Finance : le “triomphe” peu modeste des Français à Bruxelles sème le trouble

photo_1259998933768-1-1.jpg
ésident français Nicolas Sarkozy avec la nouvelle chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton, le 19 novembre 2009 à Bruxelles (Photo : Georges Gobet)

[05/12/2009 07:44:10] BRUXELLES (AFP) Le “triomphe” revendiqué par la France après la nomination de son poulain à Bruxelles, Michel Barnier, pour s’occuper des services financiers risque de se transformer en victoire à la Pyrrhus au vu des remous suscités cette semaine en Grande-Bretagne.

C’est finalement moins la désignation en tant que telle de l’ancien ministre de l’Agriculture au poste de commissaire européen au Marché intérieur et aux services financiers -une première pour Paris depuis la création des institutions européennes – que les commentaires ayant suivi côté français qui ont mis le feu aux poudres.

Le président français Nicolas Sarkozy a parlé d’un “triomphe” des idées françaises sur la régulation en Europe et, cité par le quotidien Le Monde, jugé que “les Anglais sont les grands perdants de l’affaire”.

“C’est une erreur consternante de présenter cela comme cela en ramenant l’affaire à un choc entre deux pays sur un sujet aussi important pour l’Europe”, accuse la députée européenne libérale Sylvie Goulard, spécialiste des dossiers économiques.

“C’est tout de même pas la guerre de Cent Ans!”, lance-t-elle. “Et surtout cela va être contre-productif car ce que M. Barnier aurait pu faire de manière modérée sur la nécessaire régulation financière, cela va être à présent beaucoup plus difficile”, estime-t-elle.

Le Royaume-Uni, qui avait déjà oeuvré jusqu’au bout pour tenter d’empêcher que les dossiers financiers ne tombent dans l’escarcelle française, a saisi l’occasion cette semaine pour faire campagne contre les dangers d’une trop grande régulation de la finance.

M. Barnier, qui a déjà accepté d’être épaulé à la Commission par un haut fonctionnaire britannique afin de rassurer Londres, se retrouve du coup sur la défensive avant même de prendre ses fonctions en février 2010. Il devra avant cela être confirmé par le Parlement européen mi-janvier à l’issue d’une audition qui s’annonce animée.

photo_1259998976207-1-1.jpg
à Paris (Photo : Francois Guillot)

“Je ne suis pas un idéologue”, a-t-il encore affirmé vendredi dans le quotidien français La Tribune. M. Barnier a aussi pris ses distances avec les propos de M. Sarkozy sur le “triomphe” de sa nomination.

“Je n’ai pas envie de présenter les choses de cette manière là”, a-t-il dit, en assurant vouloir servir “l’intérêt général européen, dans lequel naturellement les idées françaises ont une valeur ajoutée”.

Le député européen français conservateur Jean-Paul Gauzès, en charge de dossiers financiers au Parlement européen et qui bataille avec la City depuis des semaines sur le contrôle des fonds spéculatifs (hedge funds), appelle lui aussi à baisser le ton.

“Il faut être raisonnable là-dessus, ne pas agiter de chiffon rouge”, a-t-il dit à l’AFP.

Après la crise financière, le vent tourne de toute façon dans le sens des partisans d’une surveillance plus étroite du secteur financier, conformément aux engagements pris par les pays du G20 lors de leurs récents sommets.

La désignation d’un Français à la tête des services financiers à la Commission est un signe des temps. M. Barnier succèdera à un Irlandais, Charlie McCreevy, libéral convaincu qui a pendant longtemps prêché l’auto-régulation des marchés, y compris pendant la crise.

Il aura pour mission première de mener à bien les projets en cours de renforcement du contrôle de la finance européenne, dont le principal -la mise en place de mécanismes supranationaux de surveillance- doit être entériné la semaine prochaine par les dirigeants de l’UE.

M. Barnier pourrait ensuite avancer sur d’autres chantiers, comme sur les produits dérivés. “Mais il sera désormais plus que jamais surveillé par la City”, et au sein de la Commission, dit un diplomate européen.