Attaqué de toutes parts, l’euro n’a aucune peine à contenir la vague spéculative
la plus importante en ses douze ans d’existence. Les marchés ont parié sur son
recul. En passant sous la barre de 1,40 la monnaie unique perd la première
manche face à son compétiteur de toujours mais ne dégringole pas. L’euro plie
mais ne casse pas. Ce sont 8 milliards de dollars qui ont été engagés dans ce
banco hostile. On parle de 40.000 contrats à terme anticipant sur le repli de
l’euro. C’est chose faite à présent, mais pas dans les proportions souhaitées
par les cambistes, lesquels ont d’ailleurs reçu un coup de main, de dernière
chance de la part d’Alan Greenspan, l’ex-gouverneur de la Fed.
Alan Greenspan sort du bois : Mister Alan, docteur Greenspan
Il était facile pour Alan Greenspan de noircir le tableau et savonner la planche
pour l’euro. La correction technique des places boursières avec -8% sur un mois,
l’a aidé. La rumeur d’une réglementation bancaire américaine l’a également
servie. La restriction du crédit aux particuliers en Chine a joué. Et, cerise
sur le gâteau, le risque de défaut souverain de la Grèce plombée avec 294
milliards d’euros et qui ne peut plus s’endetter pour payer. La physionomie
d’ensemble est maussade. Le marché action recule, une reprise américaine à
l’étiage, des importations chinoises bridées et l’Europe minée par les
contreperformances de ses membres devraient normalement enfoncer l’euro. Le
scénario du pire ne s’est pas vérifié.
L’UE fait bloc
Alan Greenspan oublie d’abord qu’il traîne bien des casseroles dont celle des
subprimes dont il a favorisé l’explosion en comprimant le taux d’intérêt aux
Etats–Unis à 1%. Il a donc un «casier» financier qui invalide son flair et son
diagnostic. L’Europe a politisé le problème, et face à des couacs financiers et
économiques, elle réunit un sommet des chefs d’Etat, ce jeudi 11 février 2010.
Non seulement elle est déterminée à soutenir la Grèce défaillante, mais en plus,
elle veut rappeler que l’euro est son drapeau.
Eviter «l’humiliation»
La Grèce est dans de mauvais draps. Mais l’Europe est déterminée à l’aider à la
sortir d’affaire. Elle refuse d’appeler le
FMI à son chevet. Jean Claude
Trichet, gouverneur de la BCE, y voit une «humiliation» et l’a annoncé
publiquement. Un plan d’austérité, fût-il échafaudé, avec des hypothèses
discutables de l’avis des experts, sera appuyé sinon par une initiative commune
du moins par des mécanismes bilatéraux.
Les menaces latentes qui pèsent sur les finances publiques de l’Espagne et du
Portugal seront traitées, si elles viennent à se manifester de la même façon.
Nous le croyons. L’Europe prend l’affaire à bras le corps. Elle persiste et
signe à apporter une riposte politique à un problème financier. C’est bien ce
qui donne toute sa force au sommet de ce jeudi.
Les mauvais calculs des marchés
L’Europe traverse, à n’en pas douter, une épreuve difficile. Mais sa monnaie
durement challengée en sortira grandie. Parce qu’un
dollar fort tire vers le
haut le yuan chinois. Or cette perspective arrange les exportations européennes
et, in fine, ses finances publiques.
La levée de bouclier de l’UE est aussi un bon signe parce qu’elle va constituer
une protection inattendue pour la reprise économique. Et cette initiative est à
l’avantage des pays émergents et en développement, y compris bien évidemment la
Tunisie. Outre qu’elle constitue un signal fort à tous pour prouver que l’UE
possède une monnaie «salubre» et stable non habitée par le virus de la
volatilité comme le dollar.
De plus, en soutenant la Grèce, l’Europe prouve qu’elle est constante dans sa
solidarité. Elle a bien fait rentrer la Grèce dans le premier wagon de l’euro
alors qu’elle ne remplissait pas tout à fait les critères de convergence. Le
slogan unanime à l’époque était que: «On ne fait pas attendre la patrie de
Platon». Et maintenant qu’elle est dans la mélasse, elle ne l’abandonne pas. Un
message fort.