A la tête du premier groupe hôtelier du pays, Néji Mhiri gère plus de 20.000
lits répartis sur différentes villes du pays. Aujourd’hui, il ambitionne de
pousser sa chaîne plus loin. Alors qu’on l’attend dans la grande distribution et
dans le tourisme médical avec la construction de la clinique «Echiffa», il
persiste et signe dans l’investissement hôtelier et touristique.
Sortant d’un long silence, l’entrepreneur revient sur les problèmes du tourisme
et confirme son importance pour l’économie nationale. Entretien conduit par Amel
Djait.
Webmanagercenter : On vous accuse à tort ou à raison de contribuer à la «casse»
du tourisme tunisien. Vous en pensez quoi ?
Neji Mhiri : Je compte énormément d’amis parmi les gens de la profession et je
respecte tous les points de vue. Avec toute l’amitié et le respect que j’ai pour
les gens qui évoluent dans le secteur, je ne pense pas qu’un chef d’entreprise
qui a des coûts et des charges puisse se permettre de mettre en danger la
pérennité de son entreprise. Je ne travaille pas au pif. Je tiens une
comptabilité quotidienne en temps réel pour tout savoir sur l’état des 20.000
lits du groupe El Mouradi. Mes produits se vendent bien et mes structures
attirent les tours opérateurs. Les clients apprécient d’avoir un aussi large
choix de destinations et de produits. Ce ne sont pas mes prix uniquement qui
vendent. Question prix, je vends plus cher que ceux qui me critiquent. Je vous
défie de me trouver une structure à même de vous donner son chiffre d’affaires,
avec les charges et le CA, à la date d’hier.
Êtes-vous d’accord sur le fait que le tourisme tunisien se trouve dans une forme
de marasme ?
Absolument !
Que suggérez-vous pour en sortir ?
Améliorer l’administration du tourisme en changeant l’état d’esprit qui y règne.
Il faut mettre en place des méthodes plus modernes.
Seriez-vous de ceux qui appelleraient à la disparition du ministère du Tourisme
et à sa refonte en une structure privée/public plus moderne ?
Non, pas du tout. Il s’agit de mettre en place les compétences qu’il faut pour
redresser la situation générale. L’important est de construire une stratégie
claire et de s’y activer. Il faut revoir la promotion et opter pour une
publicité adéquate. Il est impératif d’accéder à la télévision. Nous en avons
les moyens. Les budgets sont là, il faut aller à l’essentiel et faire des choix
rapides.
Pensez qu’aujourd’hui la destination a davantage un problème de communication ou
de produit ?
Les deux à la fois. Il faut commencer par travailler à l’émergence d’un nouveau
management hôtelier. Il se doit d’être composé de gestionnaires, méthodiques,
audacieux et décidés à réussir dans leurs affaires. Le temps où l’hôtel était
conçu pour se payer des voyages et arnaquer la banque est révolu. Il n’est plus
d’actualité de s’inscrire dans le luxe superflu. L’Hôtellerie s’est
industrialisée dans le monde. Peut-être serait-il temps d’en prendre autrement
conscience !
Que faudrait-il faire face à l’endettement du secteur ?
Il faut assainir. Cela fait le plus grand bien au secteur et aux banques. La
phase d’accumulation est terminée. C’est la rentabilité qui prime.
Il n’est pas anodin que celui qui est à la tête du premier groupe du pays soit
gestionnaire et non hôtelier ?
Effectivement, je ne suis pas hôtelier. Je suis gestionnaire. Je n’ai jamais mis
les pieds dans une école hôtelière, mais plutôt dans une école de gestion. Je
gère des entreprises. Mon métier est de recruter les compétences, de leur donner
les moyens de travailler et de les entourer.
Restez-vous optimiste quant à l’avenir du secteur ?
Absolument. J’ai d’ailleurs reporté de quelques mois la construction et
l’acquisition de pas moins de cinq hôtels. Mon objectif est d’atteindre les
25.000 lits. Crise ou pas crise, c’est maintenant qu’il faut travailler.
D’ailleurs, je me souviens que c’est à l’époque de la guerre du Golfe que j’ai
racheté près de 10.000 lits.
Le secteur reste-t-il rentable selon vous ?
Le secteur est largement porteur. Que ceux qui ne l’ont pas compris arrêtent de
casser du sucre sur son dos. Le secteur est aussi un gros pourvoyeur d’emplois.
La destination Tunisie a encore de beaux jours devant elle. Il s’agit seulement
de changer de fusil d’épaule en revoyant le budget de la promotion. La
destination a besoin de 60 millions de dinars. Aujourd’hui, grâce au président
Ben Ali, nous avons un budget de 40 millions. C’est conséquent ! Il faut faire
au mieux, optimiser nos présences sur les salons et foires, apprendre à négocier
et travailler avec les tours opérateurs.
Quel est alors le défi majeur du tourisme tunisien ?
Travailler, faire travailler, anticiper, et se remettre à travailler. Arrêter de
parler et travailler. Assumer ses choix, gérer, cesser de se plaindre et
travailler.
La crise affecte- t-elle le groupe El Mouradi ?
Nous aurions pu faire +8% en 2009. A cause de la crise financière, nous avons
clôturé l’année à -1%.