Le marché du vin bordelais déstabilisé par la chute des prix aux Etats-Unis

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ût un vin lors du salon Vinexpo à Bordeaux le 23 juin 2009. (Photo : Jean-Pierre Muller)

[09/11/2009 06:30:17] BORDEAUX (AFP) La place de Bordeaux est inquiète: les prix de vente des grands crus bordelais ont brutalement dégringolé aux Etats-Unis, l’un des premiers marchés à l’exportation, où le numéro un des spiritueux Diageo brade ses énormes stocks d’invendus.

Après 35 ans de prédominance dans les vignobles bordelais, Diageo Chateau & Estate Wines (DC&E), filiale américaine du groupe de spiritueux britannique Diageo, a déserté la place.

Un représentant de la société américaine a souligné que le retrait du géant était dû aux “énormes stocks” de vins de Bordeaux invendus. “Il s’agit de gagner de l’argent. Les marges sont de plus en plus réduites chaque année”, a-t-il dit à l’AFP sous couvert d’anonymat.

Conséquence: Diageo liquide ses stocks. Des Châteaux renommés comme Lafite Rothschild, Haut Brion ou Lynch Bages sont maintenant proposés aux cavistes américains avec des rabais de plus de 50%.

On peut trouver aux Etats-Unis un Château Lafite 2005 pour 9.900 dollars (6.674 euros) la caisse de 12 bouteilles. Il y a à peine six semaines, le même vin était adjugé à 14.520 dollars (9.789 euros) la caisse chez Sotheby’s à New York.

“J’ai pour plus de 5,5 millions dollars de premiers crus dans mes entrepôts que je ne peux pas vendre parce que je serais 50% plus cher que” Diageo, a déclaré Guillaume Touton, un importateur bordelais installé à New York.

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à vin, au CIVB (Centre interprofessionnel du vin de Bordeaux), le 26 mars 2009. (Photo : Jean-Pierre Muller)

“Les châteaux m’ont confessé qu’ils avaient connu une croissance constante au cours des 15-20 dernières années grâce à (Diageo, qui) était tout à la fois leur banquier et le père Noël. Maintenant, le père Noël est parti”, a ajouté M. Touton, qui dirige la société Monsieur Touton Selection.

Le retrait brutal de DC&E a “un impact énorme sur le marché”, a confirmé Chris Adams, Pdg du caviste américain Sherry Lehmann.

Il tombe particulièrement mal pour les négociants bordelais, qui souffrent de la crise économique et d’un “taux de change qui nous tue”, selon Dominique Renard, directeur général de Duclot-Bordeaux Millésimes.

Diageo et le méga-détaillant américain Costco, les deux plus gros acheteurs de vins de Bordeaux pour le marché américain, avaient acquis d’importantes quantités de vin, créant “un niveau artificiel de demande” aux Etats-Unis et conduisant les viticulteurs bordelais à établir leurs prix sur cette “demande supposée”, explique Geoff Labitzke, vice-président du grossiste Fine Wine for Youngs Market, basé en Californie.

En quittant le marché bordelais, Diageo essaye de rétablir “le juste prix du marché”, estime M. Adams.

La bulle a éclaté quand les viticulteurs ont surestimé les prix de vente pour leurs récoltes 2006 et 2007. Les consommateurs n’ont pas suivi. Les cavistes et les grossistes ont annulé leurs ordres d’achat et des groupes comme Diageo ont fui.

Margaret Calvet, responsable financier d’Aquitaine Wine company, basée à Bordeaux, a comparé la situation actuelle à la “tulipe mania” quand, au XVIe siècle, le monde était devenu fou des tulipes, le produit dernier cri, provoquant une escalade artificielle des prix, avant une chute brutale.

“Il y a un prix plafond pour chaque vin sur cette planète. Au-delà de ce plafond, le consommateur ne suit plus”, a ajouté M. Labitzke.

“Beaucoup de cavistes en Amérique étaient fournis en vins de Bordeaux par Diageo”, explique M. Adams. “Les cavistes continueront à remplir leurs rayonnages mais auront-ils des étiquettes de Bordeaux ? Quand on retire une bouteille d’un rayon, une autre bouteille la remplace et on ne récupère pas forcément la place perdue”, dit-il.