Tout comme l’industrie n’a entamé sa mise à niveau qu’après l’amorce de la
libéralisation des échanges de produits industriels avec l’Union européenne,
l’agriculture s’apprête à lancer le chantier de la modernisation de ses
structures et méthodes, parce que la Tunisie négocie depuis peu l’extension de
la
zone de libre-échange avec son partenaire européen aux produits agricoles.
Mais si la Tunisie a été le premier pays de la rive Sud de la Méditerranée à
signer un tel accord avec le mastodonte européen, il n’en sera pas de même avec
l’agriculture, avertit M. Abdessalem Mansour, ministre de l’Agriculture, de la
Pêche et des Ressources hydrauliques. «Nous avons déjà eu deux rounds de
négociations et un troisième doit avoir lieu à Bruxelles avant la fin du mois.
Mais nous ne sommes pas pressés et nous nous soucions d’abord de l’intérêt de la
Tunisie», a annoncé M. Mansour, mardi 16 février, lors d’un débat sur
l’agriculture avec les députés.
Une attitude prudente qui s’impose pour deux raisons. D’abord,
l’agriculture est devenue, comme l’a rappelé M. Foued Mebazaa, président de
la Chambre des députés, «un secteur stratégique prometteur contribuant d’une
manière croissante au développement du Produit intérieur brut (PIB), au
renforcement de l’effort national en matière d’exportation et à la création
d’emplois». Ensuite, ce secteur est confronté à de nombreux problèmes qu’il
faudra résoudre si l’on veut que l’ouverture envisagée ne tourne pas à la
catastrophe. Et que les autorités, déterminées à prendre le taureau par les
cornes, ont décidé d’attaquer de manière plus radicale que par le passé.
Sur deux de ces dossiers épineux et importants –pour ne pas dire décisifs- pour
l’avenir de l’agriculture tunisienne, le gouvernement va bénéficier de
l’assistance et de l’appui de la Banque mondiale. Le premier dossier est celui
de l’endettement –endémique- des exploitants agricoles et qui, suite à une
décision prise en mai 2009, fait actuellement l’objet d’une étude menée en
collaboration avec la Banque mondiale. A laquelle «nous avons demandé de nous
faire bénéficier de l’expérience de pays» ayant réussi à résoudre ce problème,
indique le ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la
Pêche, qui a eu la semaine dernière un entretien à ce sujet avec une délégation
de la Banque mondiale. Cette première étude sera prête avant la fin de l’année.
La deuxième portera sur la création d’un
label pour l’agriculture tunisienne et
sera menée également en partenariat avec la même institution.
Mais l’agriculture tunisienne est également à des problèmes plus sérieux qu’elle
essaie de solutionner avec ses propres moyens, comme le morcellement des
exploitations, le faible niveau éducatif et le vieillissement de la population
des exploitants (83% ont un niveau primaire, et seulement 3% ont une formation
universitaire, et leur moyenne d’âge est de 55 ans).
Pour régler le premier problème, le gouvernement, comme l’a rappelé le ministre,
préconise non la propriété collective des terres mais leur exploitation commune.
Pour le second, le salut de l’agriculture passe par le rajeunissement que les
autorités s’emploient à favoriser l’«injection» de jeunes, notamment diplômés de
l’université, dans le circuit agricole.