Un rapport international sur la liberté économique est établi, chaque année, par le quotidien américain The Wall Street Journal en collaboration avec l’institut de recherche “The Heritage Foundation“. Sur la base de variables réparties en 10 catégories de facteurs économiques que nous allons détailler, cette étude attribue un score -sur 100- à 179 pays.
58.9, c’est l’indice global de liberté économique qu’obtient la Tunisie, soit la
95ème place à l’échelle internationale en 2010, avec un point de plus que
l’année passée grâce à l’amélioration de son score dans la moitié des
catégories. La Tunisie est classée 12ème sur les 17 pays du Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord, et son score est légèrement inférieur à la moyenne mondiale.
Selon ce rapport, la Tunisie a engagé des réformes structurelles pour préserver
un cadre macro-économique prudent, libéraliser les prix et les contrôles
intérieurs, et réduire le rôle du secteur public dans l’activité économique. La
réglementation est plus efficace et rationalisée. Les droits de propriété sont
largement respectés, même si les pouvoirs publics restent toujours l’arbitre en
dernier ressort. La Tunisie a également su maintenir ses déficits budgétaires à
un niveau relativement faible.
Malgré ces réformes, cependant, un certain nombre de défis d’ordre
institutionnel persistent. En effet, la Tunisie détient des faibles scores en
matière de liberté de commerce et de liberté d‘investissement. Des tarifs
élevés, des restrictions à l’importation et la nécessité de disposer de licences
restreignent la liberté de commerce. Les politiques d’investissement
protectionnistes et la lourdeur de la bureaucratie ne laissent guère de place à
un apport plus stable d’investissements étrangers, estiment les auteurs du
rapport. Le secteur financier ainsi que d’autres secteurs sont soumis à des
influences de plusieurs ordres.
Nous vous livrons ici l’intégralité des catégories étudiées et commentées, en
commençant par les meilleurs scores :
– Liberté d’entreprendre (80.2) : la liberté de démarrer, exploiter et fermer
une entreprise est bien protégée par l’environnement réglementaire tunisien. Le
démarrage d’une entreprise prend 11 jours, alors que la moyenne mondiale est de
35 jours. Obtenir une licence d’affaires prend beaucoup moins que la moyenne
mondiale de 218 jours, mais les coûts sont assez élevés. Les procédures de
faillite sont faciles et simples.
– Taille et dépenses du gouvernement (78.5) : Les dépenses totales des
administrations publiques, y compris la consommation et les paiements de
transfert, sont relativement faibles. L’année passée, les dépenses du
gouvernement équivalaient à 26,8% du PIB.
– Liberté monétaire (76.5) L’inflation est restée modérée, atteignant en moyenne
4,5% entre 2006 et 2008. Le gouvernement peut fixer les prix de produits
subventionnés et influence les prix à travers la réglementation, les subventions
et les services publics appartenant à l’Etat et les entreprises. Dix points ont
d’ailleurs été déduits de ce score de liberté monétaire pour prendre en compte
ses interventions qui faussent les prix intérieurs.
– Liberté fiscale (74.4) : La Tunisie applique un impôt sur le revenu
relativement élevé et un impôt sur les sociétés modéré. Le taux maximal
d’imposition des sociétés est de 35%, et le taux minimum d’imposition est de
30%. Un régime fiscal spécial est applicable aux institutions financières et
dans le secteur des hydrocarbures. L’année passée, les recettes fiscales
générales représentaient 20,9% du PIB.
– Liberté du travail (67.4) : La réglementation tunisienne du travail est
relativement rigide. Congédier un employé est difficile et le coût du travail
(hors salaire) est relativement élevé.
– Liberté de commerce (53.5): Restrictions à l’importation, quelques tarifs
prohibitifs, taxes et frais à l’importation, programmes de promotion à
l’exportation et contradictions de l’administration douanière ajoutés au coût
des échanges pénalisent le score tunisien. Dix points ont d’ailleurs été déduits
du score de la liberté commerciale en Tunisie pour tenir compte des barrières
non tarifaires.
