Rentrées dans les moeurs, les 35 heures, qui fêtent leurs 10 ans, déchaînent toujours les passions

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ère secrétaire du Parti Socialiste (PS), Martine Aubry, s’exprime le 31 janvier 2010 à Paris. (Photo : Martin Bureau)

[01/02/2010 07:40:09] PARIS (AFP) Mesure phare de la gauche, la loi Aubry sur les 35 heures a dix ans d’application et, bien que rentrée dans les moeurs, elle suscite toujours autant de passions politiques, la droite réussissant à la détricoter sans l’abroger.

Pour nombre d’économistes, politologues et juristes, cette mesure dont les socialistes espéraient 700.000 emplois nouveaux, ne mérite ni excès d’honneur, ni indignité.

Selon l’Insee, la loi a abouti à la création d’environ 350.000 emplois entre 1998 et 2002, dont 150.000 sans doute dûs aux allègements de cotisations patronales et pesant sur les finances publiques.

Elle a aussi permis aux entreprises des gains massifs de productivité horaire, de 4% à 5%, et s’est accompagnée de modération salariale.

Elle n’a été “ni catastrophe, ni un miracle”, selon l’économiste Philippe Askenazy (CNRS), et parler d’un “carcan” est “exagéré”, remarquait en 2008 l’avocat conseil d’employeurs Jacques Barthélémy.

“Si le principe était si pernicieux, il devrait être pourtant facile d’y renoncer”, ironise d’ailleurs dans son récent ouvrage Lionel Jospin, désolé que “certains socialistes ne soient pas capables de défendre une réforme emblématique, positive”.

Elle n’a pas engendré le “chaos” promis par le Medef (patronat), très opposé dès l’origine aux 35 heures. Mais les experts s’accordent pour considérer que, selon les entreprises, la situation n’a pas été la même: celles où l’organisation du travail était déjà bonne, nourrie par un dialogue social dynamique, s’en sont mieux sorties.

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ée du temps de travail

Certaines catégories de salariés en ont également davantage profité, notamment les cadres, descendus dans la rue en 2008 pour défendre leurs RTT, et dont les revenus leur permettent de profiter du temps libre supplémentaire.

Certaines entreprises ont en revanche tout fait pour éviter d’embaucher, d’où des horaires plus stressants.

Dans le secteur public, il y a eu des milliers d’embauches à la SNCF, à la RATP mais pas assez à l’hôpital.

La loi a aussi introduit dans certaines usines une modulation des plages d’activité sur l’année, offrant une flexibilité appréciée des employeurs, que la droite a maintenu et permis d’amplifier avec sa réforme de 2008.

Quant au coût de la loi Aubry (10,5 milliards d’euros selon le rapport parlementaire Novelli de 2004), il est contesté par le PS (dix fois moins).

Les exonérations de cotisations de Sécurité sociale ont même ensuite été accrues, permettant des allégements à la fois au titre de la réduction du temps de travail et des heures supplémentaires.

Le débat reste cependant très vif entre les tenants du partage du temps de travail et ses détracteurs qui dénoncent une vision malthusienne de l’économie. Selon eux, plus on travaille, plus on gagne d’argent et plus cela donne du travail à d’autres.

Encore lundi, sur TF1, Nicolas Sarkozy a affirmé qu’il fallait “permettre aux gens de travailler davantage”, accusant les 35 heures de créer du chômage.

Une réforme de 2008 permet de revenir en arrière par des accords d’entreprise, possibilité encore peu exploitée par les employeurs.

Les 35 heures ne sont ni une durée maximale (elle est de 48 heures) ni obligatoire, elles correspondent au seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Certains secteurs ne sont jamais passés aux 35 heures, restauration, transport routier, bâtiment, ainsi que de nombreuses petites entreprises. En 2007, la semaine habituelle moyenne de travail à temps complet atteignait 39 heures 24, selon l’Insee.