Le bureau est sens dessus dessous. Des boites, des
cartons, des emballages, des
échantillons, des caisses, des couffins et même des bijoux sont disposés en
vrac, sur des étagères, par terre et sur les tables. Le bureau a davantage
l’allure d’un quartier général que de celui d’une jeune chef d’entreprise BCBG. Ines Boujbel, en jean et chemise blanche arrive à ma rencontre. Elle affiche un
généreux sourire. La jeune femme est Directeur Général de Deyma ; une entreprise
tunisienne entièrement dédiée aux dattes. A toutes les dattes ; les fourrées,
les naturelles, les farcies, les sèches, les fraiches, celles en coffret, en
branches, en paquets …
Deyma es-elle pour autant une nouvelle entreprise ? La réponse est ni oui ni
non. L’entreprise cultive son identité depuis moins d’une dizaine d’années tout
en restant une filiale de la société mère; Boujbel SA VAPCA. Une entreprise
leader dans l’exportation des dattes et des agrumes depuis 1957. En 2008, cette
dernière a exporté plus de neuf mille tonnes principalement de
Deglet Nour à
travers le monde. Il est à retenir que la production totale de dattes en Tunisie
a atteint 145 mille tonnes au cours de la saison 2008-2009.
Deyma est –elle un véritable cas de transmission d’entreprise ? Pas tout à fait
non plus. Mohsen Boujbel, continue de veiller à la tête de l’affaire familiale
après une longue carrière dans l’administration tunisienne. Deyma, en
fait,grandit toutsereinement en restant dans le giron de l’affaire familiale. La
jeune marque trace son destin et affirme au fur et à mesure sa voie. Elle marque
en effet, le pas d’une nouvelle génération d’entrepreneurs et d’entreprises
tunisiennes. Celles des héritiers engagés et conscients de la nécessite de
passer à la vitesse supérieure et d’aller plus rapidement à l’essentiel ; la
valeur ajoutée.
Pour comprendre l’histoire, il faut revenir à la jeune Ines Boujbel, qui après
des études de gestion et d’économie en France, rentre en Tunisie et travaille
dans les
RH au sein de l’entreprise familiale. Elle y évoluera suffisamment de
temps pour s’y faire les dents, acquérir de l’expérience et confronter sa vision
avec le « business » modèle familiale. Le face à face avec la génération
précédente a du bon, surtout quand celui-ci encourage les initiatives
innovantes.
La datte fait partie de l’univers naturel de la jeune femme. « La relation à la
datte est viscérale » précise t- elle. « A l’époque je travaillais avec mon père
et commençais mes petites transformations dans ma cuisine. Tout l’univers du
packaging me fascinait et je trouvais que la datte n’était pas suffisamment mise
en valeur. J’étais bel et bien consciente de l’énorme potentiel qu’elle
représentait et aspirait à y répondre ». La jeune femme n’a pas encore une
vision très claire du métier qu’elle veut développer. Elle sait par contre,
qu’elle veut participer à la mise en valeur du fruit et à la modernisation de sa
commercialisation.
Deyma commence alors, a germé dans la tête de la jeune femme. Comme en affaires,
il faut rapidement saisir les opportunités, c’est la vente de l’ancien point de
vente de la STIL sous les arcades dans la capitale qui donne le tempo à
l’aventure. Le rachat de ce magasin en 2003 est alors, un véritable élément
déclencheur. La nouvelle marque y expose aussi vite l’un de ses produits phares
; la datte fourrée. Le succès est immédiat. Ce produit répond précisément aux
besoins de rapidité et d’originalité d’une clientèle acquise à ce produit noble.
Une voie royale est alors tracée devant Deyma pour expérimenter les nouvelles
déclinaisons, considérer les goûts et sonder les attentes.
Au fur et à mesure, la marque lance sa vitesse de croisière et prend du galon.
La nécessité de la certification s’impose. Elle signe un certain état d’esprit
et affirme une volonté ferme d’aller de l’avant. Philippe Perco, consultant
belge qui accompagne Deyma depuis de nombreuses années dira de la jeune patronne
qui veille au destin de la marque qu’elle est « une éponge intelligente, à même
de relever les défis de l’entrepreneur que sont la constance, la solitude, la
capacité d’adaptation et la volonté farouche d’avancer. Inès a l’humilité
d’avancer » précise t-il.
Aujourd’hui l’entreprise pèse 5 millions d’euros et fait travailler 50 personnes
en saison de production. Elle réalise près de 35% à l’export. Elle accueille en
ses points de ventes d’autres marques tunisiennes, qui affichent un même état
d’esprit et une identique obsession de valorisation des produits du terroir
tunisien. Elle se veut le temple de la datte mais ne refuse pas d’exposer de
l’huile d’olive, des confitures, des confiseries,…
Le meilleur resterait-il à venir ? Probablement, puisque Deyma se prépare à
ouvrir un nouveau concept store. Activement, on met les dernières touches à une
nouvelle ligne de produits tous construits autour et à partir de la datte. En
effet, une équipe de jeunes créatifs s’active autour de la marque avec comme
tête d’affiche la talentueuse architecte Memia Taktak, ou encore des jeunes de
l’école des Arts et des Métiers de Den Den. Tous planchent avec passion sur le
palmier, son fruit, son bois pour se saisir de sa complexe élégance et
exceptionnelle saveur. Au cœur de cette nouvelle aventure ; l’innovation. Au
programme : nouveaux goûts, superbes paquets, une ligne de bijoux et de mobilier
à base de bois de palmier…
On n’en dira pas plus pour le moment. Si ce n’est que Deyma se prépare à passer
à la franchise et à écrire une nouvelle page de son histoire. La datte
tunisienne trouverait elle en Deyma une nouvelle manière de conquérir le monde ?