Procès AZF : le tribunal relaxe l’industriel au bénéfice du doute

[20/11/2009 08:45:26] TOULOUSE (AFP)

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à Toulouse (Photo : Eric Cabanis)

Le tribunal correctionnel de Toulouse a relaxé jeudi les prévenus dans le procès de l’explosion d’AZF faute de pouvoir prouver que les “fautes organisationnelles” de l’industriel Grande Paroisse (groupe Total) avaient causé la catastrophe qui a fait 31 morts en septembre 2001.

“Le tribunal prononce la relaxe au bénéfice du doute” de l’ex-directeur de l’usine Serge Biechlin et de la société Grande Paroisse, propriétaire de l’usine, a déclaré le président du tribunal, Thomas Le Monnyer, devant environ 750 personnes (partie civiles, avocats, journalistes).

D’anciens salariés de l’usine ont salué le jugement par des applaudissements, alors que les nombreuses parties civiles présentes parmi les 750 personnes réunies dans la salle d’audience manifestaient leur par un brouhaha de désapprobation.

Le président Le Monnyer a souligné que les magistrats avaient “la conviction que les experts judiciaires avaient approché de la vérité” en attribuant l’explosion au mélange accidentel d’un produit chloré, le DCCNna, avec les 300 tonnes de nitrate d’ammonium qui ont explosé.

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écran installé au tribunal correctionnel de la ville présentant l’énoncé de la relaxe au bénéfice du doute des prévenus dans le procès AZF, le 19 novembre 2009 à Toulouse (Photo : Eric Cabanis)

Exposant pendant plus d’une heure les motifs du jugement, M. Le Monnyer a été très sévère avec les “fautes” de Grande Paroisse et l’attitude de l’industriel, dénonçant même des “tromperies” à l’égard du tribunal, sans attaquer M. Biechlin.

Le président a toutefois expliqué la décision de relaxe en déclarant: “en matière pénale, il faut un lien de causalité certain” entre les fautes commises et le dommage.

Pour le président, il a manqué “le dernier maillon, la preuve de la présence de DCCNa dans la benne déversée sur le tas de nitrates une demi-heure avant l’explosion” pour condamner les prévenus.

“Une franche collaboration de Grande Paroisse et de sa commission d’enquête interne auraient permis l’analyse de la benne et aurait rendu inutile l’intervention d’institutions judiciaires”, a-t-il souligné.

“Aucun élément objectif ne vient étayer la piste d’un acte intentionnel”, a par ailleurs rappelé le tribunal. Toutefois l’absence d’élément concrets “ne permet pas au tribunal d’exclure formellement une hypothétique action terroriste”, a-t-il ajouté.

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à Toulouse (Photo : Eric Cabanis)

Le ministère public avait requis trois ans de prison avec sursis et 45.000 euros d’amende contre M. Biechlin, 225.000 contre Grande Paroisse, notamment pour homicides involontaires, à l’issue du procès, ayant duré du 23 février au 30 juin.

En début d’audience, le tribunal avait mis “hors de cause” la maison mère de Grande Paroisse, Total, et son ex-PDG Thierry Desmarest en déclarant irrecevables les citations directes à leur encontre présentées par une vingtaine des 3.149 parties civiles.

“Le magistrat instructeur a estimé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer Total et M. Desmarest devant le tribunal” dès lors le tribunal a décidé qu’ils “seront purement et simplement mis hors de cause”, a déclaré le président.

“Le tribunal a reconnu aujourd’hui que la cause de l’accident n’était pas connue, ce qui correspond à ce que nous disons depuis des années”, a déclaré Jean-Jacques Guilbaud, secrétaire général du groupe Total.

“Pour le tribunal, ce qui compte ce n’est pas la vérité, mais la preuve de la vérité. On met du Tabasco sur les plaies”, a au contraire réagi Frédéric Arrou, président de l’association des sinistrés du 21 septembre.

Les associations de sinistrés envisagent de demander au parquet de faire appel et compte organiser une conférence de presse commune lundi. Le procureur seul peut faire appel de cette décision de relaxe dans un délai de dix jours.

Outre les 31 morts l’explosion avait fait quelque 20.000 dommages corporels et 71.000 dommages matériels, pour lesquels Total a déjà versé 2 milliards d’euros d’indemnités.