L’Europe progresse vers une interdiction de la pêche au thon rouge

[22/02/2010 16:04:12] BRUXELLES (AFP)

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êcheur japonais charge des thons rouges sur un bateau au large des côtes croates, le 21 février 2007

Bruxelles a proposé lundi une interdiction du commerce international du thon rouge en le classant parmi les espèces menacées d’extinction, ce qui équivaudrait à interdire la pêche à grande échelle de ce poisson très apprécié des Japonais.

“Nous n’avons pas d’autre choix que d’agir maintenant et de proposer l’interdiction du commerce international” du thon rouge, pêché principalement en mer Méditerranée, a déclaré à la presse le commissaire européen à l’Environnement, le Slovène Janez Potocnik.

“Notre objectif est de garantir un avenir durable aux pêcheurs. Pour ce faire, les stocks de thon rouge doivent être sains, et il est évident pour tous que la surpêche n’est pas la bonne voie”, a estimé à ses côtés la nouvelle commissaire en charge de la Pêche, la Grecque Maria Damanaki.

Si les gouvernements de l’Union européenne approuvent cette recommandation, l’Europe fera peser tout son poids en faveur de cette interdiction au sein de la CITES, l’organisation affiliée à l’ONU chargée de la protection des espèces en danger, qui se réunit du 13 au 25 mars à Doha.

A lui seul, le soutien de l’UE “joue un rôle prépondérant” au sein de la CITES, car les 27 pays qui la composent sont souvent suivis par de nombreux Etats moins directement concernés, observe Saskia Richartz, de l’organisation de défense de l’Environnement Greenpeace,

Mais les Japonais, qui consomment 80% des captures mondiales du thon rouge, ont promis lundi de “tout faire” pour contrer une telle interdiction au sein de la CITES.

Soucieux de ne pas fâcher leurs pêcheurs, les pays européens riverains de la Méditerranée y ont été aussi longtemps opposés. Mais l’Italie, la France et l’Espagne ont fini par changer leur fusil d’épaule, et Mme Damanaki a aussi estimé que la Grèce s’y rallierait.

Bruxelles propose de faire entrer en vigueur l’interdiction avant la saison 2011 (de mi-avril à mi-juin). Avec des exemptions pour la pêche artisanale.

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ée d’un bassin de thons rouges pêchés en Lybie (Photo : Gavin Newman)

La Commission propose en outre d’attendre l’avis des scientifiques de la Commission internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (CICTA), qui regroupe les Etats pêcheurs et doit se réunir à l’automne prochain.

Une idée qualifiée “d’absurde” par Saskia Richartz, qui estime que c’est précisément la CICTA qui, par sa mauvaise gestion du stock, a “contribué en premier lieu à la raréfaction de l’espèce”.

Saluant une proposition “qui se rapproche” de celles récemment faites par la France, un des principaux pays concernés, le ministre français de la Pêche Bruno Le Maire a néanmoins d’emblée exigé quelques “améliorations”.

Paris voit notamment d’un mauvais oeil que les exemptions pour la pêche artisanale ne concernent que la zone de souveraineté nationale (12 miles marins à partir des côtes) et souhaite l’étendre aux zones économiques exclusives où a lieu l’essentiel de la pêche.

Et la France souhaite aussi des compensations financières supplémentaires pour les pêcheurs, alors que Bruxelles n’envisage pour le moment pas de dispositif spécifique.

En un demi-siècle, de 1957 à 2007, les stocks de thon rouge ont baissé de 75%, et de plus de 60% au cours des dix dernières années, selon les défenseurs de l’environnement.

La chair de ce thonidé qui peut atteindre à la pièce quelque 120.000 euros, est très appréciée consommée crue, en sashimi, ou accommodée en sushi. En raison de son prix, il est quasiment absent des étals des supermarchés –où l’on retrouve plus souvent d’autres espèces, plus communes, à chair rouge — et seuls quelques grands restaurants le proposent à leur carte.