Décès McQueen : la survie d’une griffe, une question éprouvée dans le passé

[17/02/2010 11:22:29] PARIS (AFP)

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à l’issue de son défilé automne-hiver 2008-2009 le 29 février 2008 à Paris (Photo : François Guillot)

La griffe Alexander McQueen peut-elle survivre au décès de son créateur? Dans le passé, d’autre maisons comme Dior, Chanel ou Yves Saint Laurent ou Givenchy ont du apprendre à vivre sans le fondateur qu’il soit décédé ou parti, avec des réussites diverses.

Le styliste britannique a été retrouvé mort le 11 février. Il s’est suicidé par pendaison dans un dressing, après avoir laissé une note écrite.

L’avenir de sa griffe sera évoqué jeudi lors de la présentation des résultats annuels de PPR, le groupe de luxe qui contrôle Gucci group, et dont la maison Alexander McQueen fait partie depuis 2001.

Alexander McQueen c’est aujourd’hui 11 boutiques en propre, de New York à Londres, et 180 employés dans le monde. Selon le groupe, la griffe est devenue rentable en 2007 mais son poids dans l’ensemble n’a rien à voir cependant avec les deux marques phares du groupe: Gucci et Yves Saint Laurent.

La question de la continuité, récurrente dans l’histoire de la mode, se pose d’autant plus, selon des spécialistes, que le créateur avait développé sa maison il y a une dizaine d’années seulement.

“Christian Dior est mort dix ans après la fondation de sa maison mais il avait, pendant cette courte période, construit un véritable empire et sa notoriété était mondiale”, déclare à l’AFP Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po.

“En 1957 lors de son décès, Christian Dior était devenu synonyme dans le monde entier de haute couture”, résume l’historienne de la mode Florence Muller.

Or là, “malgré sa notoriété, Alexander McQueen avait encore un statut de maison en devenir, ce qui rend la situation de sa maison plus fragile, plus difficile”, ajoute-t-elle.

Un professionnel de la mode qui a requis l’anonymat estime que pour perdurer, une griffe doit combiner “un héritage stylistique suffisamment précis comme Chanel avec son tailleur, ses perles et camélias, etc, et un héritage stylistique reconnaissable par les gens”.

Concernant McQueen, les codes ne sont pas suffisamment précis mais “son héritage émotionnel gothique, baroque, noir est suffisamment intense pour autoriser un successeur à s’en servir pour rebondir”, juge-t-il.

Pour Chanel, rappelle Serge Carreira, “il a fallu attendre l’arrivée de Karl Lagerlfeld en 1983 pour que la maison trouve un nouveau souffle” après le décès de Coco en 1971.

De même, l’arrivée de John Galliano a réveillé Dior, “endormi pendant 40 ans” après le départ d’Yves Saint Laurent, ajoute-t-il.

Plus récemment, Givenchy — où McQueen a oeuvré un temps –, Kenzo, Helmut Lang, Jil Sander etc, sont autant de griffes qui ont du faire face au départ du créateur suite à des rachats. Sans parler du styliste américain Tom Ford, qui a fait revivre Gucci, mais moins séduit chez Saint Laurent.

McQueen “est une jeune griffe qui, même si son patrimoine est d’une richesse extrême, n’a pas vraiment de produit icône”, remarque Serge Carreira, dans un monde du luxe où parfums et sacs sont hautement plus rentables que la couture.

Quand on achète du Gaultier, du Rykiel ou du McQueen “on achète une part de l’univers et de la personnalité du créateur (..) Un lien qu’on n’a pas avec une marque même si le directeur artistique est un pur artiste comme John Galliano. Quand on est chez Dior, c’est la marque qui prime”, dit encore Florence Muller.

Les successeurs doivent “veiller à la cohérence et à l’intégrité de la griffe”, assure M. Carreira qui cite en exemple le travail du créateur belge Raf Simons chez Jil Sander.

Mardi soir, Gucci group a souligné le “talent fou” de l’équipe londonienne du couturier “dont Lee était extrêmement fier, et nous aussi”. Comme un début de réponse peut-être.