Réunion de crise à Berlin pour tenter de résoudre le casse-tête A400M

[21/01/2010 20:20:33] BERLIN (AFP)

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à Séville (Photo : Eric Piermont)

Les négociations entre les pays clients de l’A400M à Berlin pour essayer de résoudre le casse-tête de l’énorme surcoût du programme d’avion militaire ont été interrompues jeudi soir à Berlin et doivent se poursuivre vendredi matin, a indiqué le ministère allemand de la Défense.

“Les pourparlers ont été interrompus et doivent se poursuivre demain matin”, a indiqué à l’AFP, Holger Neumann, un porte-parole du ministère, qui n’était pas en mesure de donner des informations sur le déroulement de la rencontre.

“Les parties ont l’intention de trouver une solution acceptable d’ici à la fin du mois”, a-t-il dit, alors que la pression monte sur le maître d’oeuvre de l’A400M, le groupe européen EADS.

Les secrétaires d’Etat et des “représentants de haut rang de l’industrie” s’étaient réunis à 14H00 GMT au ministère de la Défense.

Le compte à rebours est lancé pour sauver l’avion de transport d’Airbus, filiale d’EADS: Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg et Turquie se sont donné jusqu’au 31 janvier pour décider de la répartition du surcoût de l’A400M, qui pourrait atteindre 11 milliards d’euros.

Le prix initial du programme avait été fixé en 2003 à 20 milliards d’euros pour 180 appareils.

Le choix de la capitale allemande comme lieu de réunion est loin d’être anodin: la première économie européenne, qui a passé la plus grosse commande avec 60 appareils, est jusqu’ici l’un des Etats les plus tièdes lorsqu’il s’agit de défendre l’A400M.

Le ministre allemand de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg, cité par l’hebdomadaire régional Bayernkurier à paraître samedi, a répété: “Nous voulons l’A400M, mais pas à n’importe quel prix”, soulignant “notre capacité de compromis a des limites”.

Alors que l’A400M a déjà pris au moins trois ans de retard, EADS et les pays clients font monter la pression pour se partager l’ardoise.

Jusqu’ici, le groupe d’aéronautique exige une rallonge de 5,2 milliards d’euros et n’hésite pas à dramatiser les négociations en brandissant la menace d’un abandon pur et simple du projet.

Comme pour riposter, la presse allemande multiplie depuis deux jours les révélations sur des erreurs techniques supposées d’Airbus, accusé par exemple d’avoir sous-évalué depuis le début le coût de son avion.

Jeudi, le Financial Times Deutschland cite, lui, “un dirigeant de haut rang d’EADS” qui reconnaît que l’appareil ne remplira pas son cahier des charges. Il ne serait pas sûr, par exemple, que l’avion puisse comme promis embarquer des chars allemands de type Puma, selon le quotidien.

Au moment d’affronter EADS, les pays clients ne se présentent donc pas en rangs très serrés.

Face à l’Allemagne, la France, si elle enjoint EADS de “payer une part très significative des surcoûts”, comme l’a dit son ministre de la Défense Hervé Morin, apparaît comme l’un des plus fervents partisans du programme.

M. Morin a déjà assuré que Paris “ferait tout” pour sauver un projet phare de la technologie militaire européenne.

Malgré ces divergences, “je continue à croire que le programme sera poursuivi”, affirme à l’AFP Winfried Becker, analyste spécialiste d’EADS pour la banque privée Oppenheim.

D’une part, tout simplement parce que les pays commanditaires doivent rajeunir leur flotte d’avions de transport.

“L’avion de transport actuel des Européens, le Transall, est vieux de plus de trente ans et ne convient pas par exemple pour des opérations en Afghanistan”, explique l’analyste, ajoutant: “le retard est donc contrariant, car les Etats auraient bien besoin de l’A400M dès aujourd’hui.”

D’autre part, “il y a une dimension politique” selon M. Becker, car les Européens “veulent conserver une industrie aéronautique propre”, plutôt que de devoir se fournir aux Etats-Unis.