– La propriété (50): La résolution des litiges commerciaux prend beaucoup de
temps, et les procédures juridiques sont complexes. La loi tunisienne sur les
droits de propriété intellectuelle est conçue pour répondre aux normes minimales
de l’OMC concernant les aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC).
L’administration douanière ne lance pas d’enquête sur les violations du droit
d’auteur sans une plainte déposée par le titulaire du droit d’auteur. Les
produits piratés sur supports imprimés, audio ou vidéo sont vendus ouvertement.
La copie illégale de logiciels, de CD et de DVD est largement répandue.
– L’absence de corruption (44) : La corruption est perçue comme importante. La
Tunisie s’est classée 62ème sur 179 pays en termes de transparence et de
corruption en 2008. Moins répandues que dans les pays voisins, les pratiques
déloyales et la corruption des partenaires locaux potentiels peuvent retarder ou
bloquer les projets d’investissement. De plus, le copinage et le trafic
d’influence peuvent affecter les décisions d’investissement.
– Liberté d’investissement (35) : La Tunisie restreint les investissements
étrangers dans certains secteurs afin de minimiser l’impact sur les concurrents
nationaux. L’investissement étranger est contrôlé. Les investissements dans les
sociétés non-touristiques onshore avec une part de capital de plus de 49%
nécessitent une autorisation du gouvernement. En général, les échanges nationaux
doivent être effectués par une société dans laquelle la majorité du
capital-actions est détenue par des Tunisiens et dont la gestion est tunisienne.
Les formalités administratives sont lourdes et incohérentes ; la possibilité de
retenir la main-d’œuvre étrangère est restreinte ; et les tribunaux sont
sensibles aux pressions politiques. Les résidents et les non-résidents peuvent
détenir des comptes en devises, objets de restrictions et d’approbations. Il
n’existe que quelques restrictions sur les transactions en capital, les
paiements et les transferts. Les étrangers ne peuvent pas posséder de terres
agricoles.
– Liberté financière (30) : Le contrôle financier et la réglementation ont été
mis aux normes internationales, mais le secteur financier reste sous-développé.
Le gouvernement maintient le contrôle sur les trois plus grandes banques
tunisiennes. Malgré certains progrès récents dans la réduction des prêts non
productifs, ils représentent toujours plus de 15% du total des prêts. Cinq
banques contrôlent environ 70% des dépôts. Au cours des cinq dernières années,
le gouvernement a fait des progrès dans la privatisation et la consolidation
d’un certain nombre de banques, mais il reste l’actionnaire majoritaire dans
plusieurs banques : et certaines de ses interventions pénalisent le
développement financier. Les marchés financiers sont constitués de petites
valeurs et dominés par le gouvernement. La bourse, qui a été gérée par le
Conseil du Marché Financier mis en place par le gouvernement, est devenue plus
active avec une participation étrangère accrue et environ 50 entreprises cotées.
En termes de classement, il ne s’agit donc pas d’une des meilleures performances
tunisiennes. Pourtant, on note de très bons scores, et bien supérieurs à la
moyenne mondiale, pour 4 catégories de libertés (d’entreprendre, monétaire,
fiscale, du travail) et en termes de dépenses gouvernementales. La modernisation
de l’administration ainsi que la lutte engagée contre le piratage et la
contrefaçon permettront à coup sûr de relever le score en termes de corruption
et de protection de la propriété.
En ce qui concerne les scores considérés comme “alarmants” (liberté du commerce,
d’investir et liberté du milieu financier), il est bon de rappeler que l’étude a
été menée par des organismes adhérant à une théorie économique libérale, qui, au
regard de la crise internationale traversée, n’a pas permis de préserver les
marchés nationaux et mondiaux. Donc, un mauvais score soit mais avec une
économie qui a été plutôt épargnée… Tout n’est pas noir ou blanc, c’est un choix
à assumer !