L’auto-entrepreneur séduit toujours plus, parfois au détriment des salariés

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é des PME, Hervé Novelli, le 3 février 2010 au Salon des Entrepreneurs à Paris (Photo : Eric Piermont)

[03/02/2010 15:59:00] PARIS (AFP) Plus d’un an après son lancement, le statut de l’auto-entrepreneur rencontre toujours un vif succès et contribue à doper les chiffres de la création d’entreprises, mais certains patrons, en l’imposant à leurs salariés, créent une nouvelle forme de précarité.

Le ministre chargé des PME, Hervé Novelli, a exprimé mercredi sa “très grande fierté de voir qu’en des périodes difficiles, des centaines de milliers de Français, ont saisi le droit d’entreprendre”, lors du salon des entrepreneurs qui se tient à Paris.

L’an dernier, sur 581.000 entreprises créées en France – un nouveau record- 320.000 l’ont été sous le statut de l’auto-entrepreneur.

Entré en vigueur le 1er janvier 2009, il permet aux salariés, chômeurs, retraités ou étudiants de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour accroître leurs revenus, avec des démarches simplifiées et un régime fiscal avantageux.

L’auto-entrepreneur ne paye en effet d’impôts et de cotisations sociales qu’en cas d’activité effective sous forme de chiffre d’affaires.

“Beaucoup veulent réaliser le rêve de leur vie”, avance Monique Sentey, de l’Union des auto-entrepreneurs. “Dans de nombreux cas, cela redonne de l’emploi à des chômeurs, tout en répondant à une demande et en créant du lien social”. Et de citer cet auto-entrepreneur, qui a eu l’idée d’accompagner des personnes âgées pour fleurir des tombes dans les cimetières.

Pour Sandrine et Christian, en couple et tous deux agents RATP, ce statut devrait leur permettre de créer chacun une entreprise sans prendre trop de risques : un atelier de restauration de motos anciennes pour lui, une activité de location de roulottes pour elle.

“On veut surtout gagner en qualité de vie et en autonomie”, assurent-ils.

Mais, détourné de sa vocation première, le statut risque parfois de se retourner contre les travailleurs.

“Nous sommes confrontés à des situations où des employeurs demandent à leurs salariés de s’installer à leur compte, en tant qu’auto-entrepreneurs, et de continuer à travailler pour eux”, relate Jean-François Delost, responsable de la législation à l’Urssaf d’Amiens.

Le chef d’entreprise n’a alors plus à payer de cotisations sociales, tandis que l’ex-salarié peut travailler pour lui autant d’heures qu’il le souhaite. Mais il perd du même coup toutes les garanties attachées au contrat de travail, notamment le droit aux allocations chômage ou les congés payés.

Certains secteurs, comme le bâtiment, sont particulièrement exposés à une telle dérive : “On reçoit de plus en plus de courriers de salariés qui demandent quels seraient leurs droits s’ils s’installaient en tant qu’auto-entrepreneurs et devenaient sous-traitants de leurs patrons”, note Patrick Liebus, vice-président de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et président de l’Urssaf de l’Ain.

Or, outre la perte de leurs avantages sociaux, ils risquent gros : l’employeur peut en effet rompre à tout moment le contrat de prestation de services qui les lie, les privant ainsi de revenus.

“Bien souvent, ils n’ont pas le choix, c’est ça ou la porte”, relève Patrick Liebus.

“On recrée de l’esclavage moderne”, affirme sans ambages Jerry Gras, patron d’une entreprise de génie climatique dans le Loiret. “Que se passe-t-il si l’auto-entrepreneur subit ou créé un dommage ? Est-il bien assuré ?”, s’inquiète-t-il par exemple.

Face à ces risques, “la répression des fraudes sera très attentive”, promet Hervé Novelli, pour qui “le succès du statut l’emporte sur telle ou telle dérive”.