à Aulnay-sous-Bois. (Photo : Jacques Demarthon) |
[18/10/2009 14:26:15] AULNAY-SOUS-BOIS (AFP) Créer son entreprise en banlieue, “c’est le parcours du combattant”, racontent Daouda, Marc et Salem. Mais pour ces trentenaires, avoir grandi près de la “cité des 3.000”, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), “c’est une fierté”.
“La banlieue, j’y suis depuis toujours”, explique Daouda Sanogo, 32 ans, l’un des trois lauréats franciliens du concours “Talents des cités”, dont les prix seront remis samedi au Sénat.
“L’entreprise y est. Ma famille y est. Je m’y sens bien”, ajoute le jeune Français d’originie ivoirienne, qui a grandi dans le quartier de la Rose des Vents.
Après un bac ES et douze ans de fonctionnariat dans le tri sélectif, il crée, en août 2008, Alliance & Co. (200.000 euros de chiffre d’affaires prévu, 2 employés), une société de collecte et recyclage de déchets électriques, à quelques rues de la “cité des 3.000”.
“Au moins, j’aurai essayé”, dit ce fils d’un chauffeur poids lourd et d’une femme de ménage, aujourd’hui retraités, aux six frères et soeurs.
éat du concours “Talents des Cités 2009” le 9 octobre 2009 au siège de son entreprise à Aulnay-sous-Bois. (Photo : Jacques Demarthon) |
Dans la pépinière d’entreprises qui abrite son bureau, rien n’évoque les clichés associés à ce quartier “chaud” de Seine-Saint-Denis.
Pas un bruit dans les couloirs. Partout une odeur de neuf. Et la concentration, le sérieux, inscrits sur tous les visages.
“Se lancer, c’est le parcours du combattant”, explique Marc Daoud, 34 ans, créateur de Packeo (120.000 d’euros de chiffre d’affaires, 1 employé), une société d’ingéniérie et de service informatique.
“C’est trois fois 35 heures par semaines, des potes qui ne comprennent plus tes problèmes”, dit cet ancien pompier de Paris, “exténué”.
Comme Salem Bessad, directeur général de TechnoMobile (2 millions d’euros de chiffre d’affaires, 8 employés), une société experte dans l’affichage dynamique, lauréat du concours en 2007 (qui lui a valu un an de formation gratuite à HEC), Marc soutient le projet Alliance & Co.
écupère du matériel informatique chez un client, le 9 octobre 2009 à Aulnay-sous-Bois (Photo : Jacques Demarthon) |
A tous les trois, ils forment “un cycle” cohérent, explique Daouda : créer des systèmes, vendre du matériel et recycler les déchets.
Mais aussi une confrérie de jeunes entrepreneurs. “Il faut être plusieurs pour tuer le lion”, résume M. Bessad, sorte de “grand frère”, âgé de 38 ans.
Car les obstacles sont nombreux. “En amont, il y a beaucoup d’aide, mais en aval, il n’y a plus personne”, souligne l’ingénieur, formé aux cours du soir, après avoir lâché ses études pour soutenir sa famille.
Or en banlieue, où la création d’entreprise est perçue comme “une alternative” à “la forte montée du chômage”, les jeunes manquent d’expérience.
Certains dispositifs agissent de façon perverse, ajoute Daouda qui n’a pu profiter de certaines aides à la création d’entreprises… faute d’être au chômage.
Installé en zone franche, il ne peut bénéficier des avantages dont il sont assortis car il n’a pas été en mesure d'”embaucher localement”. Et pour cause : il ne peut encore verser aucun salaire.
Et puis, il y a “les fantasmes associés” à la banlieue, lâche Salem: “cet à priori des gens qui se disent : qu’est ce qu’une entreprise innovante fait en banlieue ?”
Difficile d’attirer de futures recrues dans un quartier perçu comme “un coupe-gorge”, dit-il : “le “manque de confiance”, toujours.
Pourtant, être issu d’un quartier populaire, “c’est une force”, pense Marc : “avoir cette tolérance, cette adaptabilité”. “L’environnement n’est pas des plus sexy mais c’est pas grave”, et il conclut : on va le prendre comme un challenge. On a tant de frustration à compenser”.