La contre-attaque du vin bordelais face à la chute des prix aux Etats-Unis

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à Martillac de grains de raisin. (Photo : Jean-Pierre Muller)

[06/02/2010 11:45:50] BORDEAUX (AFP) Les viticulteurs et les négociants bordelais resserrent les rangs pour maintenir leur pré carré sur le marché américain, l’un des premiers à l’exportation, après la défection de leur plus gros client.

Après 35 ans de prédominance dans les vignobles bordelais, Diageo Chateau & Estate Wines (DC&E), filiale américaine du numéro un mondial britannique des spiritueux Diageo, a déserté la place, liquidant ses énormes stocks d’invendus, avec des rabais de 40 à 60%.

“DC&E a encore des stocks énormes –des milliers de caisses, toujours sur le marché américain, suspendus au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès”, explique à l’AFP Guillaume Touton, un importateur bordelais installé à New York.

“Nous sommes dans une situation très périlleuse”, ajoute le dirigeant de Monsieur Touton Selections.

Certains viticulteurs ont pris la décision sans précédent de racheter leur propre vin.

“Quand la décision de DC&E de tout arrêter et de liquider ses stocks a été officielle, nous avons immédiatement (…) dit que nous voulions reprendre notre vin”, se rappelle Jean Merlaut, propriétaire de Château Gruaud Larose.

Fin décembre, 2.700 caisses de Gruaud Larose, sur 15 millésimes, sont retournés au Château.

“Les grands crus ne se vendent pas directement, nos clients sont les négociants”, explique M. Merlaut. “Je préfère contrôler la situation pour que nos clients ne se retrouvent pas en concurrence avec des vins déstockés”.

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Vue d’un verre de vin de Bordeaux, le 26 mars 2009. (Photo : Jean-Pierre Muller)

D’autres vins ont aussi fait le voyage retour, comme Château Greysac, Château Simard ou le prestigieux Petrus, propriété de la famille Moueix.

“C’était la meilleure chose à faire”, a commenté M. Touton, “Petrus est exceptionnel. Il faut le protéger et le contrôler”.

Des négociants ont aussi acquis pour des millions de dollars de vin déstocké. “Nous avons acheté à DC&E une quantité importante de vin que nous suivons de près”, a indiqué Georges Haushalter, directeur général de La Compagnie Médocaine des Grands Crus.

Trois d’entre eux, la Compagnie Médocaine, Joanne Bordeaux et Diva rivalisent pour récupérer la place abandonnée par DC&E.

Vignobles Internationaux, le négociant de DC&E, était le 14e exportateur de vin de la place de Bordeaux.

“Nous avons toujours été intéressés par cette opportunité mais jusqu’à présent, cela ne valait pas la peine” en raison de l’omniprésence de Diageo, souligne David Milligan, président de la toute nouvelle société Joanne Bordeaux USA, qui a fait ses premières ventes lundi.

Sur ses talons, la Compagnie Médocaine vient de signer un partenariat avec le spécialiste américain des grands crus Frederick Wildman. Comme Joanne, elle utilisera ses stocks de Diageo pour se lancer au 1er mars. Simultanément, Diva installe en Californie une entreprise d’importation et distribution pour l’ensemble du territoire américain.

Mais les rabais monumentaux pratiqués par DC&E restent un casse-tête.

“J’ai pour cinq millions de dollars de premiers crus, je ne peux pas vendre une seule bouteille”, explique M. Touton.

“Cela prendra du temps pour écouler le surplus”, explique Chris Adams, Pdg du caviste américain Sherry Lehmann. “Dans cette économie, les prix devaient dégringoler”, souligne le dirigeant qui a commencé l’année par des soldes monumentales de vin déstocké.

D’aucuns affirment que tous les invendus de Diageo ont été liquidés sur le marché américain. Mais un porte-parole du groupe a indiqué à l’AFP que DC&E allait écouler au 1er mars sa dernière cargaison de Bordeaux du millésime 2007. “Cela va être une catastrophe”, prédit M. Touton.