[27/10/2009 15:06:34] DAKAR (AFP)
ésident sénégalais Abdoulaye Wade, le 7 septembre 2009 à Dakar (Photo : Seyllou) |
L’affaire de la valise de billets – 133.000 euros – offerts en “cadeau” à un agent du Fonds monétaire international embarrassait mardi le président sénégalais Abdoulaye Wade, candidat à sa propre succession, même si son gouvernement s’efforçait de minimiser l’accusation de corruption.
Un mois après les faits, le FMI a clairement annoncé lundi soir que “le président du Sénégal lui avait “confirmé avoir organisé la remise d?un cadeau en argent” à son représentant à Dakar. Soit la somme de “100.000 euros et 50.000 dollars américains (33.000 euros)”, précise le FMI.
L’affaire de la mallette débute le soir du 25 septembre alors que le fonctionnaire Alex Segura doit prendre un avion pour Paris, au dernier jour de son séjour de trois ans au Sénégal comme représentant-résident du FMI.
Le ressortissant espagnol est invité à dîner avec Abdoulaye Wade. Et c’est après ce repas qu’il reçoit son “cadeau”.
“Le président a expliqué que l?argent avait été remis en guise de traditionnel cadeau d?adieu à M. Segura (…) et n?était destiné en aucune manière à influencer ni M. Segura, qui quittait définitivement le pays, ni le FMI”, rapporte l’institution.
Une phrase lapidaire conclut son communiqué: le président Wade “a reconnu que le montant du cadeau était une erreur”.
Le FMI aura tardé un mois à donner sa version détaillée des faits.
Mais le Premier ministre sénégalais, Souleymane Ndéné Ndiaye, était monté préventivement au filet, dimanche, dans une interview troublante au journal Kotch: “Il ne s’agissait pas pour nous de le corrompre (…) Nous avons cherché à aider quelqu’un à acheter des cadeaux pour ses parents”, a-t-il plaidé.
“100.000 euros, c’est rien. (…) Avec cette somme, qu’est-ce que vous pouvez acheter en France ? Vous ne pouvez même pas vous payer un appartement”, a ajouté le chef du gouvernement, dans un pays où une employée de maison est généralement payée moins de 100 euros par mois.
“On corrompt quelqu’un qui arrive ou de qui nous attendons des actes, mais franchement M. Segura qui quitte Dakar ne pouvait plus nous servir à quelque chose” a renchéri M. Ndiaye.
Dans la presse de mardi, un conseiller spécial du président, le colonel Malick Cissé, minimise également le geste en ces termes: “Dans un restaurant, vous donnez au serveur son pourboire. Je ne peux pas l’appeler corruption.”
Mais l’affaire concerne en premier lieu le président Wade, 84 ans, candidat à sa propre succession en 2012, et à la tête d’un “pays classé, par les critères du FMI, parmi les pays pauvres très endettés”, rappelle Le Quotidien.
“C’est la première fois qu’un scandale pareil éclate dans notre pays”, a assuré à l’AFP le député Mbaye Niang (opposition), ajoutant: “Si on était dans un pays démocratique, un président qui commet un acte qualifié de corruption devrait être traduit devant une juridiction.”
Mardi, des Dakarois plaisantaient en s’interpellant: “Alors, tu as pris ta valise au palais?”
Quant à M. Segura, il ne dit plus un mot, lui qui était le fonctionnaire international le plus prolixe du Sénégal, quand il critiquait la gestion peu orthodoxe des fonds publics par l’Etat.
La presse a évoqué l’hypothèse d’une machination visant à salir sa réputation. “Est piégé qui croyait piéger”, avance ainsi L’Observateur.
Mais l’attitude du fonctionnaire aura été très discutée, car même si le FMI a “restitué” l’argent au Sénégal, celui-ci a d’abord pris le risque d’accepter la mallette et s’est envolé avec. Pour l’expliquer, le FMI a notamment fait valoir que M. Segura redoutait de ne pas trouver “d?endroit sûr où laisser l?argent au Sénégal”.