Faut-il, ou pas, obliger les dirigeants d’entreprises tunisiens à révéler le
montant de leur rémunération ? Près d’un an après l’amendement du Code des
sociétés commerciales –inspiré, selon M.Ahmed Ouerfelli, juge chercheur au
Centre des Etudes Juridiques et Judiciaires-, notamment des expériences
française et canadienne- pour y introduire des dispositions imposant aux
entreprises de dévoiler les salaires de leurs dirigeants, le monde
entrepreneurial est profondément divisé sur la question, ainsi que l’a démontré
le Workshop sur «la rémunération des dirigeant sociaux», organisé mercredi 17
février 2010 par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE). Même le
président de Poulina Group Holding (PGH) semble avoir changé d’avis à ce sujet.
Premier patron à avoir révélé son salaire,
M.Abdelwaheb Ben Ayed déclare
aujourd’hui qu’il regrette de l’avoir fait car, explique-t-il, «il semble que
j’aurai pu l’éviter ». «Les dirigeants d’entreprises peuvent ne pas révéler leur
rémunération aux commissaires aux comptes et il ne leur arrivera rien. Par
contre, ces derniers auront des problèmes ».
Mais l’impunité n’est pas la seule ni la principale raison du revirement du
patron de
PGH. Pour lui, révéler le salaire du premier responsable «ce n’est pas
de la transparence. “La vrai transparence c’est rapporter la masse salariale aux
bénéfices pour en tirer un ratio significatif », propose M.Abdelwaheb Ben Ayed.
Qui pense que la loi «doit insister plus sur la bonne gouvernance que sur la
rémunération des dirigeants ».
Un avis partagé par
M.Slaheddine Laadjimi, directeur général de la BIAT, et
M.Férid Kobbi, nouveau président du Conseil du Marché Financier. «Révéler le
salaire d’un dirigeant n’ajoute rien à l’information financière sur une société.
En outre c’est une intrusion dans le domaine privé. La solution c’est de
déclarer les salaires des principaux dirigeants, sous forme de ratio comme l’a
proposé M.M.Abdelwaheb Ben Ayed. Cela peut être un début », suggère le directeur
général de la Banque Internationale Arabe de Tunisie (BIAT).
L’exécutif de la première banque privée du pays rappelle la diversité des
expériences dans ce domaine. Ainsi si en France «il a fallu du temps pour que
les gens acceptent de révéler leurs salaires », en Allemagne la loi n’oblige pas
les entreprises à communiquer sur ce sujet. «Le législateur (tunisien, (ndlr)
aurait du tenir compte de cela », observe-t-il.
Ahmed Ben Jemaa est, lui, d’un tout autre avis. L’analyste financier qu’il est
–directeur général de
Smart Finances-, tout en admettant que «la rémunération
n’est pas la question posant problèmes”, y compris sur la rémunération des
dirigeants, trouve exagérées les craintes que la nouvelle loi inspire. «Quand
bien même les gens seraient au début choqués par le montant en valeur absolue
des salaires, les choses finiront par rentrer dans l’ordre ».
D’ailleurs des statistiques produites par Ahmed Ben Jemaa, concernant le secteur
du leasing, confirment les conclusions d’une enquête de Sigma Conseil, le bureau
d’études de
Hassan Zargouni : «le niveau des salaires des dirigeants en Tunisie
est globalement loin d’être scandaleux ». A titre d’exemple, «les salaires les
plus importants dans les sept sociétés de leasing ayant lancé des emprunts vont
de 100.000 à 370.000 dinars, soit 2% en moyenne du produit net –l’équivalent du
chiffre d’affaires dans l’industrie- et près de 10% de la masse salariale,
indique le directeur général de Smart Finances.
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