L’ancien directeur financier Hannezo, clé du procès Vivendi à New York

photo_1254938257459-1-1.jpg
à New-York (Photo : Shirley Shepard)

[07/10/2009 18:02:55] NEW YORK (AFP) Le procès de Vivendi et de son ancien PDG Jean-Marie Messier repose largement sur une pièce à conviction maîtresse, un recueil des nombreux avertissements que lui avait lancés son directeur financier Guillaume Hannezo qui, comme ses co-accusés, nie toute fraude.

Dans de premiers extraits de ces notes diffusés mardi par l’accusation, M. Hannezo évoquait des “tours de magie comptable” et disait son impression d’être assis “à la place du mort” dans une voiture roulant à vive allure.

Pour les parties civiles, les notes et courriels où M. Hannezo disait son “ras le bol” à M. Messier ou lui “demandait grâce”, sont la preuve des pressions mises par la direction du groupe pour afficher les résultats financiers les plus flatteurs possibles, au mépris des difficultés.

De quoi expliquer que les avocats représentant des centaines de milliers d’investisseurs français et étrangers se disant trompés par la communication financière du groupe, aient l’intention d’appeler M. Hannezo à la barre. Il pourrait même témoigner une semaine entière vers la fin du mois.

photo_1254938342176-1-1.jpg
à Paris, de Guillaume Hannezo, alors directeur financier du groupe Vivendi Universal. (Photo : Jean-Loup Gautreau)

Pour les plaignants actionnaires, ces mémos et courriels écrits en 2000-02 sont déjà la preuve que Vivendi Universal (VU) –le groupe issu de la fusion avec Seagram et Canal+ aujourd’hui redevenu Vivendi– ne communiquait pas en externe, ce qui amenait la direction financière à tirer la sonnette d’alerme.

Mais l’avocat de M. Hannezo, Martin Perschetz, a imploré mercredi les jurés de considérer “l’autre côté des choses”.

L’ex-directeur financier était d’une “franchise brutale”, mais c’est ce qu’attendait de lui son patron, a plaidé M. Perschetz au troisième jour d’un procès fleuve, au terme duquel jusqu’à un million d’actionnaires espèrent pouvoir se partager des milliards de dollars de dommages et intérêts.

M. Perschetz, tout comme ses confrères représentant Vivendi et M. Messier, a souligné qu’aucune fraude comptable n’avait précédé l’effondrement du titre Vivendi Universal entre 2000 et 2002, et que les dettes colossales qui avaient accompagné l’expansion du groupe n’avaient jamais été cachées.

Mais ces messages ont été écrits dans un langage si imagé qu’ils pourraient faire forte impression sur les 12 jurés, novices en matière de comptabilité.

L’avocat de M. Messier, Michael Malone, avait tenté d’en désamorcer l’impact mardi en soulignant que MM. Hannezo et Messier se parlaient comme deux copains d’école qu’ils étaient, s’étant rencontrés à la prestigieuse Ecole nationale d’administration (ENA), et que M. Messier avait choisi pour bras droit “quelqu’un qui ne serait pas un béni oui-oui”.

L’affaire remonte aux années 2000-2002: à cette époque, VU affichait des résultats florissants, alors que l’énormité de ses dettes le faisait passer tout près de l’effondrement.

photo_1254938384285-1-1.jpg
L’ancien PDG de Vivendi, Jean-Marie Messier, quitte le tribunal de New York, le 5 octobre 2009 (Photo : Don Emmert)

Finalement M. Messier avait dû quitter la présidence de VU en juillet 2002, après que l’entreprise eut perdu 13,6 milliards d’euros sur l’année précédente.

Ce n’est pas la première fois que Vivendi et sa direction doivent affronter la justice pour rendre compte de cette époque. Mais ce procès aux Etats-Unis, qui devrait durer deux à trois mois, pourrait s’avérer le plus onéreux pour eux si la justice leur ordonne de dédommager les actionnaires pénalisés par l’effondrement du titre.

L’action en nom collectif lancée dès septembre 2002 aux Etats-Unis, où ces procédures sont courantes, donne à tout actionnaire des années 2000-02 l’espoir “d’obtenir une indemnisation effective”, bien plus difficile à recevoir en France, selon un avocat d’actionnaires français, Maxime Delespaul.

Généralement de telles poursuites se soldent par une transaction amiable, et les procès publics sont exceptionnels.