Procès Vivendi : Messier dépeint une gestion sur le fil du rasoir

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L’ex-patron de Vivendi Jean-Marie Messier quitte le tribunal de Manhattan le 5 octobre 2009. (Photo : Don Emmert)

[24/11/2009 07:27:26] NEW YORK (AFP) A la barre des témoins depuis vendredi, l’ancien PDG de Vivendi Universal Jean-Marie Messier livre aux jurés américains devant se prononcer sur le caractère mensonger ou non de sa communication financière le récit d’une gestion sur le fil du rasoir.

M. Messier, qui avait juré plein d’émotion vendredi que, “avec le recul, j’ai commis des fautes, oui”, mais pas de “fraude, jamais, jamais, jamais”, a levé le voile lundi sur le fonctionnement d’une équipe de direction qui brassait les milliards en enchaînant cessions et acquisitions.

Alors qu’il y a quelques semaines son directeur financier et bras droit Guillaume Hannezo lui avait reproché d’avoir “sous-estimé le problème” que représentait l’endettement du groupe, M. Messier a commenté un graphique montrant qu’entre la fusion avec Seagram en 2000 et l’achat de USA Networks, Vivendi Universal avait cédé plus d’actifs qu’il n’en avait acquis.

Pourtant au moment de sa chute en juillet 2002, le groupe avait pour 35 milliards d’euros de dettes accumulées et le groupe était ravalé au rang de “valeur spéculative” par les agences d’évaluation financière Moody’s et Standard and Poor’s.

M. Messier n’a pas caché l’inquiétude qu’inspirait la possibilité d’une dégradation de la note de Vivendi Universal par Moody’s et Standard and Poor’s, et le très grand soin mis à les convaincre de sa stratégie.

Et pourtant, en décembre 2001, il tenait coûte que coûte à finaliser l’acquisition de USA Networks, qui devait parachever la constitution d’un des principaux groupes de médias au monde.

“A peine quelques minutes avant le début du conseil d’administration (de décembre 2001 devant valider l’acquisition), Guillaume Hannezo m’a dit: ‘je n’ai toujours pas l’avis des agences d’évaluation, qu’est-ce qu’on fait?’. C’était survolté et intense. J’étais très énervé”, raconte M. Messier, en français, se souvenant d'”une des rares occasions où (il) n’a pas été très gentil avec Guillaume Hannezo”.

Mais même sans ce feu vert indispensable des agences d’évaluation, il a décidé de soumettre sa décision à son conseil d’administration, n’envisageant pas une seconde de reporter la réunion. “Je lui ai dit ‘je ne sais pas, on verra bien'”, poursuit M. Messier.

M. Messier, poursuivi tout comme M. Hannezo et le groupe Vivendi par des actionnaires estimant avoir été ruinés par une communication financière trompeuse, est invité depuis vendredi à présenter sa version des faits lors d’un procès en action collective ouvert à New York début octobre.

Il est le premier témoin de la défense à s’exprimer, après un mois et demi de témoins de l’accusation. Son interrogatoire, qui sera également mené par les avocats des actionnaires, devrait se poursuivre en décembre, après la pause des fêtes de Thanksgiving aux Etats-Unis.

L’ancien PDG avait pris la parole vendredi tout de suite après la présentation au jury de notes d’un ancien avocat de Vivendi, qui l’avait notamment accusé d’avoir “orchestré pour 100 milliards de dollars de pertes pour les actionnaires”.

La défense a tenté en vain de faire valoir que la présentation de ces documents “extrêmement préjudiciables” devait entraîner l’annulation du procès. Elle a souligné également que ce chiffre spectaculaire et “exagéré” dépassait même très largement les calculs d’un expert juridique cité par l’accusation.

L’hypothèse du versement par Vivendi d’une compensation de deux milliards de dollars pour solder le litige à l’amiable avait été évoquée par certains, mais un verdict de culpabilité pourrait être bien plus coûteux.