L’internet en Chine, caisse de résonance et menace pour le régime

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ï Lama sur le moteur de recherche Google, le 14 janvier 2010 à Pékin (Photo : Str)

[14/01/2010 11:39:17] PEKIN (AFP) En adoptant internet, la Chine communiste a permis à des millions de personnes de s’exprimer comme jamais, mais aujourd’hui le régime exerce une surveillance accrue des 360 millions d’internautes chinois et des réseaux sociaux de plus en plus actifs.

Dans le pays le plus peuplé au monde — 1,3 milliard d’habitants –, où le Parti communiste est aux commandes depuis plus de 60 ans, la Toile s’est imposée ces dernières années comme la principale caisse de résonance du mécontentement social et politique.

En 2009, selon un rapport récent publié par l’Académie des sciences sociales de Chine, les sujets les plus discutés ont concerné “la protection des droits des citoyens, la supervision de la force publique, la préservation de l’ordre public et la promotion de la morale publique”.

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é à Shanghai (Photo : Philippe Lopez)

En tête de liste, l’histoire d’une jeune femme, Deng Yujiao, poursuivie pour le meurtre d’un cadre local du Hubei (centre) mais qui invoquait la légitime défense. Le mobilisation des internautes lui avait permis d’échapper aux poursuites.

Des chercheurs chinois, Zhu Huaxin, Shan Xuegang et Hu Jiangchun, évoquent l’émergence d’une “nouvelle classe de ceux qui donnent leur opinion”.

“Lorsqu’une histoire éclate, cette nouvelle classe montre toujours plus son immense puissance sur l’opinion publique”, ont-ils écrit dans le rapport de l’Académie des sciences sociales.

Mais le gouvernement surveille le réseau comme du lait sur le feu pour éviter les dérapages et repérer toute contestation.

En 2009, il a fermé des dizaines de milliers de sites au nom de la lutte contre la pornographie, arrêté plus de 5.000 personnes et bloqué de nombreux réseaux sociaux et plateformes de blogs: Youtube en mars, Blogsport et Blogger en mai, Twitter et Facebook en juillet au moment des émeutes sanglantes du Xinjiang.

Dans cette région autonome du nord-ouest, les autorités ont d’ailleurs purement et simplement “déconnecté” internet.

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à Tianamen, le 14 janvier 2010 à Pékin (Photo : Str)

“Cela montre bien le lien que le pouvoir fait entre internet et les dangers d’explosion”, dit Renaud de Spens, expert des nouveaux médias en Chine.

“Les sites internet web 2.0 font tourner le flux de l’information, ce qui signifie que les citoyens obtiennent de l’information plus rapidement que le gouvernement. Les autorités considèrent le web 2.0 comme une réelle menace”, juge de son côté Michael Anti, un des bloggeurs les plus connus en Chine.

Dans un long article publié début décembre, le ministre de la Sécurité publique (police), Meng Jianzhu, a souligné qu'”internet est devenu un moyen puissant des forces hostiles à la Chine pour mener des activités de sabotage et d’infiltration”.

“Cela pose un nouveau défi à la police qui doit préserver la stabilité sociale et la sécurité du pays”, a-t-il lancé.

Cependant, souligne Jeremy Goldkorn, analyste de l’internet en Chine, une grande majorité des internautes sont en quête d’informations qui n’ont rien à voir avec la politique mais plutôt avec le “divertissement”.

“Une grande majorité des gens ne sont pas vraiment conscients de la censure, c’est pourquoi elle marche si bien”, relève-t-il.

Selon la dernière estimation du Centre chinois d’information sur internet, un organisme gouvernemental, le pays abritait fin octobre 367 millions d’internautes.

Mais le rythme de progression est impressionnant: en six mois, l’an dernier, ils avaient augmenté de 40 millions. Ce qui rend d’autant plus compliquée la tâche des censeurs.

“La censure arrive à gagner sur certains points, mais elle n’arrive pas à endiguer la vague et les internautes repoussent les limites”, juge Renaud de Spens. “S’il y a trop de poissons, impossible de les noyer”, ajoute-t-il.