écolle de Séville, le 11 décembre 2009 (Photo : Bertrand Guay) |
[05/01/2010 17:29:44] PARIS (AFP) Malgré un premier vol réussi, le sort de l’avion militaire A400M reste incertain: Airbus menace, selon la presse allemande, de se désengager du projet à quelques jours d’une réunion des pays clients sur son financement.
Selon le quotidien allemand Financial Times Deutschland (FTD), le patron d’Airbus, l’Allemand Thomas Enders, a déclaré lors d’un repas de la direction du groupe en décembre qu’il ne “croyait plus à une poursuite du programme”.
Il préparerait l’abandon du projet. En outre, des listes d’ingénieurs, qui seraient réaffectés de l’A400M à d’autres programmes de développement sur l’A380 et sur l’A350, existeraient déjà, affirme mardi le FTD, emboîtant le pas à son compatriote, l’hebdomadaire Der Spiegel, qui titrait le 3 janvier: “Le patron d’Airbus menace de mettre fin à l’A400M”.
Interrogé par l’AFP, un porte-parole d’Airbus a reconnu que l’abandon du projet était “un scénario” tout en soulignant qu’il escomptait “un résultat (des négociations) d’ici fin janvier”.
“Nous espérons conclure les négociations de manière positive et constructive”, a-t-il ajouté.
Questionné par la radio BFM sur l’éventualité d’un arrêt du programme, le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a répondu: “je ne l’envisage pas, mais je n’envisage pas non plus que ce soient les contribuables européens qui paient la totalité des surcoûts”.
Airbus et sa maison mère, le groupe européen d’aéronautique et de défense EADS, négocient depuis plusieurs mois avec sept pays clients de l’avion (Allemagne, France, Royaume-Uni, Espagne, Belgique, Turquie et Luxembourg) les surcoûts de ce projet estimés par les analystes entre 8 et 11 milliards d’euros dont 2,4 milliards ont déjà été provisionnés.
Hervé Morin a assuré qu’outre les pénalités dues aux retards, “les surcoûts propres au développement du programme” avoisineraient les 5 milliards d’euros.
Le projet avait été lancé en 2003 par ces pays membres de l’Otan qui ont commandé 180 appareils pour 20 milliards d’euros. Le premier vol avait eu lieu le 11 décembre à Séville où l’usine d’assemblage final est implantée.
Pour Harald Liberge-Dondoux, analyste du CM-CIC, l’hypothèse d’un abandon est irréaliste.
“Ce serait un tel cataclysme politique en Europe que la probabilité d’un arrêt du programme nous parait infime”, résume-t-il. “Le programme est très avancé (…). La menace fait partie du jeu de la négociation”.
“Les gens d’Airbus sont en train d’essayer de faire monter la pression vis-à-vis des Etats, et notamment de l’Allemagne, pour dramatiser la situation”, commente également Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques.
M. Liberge-Dondoux estime que cette menace témoigne de l’âpreté des discussions.
“Si Tom Enders brandit une telle menace, c’est que les Etats adoptent une position dure vis-à-vis d’EADS estimant que c’est au groupe de devoir faire face à ses responsabilités, qu’une grosse partie des surcoûts lui incombe”, dit-il.
Hervé Morin a souligné que la France était “prête à en payer une partie”.
“Mais, a-t-il dit, la France n’est pas toute seule”, estimant que “le point le plus dur” concernait “le gouvernement allemand”.
Pour trouver un accord, les pays prévoient de se réunir à la mi-janvier, a indiqué lundi un porte-parole du ministère allemand de la défense.
Parallèlement, le ministre français a annoncé son intention d’organiser une réunion sur le sujet avec les ministres de la Défense autour du 20 janvier. Il s’agit, selon lui, “de conclure sinon de faire progresser” la discussion avant une date-butoir déjà fixée à la fin du mois.