, continuant à élever bétails et chevaux dans son comté natal. Après des études à Dublin et un premier métier de comptable, il rencontre dans les années 80 Tony Ryan, patron d’une compagnie chancelante de leasing d’avions. Michael O’Leary décide d’y appliquer un modèle qui fait ses preuves aux Etats-Unis: le vol à bas coûts. Ryanair devient vite l’une des plus importantes du secteur.

Propulsé sur la scène publique, l’Irlandais de 48 ans n’en perd pas pour autant son naturel. Réputé pour ses attaques ponctuées de mots d’oiseaux, il affectionne également les plaisanteries grasses, comme quand il promet publiquement des premières classes “avec fellations” offertes. Provocateur champion de la publicité gratuite, il lance des “enquêtes” sur la possibilité de voyager debout, ou de faire payer le papier toilettes.

Son ralliement soudain à l’Europe, qu’il a jadis accusée d’être “l’empire du mal”, il l’explique par la sévère récession qui frappe l’Irlande. “La seule chose qui nous maintienne à flots, c’est l’UE”, explique-t-il à l’AFP.

Declan Ganley, lui, y voit une raison plus prosaïque: “Il chante les louanges de la Commission européenne parce qu’elle bloque son projet de rachat d’Aer Lingus”, l’ancienne compagnie nationale irlandaise.

“Les résultats du référendum n’auront aucun effet sur Ryanair”, rétorque Michael O’Leary. Quant au demi-million d’euros que coûte la campagne, puisé dans les coffres de la compagnie, “absolument aucun actionnaire n’a objecté”, assure-t-il.