Tunisie – Tourisme – Mise à niveau : Des ambitions bridées

pmnh-251109-1.jpg«Je
n’en reviens pas, l’hôtel est transformé. J’y étais venue, il y a plus de 15 ans
avec mes parents. Lorsqu’en agence on me l’a proposé, je dois reconnaître que
j’ai un peu tiqué. Maintenant que je suis là, j’en suis ravie
». Voilà ce qui
arrive à Ingrid B, touriste allemande, 47 ans, de passage dernièrement dans l’un
des hôtels de la station touristique de Hammamet. L’hôtel est plein. On s’y sent
bien. Il est comme flambant neuf. Il a évidemment profité d’un programme de mise
à niveau. On lui a aussi et surtout offert une rénovation complète.

Cet hôtel fait partie des 45 unités hôtelières (24.000 lits) sélectionnées pour
une opération pilote de mise à niveau des établissements hôteliers. Sa
candidature a été approuvée par le
COPIL (Comité de pilotage) à la fin de
juillet 2007. Il fait partie des 7,8% des établissements classés de notre pays.

A ce jour, et selon une enquête d’évaluation du programme, 36 unités ont réalisé
plus de 50% des investissements programmés, 5 unités ont déclaré avoir clôturé
leur programme, 18 unités ont réalisé plus de 90% de leurs prévisions. 75% de la
cible ont connu des augmentations dans les recettes par individu et par jour
(10% en moyenne sur les années 2007 et 2008).

Mais pourquoi ce programme tarde- t-il à être plus largement appliqué ?
Reçoit-il l’accueil qu’il se doit de la part des professionnels ? Répond-il à
leurs besoins ? Peut-il s’offrir l’ambition de sortir l’hôtellerie tunisienne du
découragement dans laquelle elle se trouve ? Les secteurs de l’hôtellerie et du
tourisme tunisiens sont à 100% un secteur privé. Se prennent-ils en charge pour
autant ? Le secteur propose-t-il des actions pour se sortir de sa situation
préoccupante ?

Sans avoir à revenir sur les
rapports de la Banque mondiale, de celui de
Fictch
Rating
2008, des rapports de l’ONTT, des déclarations tous azimuts des
professionnels et des analyses de la presse spécialisée, il ressort que le défi
majeur que se doit de relever l’hôtellerie tunisienne est le passage de la phase
de développement, à celui de la rentabilité.

C’est précisément, là que la machine s’enraye. Malgré toutes les bonnes
volontés, ce sont les conditions même d’adhésion à ce programme que contestent
les professionnels. «Qu’est-ce à dire que le COPIL ne reçoit que les
établissements financièrement sains ? Les hôtels qui se portent bien ont fait ou
sont en train de faire des rénovations à grande échelle. Ils ont peu besoin de
ce programme de mise à niveau. Ce sont les hôtels endettés qui sont en grandes
souffrances. Élire, pour ce programme exclusivement les hôtels sains
financièrement, revient à rester à la case de départ», répond sans tergiverser
Mohamed Belajouza, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH).

Du côté de cette dernière, on ne peut être plus clair. On affirme que le secteur
attendait ce programme. Elle l’approuve et s’en félicite. «L’idée est généreuse,
mais reste en deçà des espoirs des hôteliers. Les primes sont vraiment minimes
lorsqu’elles sont plafonnées à 150.000 dinars tunisiens».

Les professionnels n’y vont pas par quatre chemins. Ils en appellent, non
seulement à une initiative plus réaliste, mais aussi et surtout à alléger les
conditions d’éligibilité des établissements à ce programme. «L’endettement et la
qualité interfèrent l’un dans l’autre. Le parc hôtelier a vieilli. Il n’a pas
les ressources nécessaires pour sa maintenance et doit faire face à des frais de
gestion qui ont considérablement augmenté. Le secteur étouffe sous
l’endettement. Vous vous doutez bien que les mêmes causes produisent les mêmes
effets. Si nous n’allons pas franchement au fond des problèmes pour assainir la
situation, colmater les brèches ne suffira pas
», insiste Mohamed Belajouza.

