L’ex-patron de Vivendi Jean-Marie Messier quitte le tribunal de Manhattan le 5 octobre 2009. (Photo : Don Emmert) |
[11/10/2009 12:36:40] NEW YORK (AFP) Vivendi plaide devant un jury new-yorkais que sa communication euphorique des années 2000-2002 n’était aucunement frauduleuse, tout en essayant d’exclure les actionnaires français d’un procès américain à haut risque qui pourrait lui coûter des milliards de dollars.
Le groupe de médias a annoncé vendredi qu’il assignait, le 25 novembre, devant le tribunal de grande instance de Paris, deux actionnaires français associés aux poursuites en nom collectif lancées à New York, ainsi que la présidente de l’Adam (Association de défense des actionnaires minoritaires), Colette Neuville.
Il s’agit, a expliqué l’avocat de Vivendi Hervé Pisani, rentré à Paris après avoir assisté à l’ouverture du procès new-yorkais en début de semaine, de “faire disparaître” les plaignants français de la procédure américaine.
Sachant qu’environ 60% du million d’actionnaires de Vivendi durant la période litigieuse étaient français, selon Me Pisani, les éliminer de la procédure pourrait réduire d’autant d’éventuels dommages et intérêts auxquels le groupe pourrait être condamné.
Vivendi avait déjà tenté, en vain, de convaincre le juge fédéral Richard Holwell, chargé du dossier aux Etats-Unis, d’exclure les actionnaires français.
Une décision favorable obtenue à Paris pourrait peut-être le convaincre, veut croire Me Pisani: “ça montrera au juge que, oui, effectivement il y a une difficulté en France”.
Pour autant, l’avocat a souligné que Vivendi ne désespérait pas de “gagner au fond”.
Mme Neuville, enjointe par Vivendi de se retirer du procès américain sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard, a dénoncé un “chantage”, et affirmé que les actionnaires ne “cèderaient pas”.
“J’ai du mal à comprendre comment, à Vivendi, ils peuvent dire ici qu’ils sont innocents et qu’ils sont là pour défendre leur bonne foi, et en même temps, assigner en France deux actionnaires”, a déclaré à l’AFP un avocat proche des plaignants ayant refusé d’être nommé.
L’affaire, telle qu’elle a été présentée la semaine dernière par les principaux avocats américains, se résume à une histoire de communication financière.
Les actionnaires s’estiment victimes d’une communication optimiste alors qu’en interne, Guillaume Hannezo, l’ex-bras droit du PDG Jean-Marie Messier, évoquait des “tours de magie comptable” et lui disait son “ras-le-bol” de réécrire des bilans pour les rendre plus flatteurs.
Face à eux, le groupe représenté à l’audience par l’actuel président du conseil de surveillance, Jean-René Fourtou, fait bloc avec Jean-Marie Messier, évincé en juillet 2002.
Ces deux accusés, ainsi que M. Hannezo, ont souligné par la voix de leurs avocats que les communiqués financiers n’avaient jamais caché le niveau d’endettement, et que tout investisseur doit savoir qu’il prend un risque en jouant en Bourse.
Quant aux avertissements lancés par M. Hannezo à l’époque, considérés comme compromettants par l’accusation, ils sont pour l’avocat de M. Messier la preuve de son honnêteté: “il savait que (son directeur financier) ne se retiendrait jamais de dire ce qu’il pensait”, a déclaré Michael Malone.
Le procès Vivendi doit durer deux à trois mois à New York. Des juges parisiens doivent se prononcer prochainement sur un éventuel renvoi de M. Messier en correctionnelle.
Le groupe de médias a déjà dû verser 48 millions de dollars aux Etats-unis pour dédommager 12.000 actionnaires, aux termes d’un accord avec les autorités boursières américaines.
Vivendi et M. Messier ont aussi été condamnés à verser une amende de 500.000 euros chacun par l’Autorité des marchés financiers française.