Un ordinateur portable (Photo : Justin Sullivan) |
[08/12/2009 16:10:10] PARIS (AFP) Les dispositifs d’alerte professionnelle sont tout à fait légaux mais il convient de les contrôler avec vigilance, a tranché mardi la Cour de cassation, en retoquant le système de Dassault Systèmes permettant aux salariés de dénoncer leurs collègues qui mettraient en danger l’entreprise.
Depuis 2002, à la suite notamment de la faillite d’Enron, les groupes cotés aux Etats-Unis, ou leurs filiales à l’étranger, doivent installer ces dispositifs d’alerte, confidentiels et potentiellement anonymes, en vue de lutter contre la corruption.
Afin que l’alerte ne vire pas à la dénonciation calomnieuse, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a posé des conditions à ces dispositifs. Dans l’article 1er de cette délibération du 8 décembre 2005, elle a limité le champ des dénonciations aux domaines “financier, comptable, bancaire et de la lutte contre la corruption”.
“Des faits qui ne se rapportent pas à ce domaine peuvent toutefois être communiqués aux personnes compétentes de l’organisme concerné lorsque l’intérêt vital de cet organisme ou l’intégrité physique et morale de ses employés est en jeu”, a-t-elle stipulé dans son article 3.
Le groupe Dassault Systèmes est l’un des groupes à avoir mis en oeuvre ce code de conduite en France. D’une part, ce code exige des salariés qu’ils requièrent une autorisation préalable pour utiliser toute information dont ils pourraient avoir connaissance (notes de service, organigrammes, inventions…).
D’autre part, il intègre un dispositif d’alerte permettant aux salariés de dénoncer les “manquements sérieux” évoqués dans l’article 1, mais également le harcèlement moral et sexuel, ou les atteintes à la propriété intellectuelle qui mettraient en jeu “l’intérêt vital” de l’entreprise évoqué dans l’article 3.
Seulement, la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie a estimé que ce dispositif était contraire à la loi.
En octobre 2007, le TGI de Nanterre lui a donné raison. Mais en avril 2008, la cour d’appel de Versailles a infirmé cette décision, estimant que Dassault Systèmes n’avait fait que se conformer aux indications de la Cnil.
Le syndicat s’est alors pourvu en cassation.
Estimant que les dispositifs d?alerte professionnelle n’étaient “ni moralement ni juridiquement condamnables”, l’avocat général Bernard Aldigé avait toutefois conclu à la cassation, considérant que la justice devait “veiller à ce que les entreprises ne fassent pas de ces dispositifs un service de renseignements généraux utilisable contre les salariés”.
Dans un arrêt extrêmement complexe rendu mardi, la chambre sociale de la Cour l’a suivi et a annulé l’arrêt versaillais, estimant que le code de Dassault était contraire à la liberté d’expression et que son dispositif d’alerte allait au-delà de ce qui était permis par la Cnil.
En effet, s’il s’était limité aux manquements évoqués dans l’article 1 de la délibération de la Cnil, Dassault Systèmes aurait pu se contenter d’un régime d’autorisation simple. Mais étant donné que son dispositif avait un objet plus large, abordé dans l’article 3, il aurait dû soumettre son dossier à la Cnil pour qu’elle l’examine et donne son aval.
Par cet arrêt, “la Cour limite la liberté des entreprises à mettre en place ces dispositifs sans contrôle et sans garantie”, s’est réjouie l’avocate de la CGT, Me Hélène Masse.
Le dossier a été renvoyé devant la cour d’appel de Versailles, qui devrait se conformer à cette décision et déclarer illégal le dispositif Dassault. Ensuite, l’entreprise aura la possibilité de soumettre son code de conduite à la Cnil, à qui il reviendra de dire s’il est légal ou non.