Berlin tend la main aux fraudeurs qui rapatrieraient leurs fonds de Suisse

[03/02/2010 19:19:49] BERLIN (AFP)

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äuble, le 7 novembre 2009 en Ecosse (Photo : Geoff Caddick)

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a lancé un appel aux fraudeurs du fisc pour qu’ils se dénoncent, après avoir décidé d’acheter un disque contenant jusqu’à 1.500 noms de détenteurs de comptes en Suisse.

Après avoir annoncé mardi qu’il allait payer pour obtenir le précieux CD — 2,5 millions d’euros, selon la presse –, alors que le doute persiste sur le ou les établissements bancaires concernés, M. Schäuble compte sur l’effet “épée de Damoclès” pour inciter les contribuables malhonnêtes à faire le premier pas.

“Je ne peux que conseiller à quiconque pense avoir fraudé le fisc par le passé d’utiliser la possibilité de l’auto-dénonciation”, a déclaré le ministre conservateur dans les colonnes du quotidien régional Augsburger Allgemeine Zeitung de mercredi.

La manoeuvre aurait fonctionné en France, où l’an dernier le fisc dit avoir récupéré 700 millions d’euros de 3.500 évadés fiscaux repentis. Paris s’était aussi procuré auprès d’un informateur — pas le même, assure-t-il — une liste de 3.000 fraudeurs du fisc en Suisse, et avait incité les contribuables en infraction avec la loi à se dénoncer avant le 31 décembre plutôt que de s’exposer à des poursuites.

En cas de dénonciation, les intéressés doivent rembourser les sommes dues au fisc, mais ne sont pas punis en plus pour leurs méfaits.

“Il n’est pas encore trop tard pour se dénoncer”, expliquait le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung à ses lecteurs dès mardi, notant que cela risquait de ne plus valoir dès que le nom de la ou des banques concernée serait connu.

Selon le quotidien régional Rheinische Post, le nombre d’auto-dénonciations en matière fiscale a quadruplé entre 2008 et 2009 en Allemagne. L’achat par les services secrets allemands en 2008 d’une liste de noms en provenance du Liechtenstein, qui avait conduit à pincer un baron de l’économie allemande, le patron de l’époque de Deutsche Post, n’est pas étranger à cette évolution.

Les conseillers fiscaux observent d’ailleurs “un besoin croissant d’information” de la part de leurs clients ces deux dernières années, spécialement en matière d’investissements à l’étranger, analyse pour l’AFP Carsten Rothbart, juriste à la fédération allemande de ce corps de métier, besoin qu’il explique par “la chasse à la fraude” renforcée et “la prise de conscience qu’il ne s’agit pas de bagatelles”.

Le prédécesseur de M. Schäuble, le social-démocrate Peer Steinbrück, était parti en croisade contre l’évasion fiscale, se brouillant avec Vaduz et avec Berne. Les relations avec la Suisse sont d’ailleurs toujours tendues, et l’affaire en cours n’arrange rien. La Confédération helvétique a indiqué qu’elle ne coopérerait pas avec l’Allemagne quand il s’agira de poursuivre les fraudeurs sur la base de données volées.

Le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz a toutefois indiqué mercredi qu’il veut “poursuivre le dialogue”, notamment sur la convention contre la double imposition, qui doit permettre de mieux lutter contre l’évasion fiscale, même si le gouvernement helvétique “condamne” l’achat de données bancaires volées.

Le gouvernement allemand a pour sa part vite surmonté les réticences morales liées à l’origine des données, alléché par la perspective de mettre la main au collet de plusieurs centaines de fraudeurs.

Le gain escompté — de l’ordre de 100 millions d’euros, selon les estimations qui circulent — n’est toutefois sûrement pas le facteur déterminant. Ramené aux 212 milliards d’euros de recettes fiscales attendues cette année, ou même à un déficit budgétaire de 86 milliards d’euros, il pèse peu dans la balance.

Mais pour Mme Merkel et son équipe, c’est une question de principe. “Je suis, comme toute personne sensée, pour que l’on réprime la fraude fiscale, et dans ce but, il faut tout faire pour obtenir ces données”, avait déclaré en début de semaine la chancelière.