Le groupe BKC, repreneur d’Heuliez, vacille après ses acquisitions à tout-va

photo_1266335429821-1-1.jpg
à Mulhouse de l’enseigne du groupe textile DMC dans les locaux du groupe. (Photo : Frederick Florin)

[16/02/2010 15:53:06] PARIS (AFP) Salaires impayés dans une petite société du Havre, inquiétudes chez DMC dans l’Est et énorme point d’interrogation sur l’avenir d’Heuliez: le groupe BKC, qui a récemment multiplié les acquisitions dans l’industrie, vacille à quelques jours de son introduction en Bourse.

“Parfois, certains salariés ne savent pas le matin s’ils vont pouvoir travailler”, a affirmé à l’AFP Gilles Bineau, délégué syndical CFDT chez Heuliez, l’équipementier automobile de Cerizay (Deux-Sèvres).

Les fonds manquent pour payer les fournisseurs et “même pour le papier toilette, ça nous pose problème”, a-t-il ajouté.

Comme en écho, environ 200 salariés d’Isotherma, spécialisée dans la maintenance industrielle et elle aussi reprise par Bernard Krief Consulting (BKC), ont manifesté mardi au Havre (Seine-Maritime) pour réclamer le paiement d’arriérés de salaires. “Aujourd’hui l’entreprise n’a plus de trésorerie”, selon le délégué CGT André Fouque.

Même chose chez SAIC-Velcorex Concord (Haut-Rhin), qui regroupe les tissus DMC et les magasins de meubles Authentica, placés en redressement judiciaire à la fin janvier. “Ca se dégrade à vitesse grand V. BKC n’a toujours pas mis d’argent dans la société”, affirme à l’AFP Joseph Grunenwald, secrétaire CFTC du comité d’entreprise.

Selon lui, la société ne peut plus payer ses fournisseurs et donc fournir ses clients. “Pourtant le carnet de commandes est plutôt bien rempli. Mais l’usine est bientôt à l’arrêt par manque de matières premières”, explique-t-il.

photo_1266335512370-1-1.jpg
és de l’équipementier automobile Heuliez, le 14 avril 2009 à Niort. (Photo : Alain Jocard)

Certains salariés espèrent désormais que l’introduction en Bourse de la holding de BKC, Krief Group, apportera de l’argent frais: prévue vendredi, elle ne porte dans un premier temps que sur 12.500 actions (sur un capital de 10 millions d’actions) à 4 euros, soit un montant de… 50.000 euros.

Ces dernières années, Louis Petiet, le patron de BKC et élu local UMP, a totalement bouleversé le cabinet de conseil, où travaillait notamment l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, en se lançant dans l’acquisition de 35 sociétés, dans l’industrie ou les médias, avec un total de 3.500 salariés.

A chaque fois, il profite de leurs difficultés pour les racheter à moindre coût et revendique la même méthode: aller sur des “micro-niches à forte valeur ajoutée” et une organisation “low cost”. “Tout ce qui ressemble à un état-major, on essaie de le foutre dehors”, expliquant récemment M. Petiet.

Défenseur du “patriotisme industriel”, l’ancien consultant a aussi une conception toute particulière de l’investissement qu’il doit apporter. “Les fonds propres, c’est l’euthanasie. (…) On ne doit pas être la source majeure des fonds propres”, selon M. Petiet, qui dit multiplier les partenariats avec des groupes étrangers.

Mais, au final, alors que BKC pouvait jusqu’à il y a peu de temps faire figure de sauveur de l’industrie, il a “aujourd’hui perdu toute crédibilité”, selon une source proche du dossier. “Le défaut majeur de BKC c’est qu’il n’a pas de fonds propres. C’est un avatar très atypique qui n’existe qu’à cause de ce contexte très particulier qu’est la crise”, a-t-elle ajouté.

Mardi, Louis Petiet n’était pas joignable, pour cause de déplacement à Abou Dhabi, a indiqué BKC à l’AFP.

D’après une source judiciaire, il est désormais peu probable qu’un tribunal de commerce désigne BKC comme repreneur d’une entreprise. D’autant qu’il pourrait très prochainement devoir renoncer à Heuliez.

La “négociation est sur le point d’aboutir”, a affirmé mardi le ministre de l’Industrie Christian Estrosi, rappelant qu’il “discutait avec six repreneurs potentiels (…) en remplacement total de BKC qui ne respecte pas ses engagements”.