Emprunt : les contours se précisent, mais Bercy veut en limiter le poids

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é et Michel Rocard à l’issue d’un entretien le 6 juillet 2009 avec Nicolas Sarkozy à l’Elysée (Photo : Boris Horvat)

[14/11/2009 09:17:43] PARIS (AFP) Le “grand emprunt” dont la commission Rocard-Juppé devrait préciser les contours jeudi va nécessairement peser sur les finances publiques françaises déjà très dégradées, ce qui pousse Bercy à tenter d’en limiter l’impact, sous l’oeil vigilant de Bruxelles.

Dans le rapport qu’elle doit remettre à Nicolas Sarkozy, la commission présidée par Alain Juppé et Michel Rocard va proposer à l’Etat de financer des “investissements d’avenir” à hauteur de 35 milliards d’euros.

Ce montant a d’autant plus de chances d’être retenu par le chef de l’Etat qu’il est au coeur de la fourchette de 25 à 50 milliards qu’il a lui-même récemment fixée.

Mais le gouvernement a annoncé que ces dépenses ne seraient pas toutes financées par l’emprunt prévu en 2010. Les 13 milliards d’euros d’aides publiques remboursés par les banques vont être mis à contribution.

“Ce recyclage permettra de réduire l’émission de nouvelles dettes”, souligne-t-on à Bercy. Au final, le “grand emprunt” annoncé en juin par le président Sarkozy ne devrait donc porter que sur un peu plus de 20 milliards d’euros.

“C’est le maximum qu’on peut se permettre”, estime Alain Trannoy, de l’Ecole des hautes études en sciences sociales. “Il est légitime d’emprunter maintenant car les taux d’intérêt sont très bas, à condition d’emprunter beaucoup moins par la suite”.

Car même à 20 milliards d’euros, l’emprunt va représenter environ 1% du produit intérieur brut (PIB). Et donc alourdir d’autant la dette publique, qui a déjà explosé avec la crise et devrait déjà atteindre 84% du PIB l’an prochain.

Or la Commission européenne fait pression sur la France pour qu’elle reprenne l’assainissement de ses finances. Bruxelles veut que le déficit public, attendu au niveau record de 8,5% du PIB en 2010, retombe sous les 3% dès 2013, un délai jugé “peu réaliste” par Paris qui demande un an de plus.

Dans ce nouveau bras de fer, Bercy tente de donner des gages.

L’option d’un emprunt sur les marchés, moins chère qu’auprès des particuliers, devrait ainsi être retenue. Et le ministre du Budget Eric Woerth a proposé que “l’emprunt pour l’investissement” vienne “chasser l’emprunt” pour les dépenses de fonctionnement.

Sa collègue de l’Economie, Christine Lagarde, suggère elle de “structurer ce grand emprunt” de manière à ce qu’il pèse “le moins possible” sur les finances publiques. Après le débat sur le montant et les priorités, d’âpres négociations sont donc en vue sur les modalités.

“Certaines opérations, comme les prêts participatifs, des prises de participation ou des dotations à des fondations qui font partie du périmètre public, peuvent ne pas être considérées comme créant du déficit”, fait-on valoir au ministère de l’Economie. “Vu les contraintes européennes, ça doit être un paramètre important du choix.”

“Notre critère pour choisir les priorités d’investissement n’a pas été l’impact sur le déficit”, rétorque un membre de la commission Juppé-Rocard.

Les experts souhaitent que l’effort porte sur l’enseignement supérieur et la recherche, l’économie numérique, la bioéconomie, les énergies renouvelables, la ville de demain, les mobilités du futur et les PME innovantes, selon Les Echos.

Parmi ces pistes, plusieurs semblent correspondre aux préoccupations de Bercy, comme l’augmentation des prêts participatifs aux PME.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement se dit déterminé à garder le cap: poursuite des investissements et pas de hausse des impôts. Sans forcément convaincre, comme le fait remarquer Alain Trannoy: “Faire de la dette aujourd’hui, ça revient forcément à augmenter les impôts demain”.