Le Japon dépassé mais aussi entraîné par la croissance chinoise

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à Tokyo, en mars 2009. (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[14/02/2010 08:32:49] TOKYO (AFP) Le Japon est sur le point d’être détrôné par la Chine au rang de deuxième économie mondiale, un camouflet national certes, mais pas une si mauvaise nouvelle pour ce pays à la croissance anémique qui bénéficie du dynamisme du géant chinois et de l’afflux de ses touristes.

Shi Minfei, une étudiante de Shanghaï, est venue faire du shopping à Tokyo, un domaine où la capitale nippone garde une longueur d’avance, selon elle. Vêtements, chaussures, sacs à main et produits de beauté, Mlle Shi a dépensé la bagatelle de 300.000 yens (2.400 euros) pendant son séjour.

Les touristes chinois comme elle, de plus en plus nombreux à faire le voyage, sont du pain béni pour l’économie japonaise, affaiblie par deux décennies de croissance poussive et de déflation à la suite de l’éclatement d’une bulle financière et immobilière au début des années 90.

Les statistiques officielles attendues lundi devraient confirmer le recul brutal de la croissance en 2009 au Japon, avec un recul probable de 6% du PIB, mettant en péril son rang de deuxième puissance économique mondiale.

Le revenu annuel moyen d’un travailleur chinois en zone urbaine n’a atteint l’an passé que 2.200 euros, contre 35.000 euros pour un salarié japonais. Mais même si le Japon conserve encore sa place pour 2009, il est inévitable, selon les économistes, qu’il se fasse dépasser très bientôt par la Chine, avec ses 1,3 milliard d’habitants et sa croissance frôlant les 10%.

La fierté nationale des Japonais pourrait en souffrir, mais le pays serait dans une situation autrement plus difficile sans le boom de la Chine, devenue son premier partenaire commercial devant les Etats-Unis.

Les constructeurs automobiles nippons sont heureux de trouver à leur porte un marché en pleine expansion, au moment où la demande des pays développés – Amérique du Nord, Europe et Japon – peine à redécoller, et de nombreux groupes industriels japonais ont ouvert des usines en Chine, où ils bénéficient de bas coûts salariaux.

“Avec sa population vieillissante, le Japon ne peut espérer une reprise de sa demande intérieure”, explique Hiromichi Shirakawa, économiste en chef pour le Japon au Crédit Suisse. “Le Japon doit s’en remettre aux exportations pour limiter son déclin économique. Ses perspectives seraient bien pires sans la Chine”.

Désireuses par ailleurs de renforcer l’attrait touristique de l’archipel, les autorités nippones ont décidé, depuis juillet, d’accorder des visas individuels aux Chinois qui devaient, jusque-là, obligatoirement venir en voyages organisés.

Le nombre de visiteurs étrangers a chuté l’an dernier à 6,79 millions, soit une baisse de 18,7%, la plus forte en près de 40 ans, à cause de la récession mondiale, la vigueur du yen et l’épidémie de grippe H1N1. Mais le nombre de touristes chinois a lui augmenté, passant pour la première fois le cap du million.

Les agences de voyage font tout pour attirer les voisins chinois, en proposant notamment des séjours touristiques agrémentés de soins de beauté et du corps.

L’une d’elle propose ainsi une formule d’une semaine pour deux personnes, avec étapes dans des hôtels de luxe et dépistages du cancer dans un hôpital de pointe, le tout pour un million de yens (8.000 euros).

Il se pourrait toutefois qu’un jour, les Chinois ne viennent pas que pour faire les magasins.

“Dans la prochaine décennie, le jour viendra où des entreprises chinoises achèteront des sociétés japonaises ou que des fonds chinois s’empareront de propriétés au Japon. Les Japonais pourront-ils l’accepter ?”, s’interroge M. Shirakawa.