Reconnaissant toutefois que la profession n’est pas en état de donner des
solutions de substitution par manque de cohésion et insuffisance des moyens, les
privés sont aussi affirmatifs que l’administration pour assurer avoir les
compétences suffisantes pour accompagner une “révolution”, de l’hôtellerie
tunisienne. Celle de sa transformation pour se moderniser et se rationaliser. Il
s’agit plus que jamais d’offrir un produit qui réponde aux normes
internationales et à l’attente du client.

Pour cela, il convient de mettre les moyens nécessaires. Comment dégager les
fonds pour financer ce travail en profondeur ? Suite à une étude effectuée sur
le tourisme tunisien, la Banque mondiale a suggéré que 4 à 5% des recettes du
secteur soit alloués à la promotion. Les chiffres aujourd’hui indiquent que nous
sommes à moins 1% (-1%) ! Comment faire face à la concurrence des autres
destinations ? Comment répondre à des destinations que nous avons inspirées et
qui se sont intéressées à notre modèle de développement ? Elles l’ont bien
entendu amélioré, en le finançant dans les règles de l’art.

Certains pensent qu’avant de plancher sur la promotion, il convient de s’assurer
de son produit, de veiller sur sa qualité et d’œuvrer pour sa diversification.
C’est précisément sur le produit qu’a longuement travaillé Mehdi Allani à la
tête de l’hôtel Le Sultan.

Le jeune patron aime répondre à qui veut l’entendre que l’hôtellerie est un
secteur porteur et rentable lorsque l’on se donne les moyens de travailler. «A
travers le Programme de mise à niveau, l’Etat suscite et pousse les
établissements hôteliers à passer à la certification. Le
PMNH est une impulsion
qui permet de fixer des actions concrètes et de les mener à terme. Il est clair
que les montants alloués sont insuffisants, mais cela aide à installer des
détections incendies, à créer des centres d’intérêt supplémentaires au sein de
l’hôtel, tel qu’un spa ou une salle de congrès, à créer un site web et améliorer
sa stratégie marketing. A travers les certifications, ce sont carrément les
procédures qui sont révolutionnées. On voit les mentalités du management et des
équipes changer tous les jours. Tout le monde est alors porté par les
performances. Cela s’en ressent sur le service et les clients n’en sont que plus
satisfaits
», résume Mehdi Allani avec plaisir.

Le Programme de mise à niveau atteint en effet des résultats forts satisfaisants
lorsqu’il se retrouve dans une approche structurante de la rénovation.
Aujourd’hui, Mehdi Allani fait partie des quelques rares hôteliers heureux. Son
hôtel affiche un taux de remplissage annuel de 65% et peut se targuer d’être un
des 4 étoiles les plus chers du pays. Ses prix n’ont cessé d’augmenter depuis
plus de trois ans. L’hôtel s’est même payé le luxe de refuser une étoile
supplémentaire. «La rénovation a porté le goût du challenge aux équipes. L’outil
de travail plaît énormément. Il a beaucoup évolué. Nos partenaires nous ont fait
confiance. Ils nous ont suivis méthodiquement dans cette évolution et en sont
plus que ravis. Le taux de satisfaction de leurs clients est la parade contre
toutes les volontés de bradage de prix
», conclut le jeune hôtelier.

Même son de cloche du côté de Mounir Ben Miled. En parlant de l’expérience de
son hôtel «Les Ambassadeurs», il a précisé que l’adhésion au PMNH a permis
d’améliorer la qualité du produit et la prestation des services de l’hôtel. «La
durée de séjour a évolué de 20%. De même pour le taux d’occupation qui est passé
de 53,6% en 2006 à 58% en 2009. Ceci nous a permis d’augmenter nos tarifs ainsi
que notre chiffre d’affaires de 10%
», a-t-il affirmé la semaine écoulée lors
d’un séminaire sur la promotion de l’investissement immatériel
dans le PMNH. M.
Ben Miled vise les quatre étoiles pour sa structure. En 2011, il prévoit un taux
d’occupation de 65% ainsi qu’un RBE stable à 35%.

Il est clair que pour multiplier cet exemple et mettre à neuf le parc hôtelier
de la Destination Tunisie, il faut profiter de la chance que représente le PMNH.
Il s’agit d’être nettement plus ambitieux et général dans cette mise en place.
La mise à niveau de l’hôtellerie tunisienne ne passe-t- elle pas aussi par la
mise à niveau touristique globale du secteur ?