La Chine est l’usine du monde avec ses ouvriers innombrables et sa main d’œuvre
presque gratuite. Mais l’autre géant, l’Inde n’est pas du tout dans la même
situation. Avec des infrastructures empêchant toute installation efficace
d’usine comme chez le voisin, l’Inde ne peut pas espérer être elle aussi l’usine
du monde. Mais l’Inde, perspicace, joue sur ses atouts et propose ses services.
Avec ses infrastructures efficaces et sa population alphabétisée (à défaut
d’être véritablement éduquée), la
Chine fabrique à la chaine des armées
d’ouvriers efficaces et à bas prix. Ceux-ci se massent dans les zones détaxés
vouées à l’exportation. Même si elle le voulait, l’Inde ne pourrai pas obtenir
de tels résultats. Avec ses routes défoncées par un trafic incessant, avec la
très mauvaise distribution de l’eau, il aurait été ruineux pour l’Inde de tenter
de faire concurrence à la Chine. L’inde a eu la clairvoyance de ne pas s’engager
dans une compétition perdue d’avance avec son voisin-rival. La plus grande
démocratie du monde sait reconnaître ses avantages et ses inconvénients, ainsi
ce grand pays a envahi un secteur qui lui était favorable : la délocalisation
des services.
Aujourd’hui près de la moitié des services exportables sont en Inde, du centre
d’appel jusqu’aux analyses médicales et bancaires. Les atouts de ce pays sont
importants et uniques. L’Inde possède aujourd’hui près de 70 millions de
diplômes en hautes études. Il y a plus d’ingénieurs en Inde qu’il n’y a
d’habitants en France ! Cette force de frappe ultra qualifié concurrence
naturellement les emplois que l’on croyait protégés dans nos vieux pays. L’Inde
a sauté une révolution, pendant que la Chine et d’autres faisait leur révolution
industrielle, l’Inde n’est pas passée par là, elle a directement opéré une
révolution des services qui représente aujourd’hui près des 2/3 du PIB du pays.
L’inde est devenu le leader mondial des services pour plusieurs raisons propres
à ce pays-continent.
Premièrement, la raison la plus visible : les infrastructures, calamiteuses
comme je l’ai dit plus haut. Or les infrastructures ne sont pas ou très
faiblement utiles aux services. Un jouet fabriqué à Calcutta pourrai mettre
plusieurs semaines avant d’arriver à Bombay, s’il arrive entier. Alors que
l’information est immédiatement renvoyé au client, ainsi peu importe qu’il n’y
ai pas de route ou d’eau. Les grandes entreprises installées en Inde se sont
organisées en iles pour répondre au mieux aux exigences du pays. Exonérés de
taxes elles ont fabriqué de petits paradis capitalistes au milieu de l’océan de
pauvreté et de poussière où l’Internet tourne à plein régime, tout comme l’air
conditionné. Ici il n’y a pas de jours ou de nuits, il y a toujours un client
chez qui il fait jour.
Le second avantage stratégique de l’Inde réside dans son
système de castes.
Effectivement ce système est inhumain pour notre pays égalitaire où les chances
doivent être les même pour tout le monde. mais d’un point de vue économique
notre système est handicapé par tout nos « assistés ». Au contraire l’Inde,
depuis des millénaires est élitiste, l’effort est mis sur les hautes castes
(brahmanes, kshatriyas et vaishyas). Les grandes écoles sont nombreuses et très
bien cotées, on ne se soucie pas des autres, des pauvres qui coûtent cher et ne
rapportent rien. Ainsi les dépenses sont des investissements. Pour une société,
ne s’occuper que de ce qui est rentable est très efficace, pas de dépenses
sociales inutiles. Ce n’est pas égalitaire, mais c’est mérité puisque la caste à
laquelle on appartient est le résultat de nos vies passées. Difficile à accepter
pour nos consciences égalitaires mais diaboliquement efficace en terme de
productivité économique.
Un troisième avantage indéniable réside dans le fait que ces indiens qui
travaillent dans les services (puisqu’on se fiche des 700 millions des autres
dans leurs champs asséchés) parlent anglais naturellement. Pour la classe
moyenne indienne il s’agit même de la première langue. Effectivement, l’Inde
possède des dizaines de langues officielles, ainsi il est naturel pour un jeune
diplôme de parler anglais à la maison (avec les mariages arrangés leur père peut
parler Bengali, leur mère Kanada et les serviteurs Hindi). Même s’ils ont un
accent reconnaissable, ces millions de diplômes parlent anglais naturellement,
ce qui est un formidable atout dans la mondialisation (nos diplômes français ont
un retard certain dans ce cas).
Un dernier point représente un énorme avantage, même s’il n’est pas éthique.
Mais l’éthique existe t’elle dans la mondialisation libérale ? Les écarts de
richesse entre les individus assure un coût de la vie faible. Les centaines de
millions de pauvres tirent les prix vers le bas, ainsi il est quasi impossible
(même avec une bonne volonté) de réduire significativement ces écarts. Ce qui
assure un coût de la vie très bas pour longtemps. De ce fait le salaire d’un
ingénieur ne dépasse pas 600€ ce qui a le double avantage d’être compétitif
mondialement et de vivre véritablement comme un prince dans son pays, avec une
armée de domestiques.
On a donc vu que l’Inde est devenue le leader mondial des services, et qu’elle
s’en assure la pérennité. Le message que l’on nous livrait jusqu’alors face à la
montée du chômage ne tient donc plus. La qualification n’est plus un gage
d’emploi. La Chine est l’usine du monde, l’Afrique fournit les matières
premières et l’Inde fournit la matière grise à bas prix. Quels sont les
solutions pour garder nos emplois, existe il des secteurs à l’abri de la
concurrence mondiale de ces nouveaux pays riches mais pauvres ? La
qualification, donc la qualité du travail n’est plus notre spécialité, nos
infrastructures et nos systèmes sociaux sont un frein aux bénéfices et à
l’efficacité. Une restructuration de notre fonctionnement et de nos objectifs
s’impose, encore faut il accepter honnêtement nos points faibles et ne pas agir
uniquement au profit des grandes entreprises. L’avenir nous dira si la vieille
Europe peut être réactive ou si nous seront le 1/3 monde du XXIème siècle…
(Source :
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-delocalisation-en-inde-67445)