[19/01/2010 19:50:11] LONDRES (AFP)
à Londres (Photo : Leon Neal) |
Le groupe d’alimentation américain a réussi mardi un pari pourtant mal parti, en obtenant pour 13 milliards d’euros de racheter le vénérable britannique Cadbury, une alliance des chocolats Suchard et Poulain qui créera un géant dans les pays émergents.
En une nuit, et après quatre mois de siège, Kraft Foods a réussi à rendre attractive une offre d’achat jusqu’alors qualifiée de “dérisoire” par sa proie, en la portant à 840 pence par action, dont 60% en numéraire. Cela valorise Cadbury à 11,5 milliards de livres (environ 13 milliards d’euros), outre un dividende de 10 pence par action qui porte la facture à environ 11,7 milliards de livres.
Le président de Cadbury Roger Carr a jugé l’offre “de bonne valeur”, même si d’autres achats se sont réalisés proportionnellement plus cher dans le secteur.
Les actionnaires ont jusqu’au 2 février pour se décider. La plupart ont exprimé une opinion positive sur le prix proposé.
Kraft, propriétaire des biscuits LU, des chocolats Milka, Suchard et Côte d’Or, récupère ainsi des marques tout aussi connues comme Carambar, Kréma, La Pie qui chante, les chewing gums Hollywood et Stimorol ou le chocolat Poulain, pour ne citer que des françaises.
Le tout constitue un portefeuille de rêve, plus de 40 marques ayant chacune un chiffre d’affaires de plus de 100 millions de dollars annuels. Surtout, le nouveau groupe deviendra leader dans les marchés actuellement très recherchés des grands pays émergents, Brésil, Russie, Inde, Chine et Mexique.
Il s’agit, selon le cabinet Dealogic, de la septième fusion transfrontalière de tous les temps par la valeur, et de la sixième fusion de tous les temps dans le secteur de l’alimentation.
Le rachat de Cadbury, financé largement par de la dette, serait ainsi un nouveau signe de reprise. Par contraste, l’échec de l’ex-Cadbury Schweppes à trouver un fonds d’investissement qui veuille racheter ses boissons américaines, à l’été 2007, avait été considéré comme un des signes marquants du début de la crise du crédit.
Dans un Royaume-Uni pourtant habitué au rachat de grands fleurons au début des années 2000, la disparition de Cadbury va marquer, s’agissant d’une marque presque bi-centenaire et chère au coeur des Britanniques. Le syndicat Unite a considéré qu’il s’agissait “d’un jour très triste”.
Mais Kraft (98.000 employés) a su donner des assurances pour le maintien de l’emploi au Royaume-Uni (5.600 personnes), ce que le gouvernement, “déterminé à ce que les emplois soient assurés”, selon le Premier ministre Gordon Brown, a jugé “encourageant”. Le ministre du Commerce Peter Mandelson n’a cependant pas exclu de fixer à l’avenir des critères de long terme aux rachats d’entreprises britanniques.
De son côté, la PDG de Kraft, Irene Rosenfeld, a assuré que Kraft serait un “importateur net d’emploi au Royaume-Uni”.
Si les actionnaires de Cadbury la soutiennent, et si les deux chevaliers blancs potentiels, l’italien Ferrero et l’américain Hershey, ne se manifestent pas d’ici au 25 janvier, elle pourra savourer sa victoire : avoir su satisfaire à la fois les actionnaires gourmands de Cadbury et les actionnaires prudents de Kraft, comme le premier d’entre eux, le milliardaire américain Warren Buffett, qui avait dit qu’il n’accepterait pas une offre à n’importe quel prix.
Elle a su aussi éloigner la plus grosse menace, le suisse Nestlé, en lui cédant ce mois-ci pour 3,7 milliards de dollars une activité de pizzas surgelées qu’il convoitait.
Le quotidien Financial Times a considéré que, “dans un monde globalisé, Kraft pourrait s’avérer un bon propriétaire”. La Bourse de Londres a salué aussi le mariage : Cadbury a gagné 3,59% à 836,5 pence, presque le prix proposé par Kraft, dans un marché en hausse de 0,34%.