A l’heure où en France, les études se réjouissent d’un secteur d’activité qui
est parmi les rares à connaître la croissance durant l’année 2009, en Tunisie,
les transactions électroniques se résument aux inscriptions universitaires
(obligatoirement) payées à distance et aux bouquets de fleurs achetés chez La
Poste par les résidents tunisiens à l’étranger pour leurs proches.
Pas plus tard que cette semaine, Ernst & Young publie son troisième rapport
annuel comparant les 15 premiers sites marchands en France. Les noms de ces
acteurs associent aussi bien des géants de la distribution conventionnelle tels
que Fnac ou La Redoute, mais également des «pure players*» comme
vente-privee.com. Les critères de comparaison se situent autour de l’ergonomie,
du référencement, du net marketing, de la convivialité et du… commerce en ligne
!
En résumé, s’il n’y avait qu’une phrase à retenir, ce serait qu’il ne suffit pas
d’avoir une interface de paiement pour vendre sur internet. Et en effet, si en
Tunisie, on cible le développement des moyens de paiement comme solution pour
faire émerger enfin le secteur du
commerce électronique, il restera nombreux
autres écueils à dépasser.
Tout d’abord, et ce n’est pas un écueil, mais plutôt un fait positif et porteur
d’espoir, la pénétration d’internet en Tunisie est en phase d’avoir des taux
dignes des pays occidentaux. L’ADSL se développe à grande vitesse, le débit
augmente petit à petit, et la venue d’un concurrent direct à Tunisie Telecom ne
peut que nous laisser espérer un développement encore plus rapide du nombre
d’internautes et des vitesses de connexion. Cette dernière est synonyme de
contenu plus interactif et de convivialité plus accrue des sites internet.
La première condition, à savoir le développement du haut débit, étant en bonne
voie d’être remplie, reste à voir comment nos internautes paieront leurs
transactions. L’expérience du e-dinar de La Poste montre clairement qu’acheter
une carte prépayée et à durée de validité limitée n’est pas le meilleur moyen
pour faire ses achats en ligne. Autant aller directement chez le commerçant
acheter le produit, ou lui envoyer un mandat, justement chez La Poste.
La deuxième solution tentée par certains commerçants est le paiement à la
livraison. Cette solution existe en Europe, et ce sont les différents organismes
des postes nationales qui gèrent ces transactions pour le compte du commerçant.
En Tunisie, certains commerçants «virtuels» de proximité s’essaient à cette
pratique (livrer une pizza grâce à internet ou des DVD piratés, etc.). C’est un
moyen de cibler un public «branché» et d’essayer de développer un marché où La
Poste est aussi un acteur majeur, à savoir la livraison.
La livraison, c’est justement le deuxième et sûrement le nerf de la guerre.
Aujourd’hui, une grande majorité des Tunisiens ne peut être livrés chez soi,
faute de modernisation de la Poste.
Pourtant, dans de nombreuses villes, des marchés ont été attribués il y a plus
de dix ans afin de diviser les villes en secteurs et de donner et afficher des
noms à des rues qui n’en avaient pas. Aujourd’hui, ces plaques qui affichent des
noms de personnages ayant souvent marqué l’histoire de la Tunisie ont été usées
par le soleil, et si l’on ne met pas en cause ces noms, on espère qu’ils
seraient prochainement inscrits sur les enveloppes. On espère aussi qu’avec ça,
La Poste mettra en place le suivi du courrier pour que l’internaute ayant acheté
sur internet puisse suivre la livraison de son colis, et d’aller le récupérer à
La poste, ou pourquoi pas, chez le commerçant relais : nom très chic attribué en
France à l’épicier du coin ! Autant dire que nous avons eu cette idée ingénieuse
bien avant les autres. Il faudrait cependant que l’internaute soit informé, dans
sa boîte à lettres et dans le suivi de son colis que le facteur est passé et que
son colis est chez tel commerçant !
Epingler La Poste n’est pas l’objectif de cet article. Cette entreprise, même si
elle affichait clairement au début des années 2000 ses intentions de
développement autour des services monétiques et financiers, se tourne
aujourd’hui plus vers son créneau historique, en essayant de développer ses
services de livraison auprès des professionnels. Les services aux particuliers
ne sauraient tarder. La dynamique de développement de ses services reste
toutefois à afficher.
La troisième condition de développement du commerce en ligne, c’est le
développement des moyens de paiement. Là, même si les causes sont bien
identifiées par les tutelles, l’effort reste à soutenir, et trois axes de
travail doivent être envisagés avec autant d’efforts : Le premier cible les
consommateurs, en leur donnant les moyens d’accéder aux moyens de paiement
électroniques, à savoir les cartes à puces type Visa et MasterCard, à des
conditions tarifaires acceptables, voire réduites pour les inciter à abandonner
les billets. Le deuxième axe étant les commerçants, les mécanismes d’incitation
consistent notamment à leur accorder des conditions tarifaires acceptables sur
les frais de mise en service et de certification des plateformes de paiement en
ligne, ainsi que les commissions prélevées sur les transactions. Ces conditions
sont en effet souvent dissuasives, notamment pour les premiers entrants qui
espèrent se positionner sur un marché où la rentabilité ne peut être espérée
qu’à long terme dans les conditions actuelles. Enfin, la troisième condition de
développement étant la convertibilité de la monnaie, synonyme d’un marché plus
grand pour les commerçants et pour les consommateurs. Cette condition peut être
perçue comme un luxe, elle reste cependant une condition essentielle pour voir
émerger de vrais acteurs de commerce en ligne, et que les acteurs de ce secteur
ne se résumeraient pas à des TPE.
Ainsi, dans les conditions actuelles, deux acteurs tirent leur épingle du jeu :
La Poste qui se positionne sur tous les maillons de la chaîne de valeur :
marchandise (fleurs notamment, qui restent le seul produit «matériel» vendu sur
le net, mais ne représentent toutefois qu’une goutte d’eau comparé aux activités
de La Poste), moyens de paiement (e-dinar), plateforme de paiement (plateforme
propre e-dinar) et la livraison.
Dans une moindre mesure, le deuxième acteur, ou plutôt les deuxièmes sont les
TPE qui exploitent des sites de e-commerce tournés exclusivement vers l’export.
Ces acteurs opèrent en Tunisie, principalement sur des produits du patrimoine
(artisanat, décoration, huile d’olive, etc.), mais font souvent transiter leurs
transactions financières par des plateformes et des banques étrangères.
Le reste, on oserait les appeler des figurants : universités profitant du
e-dinar pour informatiser leurs processus, entreprises publiques donnant
l’exemple, mais ne trouvant aucun intérêt financier à dématérialiser entièrement
leurs processus d’émission et de recouvrement, et enfin, grandes entreprises de
distribution tentant de mettre des catalogues en lignes, avec des interfaces de
paiement qui ne fonctionnent pas.
*Pure Players : acteurs opérants exclusivement sur internet